Il n’est pas bon que l’homme soit seul

 solitude

 

par Marie-Christine FAVE

 

 

 

« Rentrer le soir et ne pas pouvoir parler de ma journée avec quelqu’un… C’est dur ! explique R.. J’ai besoin d’amis. Il faut que je donne, que je construise. Je ne peux pas vivre sans relationnel. »

 

 

Besoin de relations

 

« L‘Eternel Dieu dit : II n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis. » (Gn 2 :18). On cite plus souvent cette déclaration à propos du mariage à cause de la deuxième partie. Néanmoins, elle commence par un principe général énoncé par le Créateur lui-même. Ce constat est donné avant la chute, alors qu’Adam jouissait de la communion avec Dieu. C’est le premier « II n’est pas bon … » alors que le regard de Dieu sur sa création s’exprimait ainsi : « c’était très bon. » (voir Gn 1:31). Personne ne    pourrait mieux connaître le fonctionnement humain que Celui qui l’a créé.

 

L’homme n’est pas fait pour être seul : il a besoin de Dieu. Il a aussi besoin de relations profondes avec ses semblables. Par les trois témoignages suivants, trois personnes qui ont souhaité garder l’anonymat, un homme (H.) et deux femmes (R. et E), tous trois célibataires et bien engagés dans leurs assemblées respectives, le formulent chacun à sa manière :

 

« Dès qu’il n’y a pas d’entourage, il y a un cri, une souffrance. On a besoin d’amis, d’écoute. Je vivais cette solitude de façon moins forte avant de déménager. Je fréquentais une église plus petite. C’était moins difficile de rencontrer les autres. Je comptais pour une famille et ils comptaient pour moi. » (H.)

 

« La solitude ne m’a pas pesé pendant longtemps grâce au Seigneur, et au réseau relationnel. Par contre, ces dernières années, j’ai senti ce poids de solitude, j’ai vécu des moments de crise avec des sentiments forts de solitude. (F) De son côté, R. souligne elle aussi « un sentiment de solitude. Tu as du mal à t’en séparer, même si tu invites chez toi. »

 

Un peu décourageant, tout cela ? Les personnes citées ci-dessus mentionnent bien sûr des hauts et des bas, et puis « ça dépend des moments. » Pour R., « sans le Seigneur, ce serait la déprime. L’espérance m’aide à vivre le célibat. » F ressent maintenant que « s’il y avait quelqu’un à côté de moi, j’avancerais mieux. Ce n’est pas facile d’être seule à devoir tout gérer, s’organiser sans cesse. »

 

 

Et l’église locale ?

 

Comment nos assemblées accueillent-elles les personnes seules ? Comment les aident-elles à s’intégrer, à trouver leur place ? Comment les considèrent-elles ?

 

Inutile de parler beaucoup. Nous savons que la Bible nous exhorte à l’hospitalité. Et tous les célibataires ne sont pas aussi privilégiés que F : « J’ai très peu vécu de dimanches seule. Je me suis sentie aimée, valorisée et reconnue, surtout quand l’assemblée était un noyau. Le célibataire a besoin de relations fortes. Dans une grande église, les relations peuvent être plus superficielles. Il y a la foule le dimanche matin, puis c’est le vide. »

 

Se sentir reconnu(e), comme on vient de le lire, est important. Ce n’est peut-être pas toujours le cas si la majorité des personnes dans l’assemblée sont mariées et il est si facile de penser que c’est l’état « normal ». Albert Hsu, l’auteur du livre « Hors norme ? » explique qu’au cours de l’histoire, la vision du mariage et du célibat a navigué entre une surestimation de l’un au détriment de l’autre et réciproquement. Le célibataire n’est pas moins apte ou moins mature. Il développe une maturité différemment de ceux qui vivent en couple.

 

« Est-ce que je pourrais assumer jusqu’au bout ? » se demande parfois F. en décrivant « une espèce de vertige face à l’avenir ». Le principe, plein de sagesse, énoncé par Jésus-Christ dans Matthieu 6 : 34 peut vraiment nous aider dans nos inquiétudes face au lendemain : « A chaque jour suffit sa peine. » D’ailleurs, F ajoute : « Quand je vais bien spirituellement, j’apprécie d’être entièrement disponible pour Dieu et je suis heureuse d’avoir tout donné à Christ. »

 

John Stott, auteur et prédicateur, affirme : « Je n’aurais jamais pu voyager autant, ni écrire autant de livres si j’avais dû assumer des responsabilités conjugales et familiales. » L’apôtre Paul, après avoir rappelé dans 1 Co. 7 que « … le temps est court … » (v.29), montre deux aspects favorables d’un célibat vécu pour le Seigneur : être « sans inquiétude » (v.32), et s’attacher « au Seigneur sans tiraillements. » (v.35)

 

 

Un don particulier…

 

Lecture« Je voudrais que tous les hommes soient comme moi ; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l’un d’une manière, l’autre d’une autre. » (1 Co. 7 : 7) On entend parler de « don de célibat ». Mais je crains qu’on véhicule avec cette expression des idées qui iraient plus loin que le texte biblique lui-même. Albert Hsu relève : « De nombreux célibataires se demandent s’ils ont reçu le don du célibat, et beaucoup espèrent secrètement que non ».

 

« Mon célibat, confie H., je le vis par la force des choses. Je n’ai pas décidé de l’être mais de l’accepter ». Selon l’avis de John STOTT dans 1 Co. 7 : 7, « Le mot don est la traduction du grec charisma, un don de la grâce divine (charis). Ainsi, que nous soyons seuls ou mariés, acceptons notre situation comme un don spécial de la grâce de Dieu pour nous. »

 

« Je prends la vie comme Dieu me la donne. N’étant pas mariée, je me demande davantage à quoi je sers. J’ai besoin de trouver auprès de Dieu ma vocation, et de vivre quelque chose de fort avec Dieu. » (F) Cet aspect de dépendance vis-à-vis de Dieu manifeste en fait un point fort de la situation célibataire, sans oublier la disponibilité vue par Paul – sans inquiétude – sans tiraillements, même si cela comporte aussi une lutte. Et s’il y a une personne qui peut bien comprendre le célibataire, c’est bien Jésus-Christ.

 

M.-C. F.

 

 

« C’est une erreur de considérer le célibat (ou le mariage) comme un don de même nature que les dons spirituels énumérés en 1 Corinthiens 12. […] Le don décrit un état objectif. Si vous êtes célibataire, vous avez le don du célibat… Lorsque vous vous mariez, vous échangez votre don du célibat pour celui du mariage. Ces dons sont bons tous les deux. »

 

« Hors norme ? », Albert HSU