Qui mourra verra1

 croix

par Jean-Pierre BORY

 

 

« Qui mourra verra » : ce sont les presque derniers mots d’une jeune fille paralysée et mourante dont Marie de Hennezel raconte l’ultime combat dans son livre. François Mitterrand en écrivit la préface, il y a quelques mois seulement, en un temps où il réfléchissait beaucoup sur ce dernier passage qui l’a toujours préoccupé. Début janvier, il confiait à son médecin : « Dans un mois, je ne serai plus de ce monde. La mort ne me fait pas peur, mais je me pose beaucoup de questions sur l’après. »2

 

Sitôt décédé, Mitterrand a été salué, autant par ses ennemis politiques que par ses amis, comme un homme courageux et lucide. Ce courage, il l’a aussi manifesté devant la mort à laquelle il songeait depuis longtemps : « II faut y penser et s’y préparer chaque jour. Vous devriez un peu y penser vous aussi » disait-il à l’un de ses collaborateurs deux fois moins âgé que lui. On peut se préparer à franchir le pas avec courage comme l’a fait Mitterrand : « J’ai réglé la question de la mort, je ne la crains pas ». Mais il n’avait pas résolu les questions sur « l’après » qu’il ne pouvait sonder.

 

Le philosophe Alain disait : « La mort ne s’imagine point. On peut seulement dans l’inaction, dans la fatigue, dans la tristesse, attendre quelque chose d’inconnu, d’inusité, contre quoi on ne trouve point d’arme ni de parade ». Alain avait raison, car il pensait et raisonnait en homme. L’homme est sans ressources devant la mort et incapable d’en définir les horizons. L’idée qu’il peut s’en faire n’est que négative comme l’exprime bien l‘Ecclésiaste (9.10) : « il n’y a ni activité, ni raison, ni science, ni sagesse dans le séjour des morts où tu vas ». Qui mourra, verra alors ce qu’il en est.

 

Parler ainsi, c’est oublier de s’en référer à celui qui a créé la vie, au Dieu de Jésus-Christ. Il a pris la peine de nous informer sur l’au-delà qui nous attend ; avant Mitterrand, il a pressé l’homme de s’en préoccuper, de s’y préparer ; il l’a averti du danger de jouer à l’autruche, et d’attendre pour voir. Encore faut-il accepter de regarder à ce Créateur. « Je ne crois ni en un Dieu de justice, ni en un Dieu d’amour. C’est trop humain pour être vrai » disait la jeune fille citée plus haut.

 

Trop humain pour être vrai ; oui, si l’on considère dans l’histoire, les piètres et mièvres représentations de Dieu conçues par l’esprit humain, des dieux dont la justice et l’amour sont aussi fluctuants et relatifs que ceux des hommes.

 

Le Dieu de la Bible est tout autre, et il Est. Et qui mourra Le verra. « Le juste trouve un refuge même en sa mort » écrivait Salomon (Pr 14.32). Il vaut la peine de se préparer à rencontrer Dieu en acceptant ses conditions. Dieu sera comme un feu dévorant pour ceux qui auront méprisé sa Parole, il sera comme un Père pour ceux qui auront fait appel à lui (Mt 7.11), il les recevra avec honneur, il essuiera toutes leurs larmes, il les accueillera pour toujours dans sa présence (Ap 21.3-4).

 

Cette fête de Pâques toute proche nous rappelle que la mort n’a plus de pouvoir sur ceux qui mettent leur foi en Jésus-Christ le ressuscité.

 

J.-P. B.

 


 NOTES

 

1. Marie de Hennezel, La Mort intime, Robert Laffont, 1995.

 

2. F. Mitterrand cité par Robert Schneider, dans le Nouvel Observateur du 17 janvier 1996, p.26.