Temoignage

 

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Veillée cévenole

 

 

Par François-Jean Martin

 François-Jean Martin

 

 

Nous vous invitons à une veillée cévenole. On y raconte l’histoire de ces paysans protestants qui ont souvent payé de leur vie, leur fidélité à Jésus.

 

 

 

En route vers la veillée

 

Emmitouflés, vous êtes venus à pied sur le chemin qui longe les terrasses où vous apercevez les vieux troncs tourmentés des châtaigniers. Vos hôtes vous accueillent en occitan et vous font entrer dans une pièce où une grande cheminée propose un feu agréable. Des grilles sont déjà sur des braises et un panier de châtaignes est tout près, un chaudron est aussi suspendu d’où sort l’odeur de la soupe de châtaignes. Les chaises et bancs sont disposés autour de l’âtre, une grosse et vieille Bible est ouverte sur la table et les discussions vont bon train, interrompues par les salutations joyeuses des derniers arrivés. Bienvenus en pays cévenol !

 

Les veillées

 

Le châtaignier reste avec le protestantisme le marqueur identitaire majeur1 des vallées cévenoles. C’est un des piliers autour duquel s’organise la veillée.

 

Ces veillées cévenoles permettaient aux protestants de se retrouver et c’est là qu’en occitan, se retransmettait la force de la foi protestante autour de la Bible et des histoires de témoignages des héros de la foi. Cette transmission était essentielle pour les enfants et les jeunes, elle donnait l’identité et soudait les communautés. Ces histoires rassemblées ont donné des livres qui portent tous, dans leur titre, les termes de veillées cévenoles. C’est de ces vieux ouvrages, lus dans ma jeunesse, que j’ai adapté l’histoire qui va suivre. Je vous propose un de ces témoignages, non pour exalter des hommes mais pour nous souvenir de nos racines protestantes et pour exalter leur Maître et le nôtre qui est fidèle aux siècles des siècles. J’ai gardé volontairement le style et les vieux mots du passé pour rester dans l’atmosphère.

 

 

 

 

Plusieurs, dont le nom est ignoré sur la terre mais inscrit dans les cieux, ont laissé dans l’histoire de notre vaillante Église un lumineux sillon, un exemple sublime. II importe de ne pas les laisser passer inaperçus. La foi se fortifie, le zèle se réchauffe, l’enthousiasme pour la plus noble des causes, la cause de Christ, renaît à ces touchants et glorieux souvenirs…

 

C’était à Moncontour. Coligny, privé des renforts qu’il attendait, se vit contraint de battre en retraite. L’infanterie huguenote avait disparu presque tout entière dans la mêlée. Seule, la cavalerie se repliait lentement, sans désordre. Tandis que ces restes de l’armée calviniste, écrasés par le nombre, partaient, une scène émouvante se passait à quelque distance :

 

Un jeune cavalier, gentilhomme et breton d’origine, qui avait combattu au premier rang pendant toute la durée de l’action, suivait, au pas de son cheval, un étroit sentier en compagnie de son domestique. Blessé d’une arquebusade à la tempe, la poitrine trouée de plusieurs coups de pique, il perdait le sang par de larges blessures et sentait venir sa dernière heure.

 

L’oreiller2

Lorsqu’il fut arrivé sur le bord d’un fossé qui formait la limite d’un champ, il se laissa doucement glisser de sa monture et s’étendit sur l’herbe. Aussitôt le vieux serviteur, qui l’avait vu naître sans doute et qui l’aimait tendrement, se pencha vers lui, les larmes aux yeux, pour étancher ses plaies…

 

« Non, non, lui dit le jeune homme, ce serait peine inutile ! Donne-moi seulement ma bonne Bible qui est fixée à l’arçon de ma selle. Elle ne me quittait pas dans la vie, qu’elle ne me quitte pas dans la mort ! »

 

Le soldat, se hâtant de déférer à ce voeu, dénoua les lanières de cuir qui retenaient le saint volume, et le tendit à son maître.

 

Alors celui-ci plaça le Livre sous sa tête et resta un instant immobile, le regard tourné vers le ciel comme s’il eût cherché l’Invisible ; puis, il pressa une dernière fois la main de son compagnon fidèle et murmura d’une voix à demi éteinte : « Ne pleure pas, ami ! Mais retourne maintenant près de ma mère bien-aimée… Tu lui diras que son fils a fait son devoir et qu’il s’est endormi ici, sur l’oreiller de la Parole et des promesses de son Sauveur ! »

 

 

 

 

   Vaincus sublimes que ces héros du seizième siècle ! Toujours victorieux en réalité, même dans la défaite. Comme l’or au creuset, comme le fer au feu, leur foi se retrempait, se purifiait dans l’épreuve, de telle sorte qu’ils pouvaient dire, en exhalant leur dernier souffle : « En toutes choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés ! », parce qu’ils se reposaient uniquement sur Jésus et sur la parole de sa grâce.

 

Protestants de nos jours, enfants de la Réforme, souvenez- vous de vos pères ! « Placez- vous sur les chemins, demandez quels sont les anciens sentiers, quelle est la bonne voie ; marchez-y, et vous trouverez le repos de vos âmes ! » Loin de vous tout oreiller trompeur sur lequel, à la fin de votre journée, vous ne pourriez pas vous endormir avec assurance ! En temps de paix, comme à l’heure de la tribulation, la parole et les promesses du Sauveur sont l’unique oreiller d’une sécurité parfaite : Que ce soit le vôtre dans cette vie qui s’en va et dans la mort qui approche !

 

  psaume-119-105

 

F-J.M.


 

NOTES

 

1. Véritable ciment du pays, il en est devenu le symbole : bois des berceaux comme celui des cercueils, bajanats (soupe de châtaignes) nourricières, afachadas ou castagnades (châtaignes grillées).

 

 

2. Ce texte est un résumé adapté d’une histoire intitulée « L’oreiller » parue dans les Nouvelles veillées cévenoles, J-T.et L. Martin, Société des publications morales et religieuses, Toulouse, 1897.