2e Congrès protestant évangélique européen d’éthique

 

23-25 Mai 2008 à Strasbourg

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© PHOTO CPDH                                                                                                                                                                                                                                                        SIGNATURE DE LA DÉCLARATION DU CONGRÈS

 

Chrétien et citoyen : espérance et responsabilité

 

 

 

Chrétien et citoyen : deux substantifs antinomiques ou pronomiques ? Encore récemment, l’engagement au monde, en particulier politique, du chrétien évangélique a semblé antinomique avec sa nature d’homme régénéré par l’Esprit (nous ne sommes pas du monde, juste dans le monde pour quelque temps). Or la Parole de Dieu nous enjoint, en ayant « les pieds dans le monde et la tête au ciel », à nous engager pour le bien commun de nos prochains, c’est-à-dire de nos concitoyens : « Tu aimeras ton prochain (ton concitoyen) comme toi-même (toi citoyen) ». Cette vie dans la cité nous la partageons, qu’on le veuille ou non, avec tous ceux qui nous entourent, nos proches, nos prochains, nos concitoyens.

 

C’est là que les deux termes « chrétien » et « citoyen » convergent de manière pronomique.

 

C’est ce que nous ont rappelé Mme Anna ZABORSKA, M. Malcom HARBOUR et le Général Philippe MORILLON, tous trois chrétiens et députés européens ainsi que Claude BATY, président de la FPF, lors de la séance inaugurale de ce Congrès, au Parlement Européen à Strasbourg.

 

congresCet engagement basé sur l’humilité, le respect et l’amour de l’autre nous fait entrer en éthique de l’autre comme on entre en religion disait Paul Ricœur.

 

Le théologien Henri BLOCHER a replacé les traits communs qui, dans le protestantisme, fondent dans l’être les rapports du chrétien à la cité, nous montrent le sens de l’histoire et les orientations déterminantes dans l’action. L’ordre politique fait partie de la création, mais nous n’avons pas à faire de l’Etat une idole, alors qu’il n’est qu’une création de Dieu. La démocratie – « le moins pire des régimes à l’exception de tous les autres » selon Winston Churchill – est un arrangement créaturel où laïcs et clercs sont de la même essence, le peuple.

 

C’est dans la perspective historique que nous pouvons situer notre citoyenneté où l’histoire prend sens à la croix par la mort de Jésus. Le problème qui entache est le péché, cette prétention d’autonomie, qui a été vaincu une fois pour toutes par la rédemption accomplie en Jésus-Christ. C’est là que prend sens la chose politique dans la vision de l’histoire conduite par Dieu et la réalité de la lumière et du sel de la terre que doit être chaque chrétien concitoyen du royaume des deux et de la terre.

 

Le chercheur sociologue Sébastien FATH, en rappelant que nous ne sommes pas des « machines à bonnes œuvres », a ensuite brossé l’histoire de l’action sociale menée par les protestants évangéliques européens.

 

Il mentionne d’abord que du prophète à la profession, il n’y a qu’un pas et que l’activisme social peut se décliner en trois modes : un élan révolutionnaire utopique, un réformisme alternatif ou un engagement spécialisé et professionnel. On peut ainsi dégager des caractéristiques communes des évangéliques engagés dans l’action sociale comme les accents mis sur l’assemblée locale, la conversion de l’individu et le lien matériel-spirituel. Enfin on peut pronostiquer trois enjeux européens pour les évangéliques : une offre alternative par rapport à la crise de l’Etat providence, les aléas d’un christianisme dans une société pluraliste de plus en plus sécularisée et l’enjeu croissant d’une action en réseau dans une intégration européenne.

 

La 2e journée a débuté par une méditation de la parabole du levain qui nous a interrogés : « Avec quel levain travaillons-nous ? », et nous a encouragés à apprendre à laisser faire Dieu qui associe notre action à la sienne pour développer son règne.

 

Nous nous sommes penchés ensuite sur l’œuvre de Jacques Ellul, un prévisionniste plutôt qu’un prophète (qui proteste). Il nous dit que le chrétien est appelé au discernement (le contraire du conformisme) dans notre société où la morale suprême – le bien – est l’efficacité. Ce discernement conduit par la foi en Christ nous libère de nous-même et nous permet un engagement mondain, parce que nous sommes dégagés de nous-même. Laissons-nous donc questionner par la Bible pour que le Saint-Esprit éclaire nos réponses au monde.

 

Les témoignages de Mme Georgina DUFOIX (ancien ministre), M. Frank MEYER (maire) et M. Claude RUEY (membre du gouvernement suisse) ont été le moment fort de la table ronde « Espérance chrétienne et engagement politique ».

 

 L’ASSISTANCE AU PARLEMENT

congres-ethique-2Leur conversion – qu’elle soit advenue après ou avant leur engagement politique -est le point d’orgue de leur action citoyenne aujourd’hui. Leur foi communicative encourage les chrétiens à investir la sphère politique pour servir la cité et nos concitoyens. « C’est parce que nous espérons que nous nous engageons » tout en veillant à la violence de l’humanisme d’aujourd’hui, désincarné, qui peut passer nos vies personnelles au rouleau compresseur. C’est là que notre espérance, fondée en Jésus-Christ et en Son œuvre expiatoire salvatrice, nous permet de surmonter les coups de boutoir de l’engagement politique.

 

Voilà donc, à chaud, quelques temps forts de ce 2e Congrès Evangélique d’Ethique. Que cela puisse nous encourager à considérer la chose politique comme une possibilité pour le chrétien d’être au monde un témoin de la grâce et de l’amour de Dieu pour tous les hommes, nos concitoyens.

 

Alain LOMBET

 

 

 2e Congrès protestant évangélique européen d’éthique

 

23-25 Mai 2008 à Strasbourg

 

Déclaration des organisateurs1

 

Chrétien et citoyen : espérance et responsabilité

 

 

Introduction

 

Protestants évangéliques d’origines diverses, nous réaffirmons que l’Évangile est avant tout la Bonne Nouvelle du salut de Dieu en Jésus-Christ, qui ne peut en aucun cas se réduire à une recette morale ou politique qui devrait être imposée aux êtres humains. Nous rappelons que l’amour de Dieu concerne tout l’être humain comme tous les êtres humains. La manière de vivre en société ne peut donc nous être indifférente. C’est pourquoi,

 

  • proclamant la souveraineté du Dieu éternel, Père, Fils et Saint Esprit, Créateur et Juge de tous les humains, qui désire pour eux la Justice, la réconciliation et la délivrance de toutes les sortes d’oppressions,

  • attachés à l’Écriture sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament, dont nous affirmons l’inspiration divine, la vérité et l’autorité,

  • confiants dans la grâce de Dieu,

  • dans l’esprit de la déclaration de Lausanne de 1974,

  • convaincus que l’engagement sociopolitique fait partie de notre devoir de chrétiens,

  • à la suite des William Wilberforce, Henri Dunant, Charles Péan, Martin Luther King, et tant d’autres,

 

nous voulons nous efforcer de promouvoir la justice et la paix, ainsi que des relations interpersonnelles de qualité dans la société, tant au niveau local que plus largement, pour le bien de la communauté humaine.

 

Attachés à la neutralité de l’État en matière religieuse, nous ne réclamons pour nous-mêmes aucun privilège ou droit particulier, si ce n’est, comme pour tout citoyen, celui d’exprimer nos convictions et de s’engager dans les affaires de la cité.

 

 

1. Un engagement réaliste

 

Nous affirmons que l’amour du prochain doit nous amener à une citoyenneté active, dans

 

un esprit de service de la collectivité, car la foi sans les œuvres est morte. Les chrétiens, par leur engagement dans la cité, veulent être témoins du Royaume d’amour, de justice et de paix voulu par le Christ, qu’il nous demande de manifester déjà, mais que lui seul établira pleinement quand il reviendra.

 

Cet engagement peut prendre de multiples formes : actions individuelles, engagement associatif, exercice d’un mandat politique, etc. Certes, parce que la nature humaine est marquée par le péché et que le pouvoir expose à bien des tentations, parce que les situations sont complexes et changeantes, nous nous souvenons que tout engagement politique reste de l’ordre du relatif.

 

Mais nous affirmons que cette lucidité ne doit pas être pour l’Église prétexte à passivité devant un bien à faire ou un mal auquel il faut résister. Elle va de pair avec l’espérance que nous plaçons dans le Dieu vivant. Nous savons que rien ne Lui est impossible et qu’il peut tracer des chemins là où il n’y en a pas.

 

 

2. Des convictions communes

 

Nous nous retrouvons, en tant que protestants évangéliques, sur un certain nombre d’affirmations qui nous unissent parce qu’elles viennent de la révélation biblique elle-même.

 

Nous puisons notre inspiration dans cette source commune pour fonder notre réflexion et notre action. Cependant nous n’idéalisons aucun courant ou parti, quand bien même celui-ci se réclamerait de l’Évangile, et nous accueillons, y compris en notre sein, une légitime diversité de choix politiques dans la mesure où ils restent conformes aux valeurs de l’Évangile.

 

 

3. L’importance de la personne humaine

 

Nous affirmons la valeur et la dignité absolues de toute personne humaine, car nous croyons qu’elle est créée à l’image de Dieu. Le respect de l’être humain, de la conception à la mort naturelle, doit demeurer notre priorité. Parce qu’elles n’ont pas les moyens de défendre elles-mêmes leur cause, nous devons accorder une attention particulière aux personnes vulnérables ou rendues vulnérables par l’âge, la maladie, le statut social, l’origine étrangère, etc. – en un mot soutenir le petit ou l’opprimé.

 

 

4. L’individu et le bien commun

 

Nous rappelons que l’individu a non seulement des droits mais aussi des devoirs envers la communauté. Voilà pourquoi, en tant que chrétiens, nous voulons travailler au bien commun et récusons toute forme d’individualisme qui détruit le vivre-ensemble. Cependant, nous rappelons avec fermeté que c’est le bien de personnes concrètes qui doit être la fin de toute politique.

 

L’économie, en particulier, a vocation à servir l’être humain, et non l’inverse. Nous affirmons que la recherche de l’intérêt collectif ne saurait justifier de porter atteinte à la valeur et à la dignité absolues de tout être humain. Celles-ci sont au-dessus de toute autre considération, qu’elle soit relative à la couleur de peau, la culture, la nationalité, l’appartenance ethnique ou religieuse, la classe, l’âge, le sexe, etc.

 

 

5. Justice, paix et qualité des relations interpersonnelles

 

Nous recherchons la Justice. Chercher la Justice, c’est d’abord nous efforcer nous-mêmes d’être justes, c’est-à-dire conformes à la volonté de Dieu dans notre vie personnelle et au sein de la société. Les chrétiens sont appelés à être respectueux des autorités, mais l’obéissance à Dieu et à son commandement d’amour du prochain est première. Nous voulons donc défendre le droit et l’équité, mais nous rappelons que la Justice est au-dessus du droit et que sa recherche peut parfois nous amener à être en opposition avec certaines lois humaines. La paix est, elle aussi, au cœur de la volonté de Dieu pour les hommes, et inséparable de la Justice. On ne peut parler congres-2de paix là où il y a oppression ou exploitation et sa recherche pourra, paradoxalement, être source de conflit. Appelés par le Christ à être ouvriers de paix, les chrétiens portent dès lors la responsabilité de ne pas fuir devant les conflits, mais de travailler à leur résolution en refusant d’entrer dans le cycle de la violence. De façon plus générale, parce que l’amour du Christ nous pousse, nous voulons travailler à améliorer la qualité des relations interpersonnelles dans la société, tant au niveau local que plus largement, par nos paroles et nos actes, pour le bien de la communauté humaine.

 

 

6. Le souci de la création

 

Nous affirmons que l’être humain est le gérant d’un monde créé par Dieu. À ce titre, il en est responsable et a pour mission d’en prendre soin, notamment en étant attentif aux conséquences plus lointaines des décisions qu’il prend aujourd’hui. Le respect de la création est fondé à la fois sur l’amour du Créateur et de son œuvre et sur le souci de ceux qui habitent aujourd’hui et habiteront après nous cette planète.

 

 

7. Présents auprès de tous

 

Nous affirmons que les chrétiens ont le devoir de parler pour ceux qui n’ont pas de voix et pour ceux auxquels on ne prête pas attention. La fidélité chrétienne ne peut se réduire au soutien d’une cause médiatique – si juste soit-elle – et c’est notre responsabilité d’être attentifs et de rendre attentifs l’opinion et les responsables politiques aux sujets qui ne sont pas ou peu abordés par les médias et l’opinion publique.

 

 

Conclusion

 

Nous sommes disciples de Jésus-Christ, qui a été au milieu des hommes comme un serviteur. C’est en serviteurs que nous voulons prendre notre place dans la société dont nous faisons partie, attentifs aux besoins et aux détresses de notre monde. Chrétiens et citoyens, nous sommes convaincus que l’Évangile garde toute sa pertinence pour la société d’aujourd’hui. Nous ne voulons ni nous désintéresser de la cité, ni lui imposer nos convictions, mais nous ne saurions l’aimer et la servir sans dialoguer avec le monde, faire entendre notre voix et y prendre des responsabilités.

 

Nous appelons donc les chrétiens à :

  • ne pas céder à la résignation et à la peur mais à agir pour la transformation de ce monde,

  • discerner les engagements particuliers auxquels ils sont appelés,

  • oser prendre des initiatives novatrices,

  • prier pour ceux, chrétiens ou non, qui exercent la charge de responsabilités politiques.

Soyons des ferments d’espérance !

 

« C’est là une parole certaine : Dieu a répandu avec abondance le Saint Esprit sur nous par Jésus-Christ, notre Sauveur, afin que, déclarés justes par sa grâce, nous devenions les héritiers de la vie éternelle qui constitue notre espérance, (…) afin que ceux qui ont cru en Dieu s’appliquent à accomplir des œuvres bonnes. Voilà ce qui est bon et utile aux hommes. »

(La Bible, Lettre à Tite, 3 : 6-8)

 


NOTE

 

1.  La Déclaration « Chrétiens et citoyens, espérance et responsabilité » a été signée solennellement le 25 mai par ses organisateurs à l’issue du deuxième Congrès protestant évangélique européen d’éthique, qui s’est tenu à Strasbourg du 23 au 25 mai 2008 avec plus de 200 participants de Belgique, de France et de Suisse.

 

signatairesLes signataires sont : Alliance Evangélique Européenne – Alliance Evangélique Française – Alliance Evangélique Francophone de Belgique – CARE pour l’Europe – Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine – Fédération Evangélique de France – Fédération Nationale des Églises et Œuvres des Assemblées de Dieu de France – Institut de Développement, Recherche et Réconciliation – Réseau évangélique suisse.