Quelques conseils pratiques pour

 

l’approche d’une personne mourante

 

mains-jointes

 

par Soeur Annette Joseph1

 

 

 

C’est un sujet d’actualité puisque, tous, nous sommes confrontés au deuil dans nos familles et nos Eglises ; et tous, nous devrons mourir un jour.

 

Trop souvent, nous avons des réactions de fuite devant une personne mourante, nous ne savons quelle attitude prendre. Voici quelques conseils très simples, valables aussi bien au bord du lit d’un mourant que d’un simple malade. Une règle de base :

 

Considérer une personne mourante comme une personne vivante jusqu’à l’instant de son décès : il faut continuer à vivre près d’elle, à la soigner, à la soulager, à l’entourer effectivement et à la soutenir spirituellement.

 

La lettre suivante s’adresse à nous :

 

 

LA MORT EN FACE

 

Je suis élève infirmière. Je vais bientôt mourir. Je vous écris à vous qui êtes ou qui deviendrez infirmiers(ères). Je le fais dans l’espoir que ce que je partage vous permettra un jour d’aider d’autres qui doivent passer par le même chemin.

 

Je suis sortie de l’hôpital… pour un mois, six mois, une année… mais personne ne peut en parler. En réalité, personne ne veut parler de rien, en ce qui concerne ma maladie. Au dire de certains, l’accompagnement des mourants est en progression. A mon goût elle ne progresse pas assez rapidement. On apprend à éviter la gaieté, à ne plus rassurer la malade avec un « tout va bien » de routine et on y arrive. Mais maintenant le malade se retrouve très seul face au silence. Le personnel n’ayant plus le droit de dire des paroles rassurantes, n ‘a plus rien à apporter si ce n ‘est sa propre vulnérabilité et ses peurs.

 

Le mourant n ‘est plus un être humain avec qui on cherche la communication. Il est plutôt le symbole de ce que redoute chacun et auquel chaque être devra faire face un jour.

 

Que nous disait-on en psychiatrie ? Que la rencontre de deux états pathologiques est néfaste aussi bien pour le malade que pour le soignant. On nous a beaucoup conseillé de connaître ses propres sentiments pour être en mesure d’aider l’autre avec les siens. Combien cela est vrai.

 

Mais pour moi, la peur… c’est aujourd’hui, et la mort… c’est maintenant. Vous glissez dans ma chambre, vous me donnez des médicaments, vous prenez ma tension. Est-ce parce que je suis moi-même élève infirmière que je ressens votre frayeur, ou cela vient-il simplement du fait d’être un être humain ? De toute façon votre peur renforce la mienne.

 

C’est cela que nous les mourants recherchons. Nous posons des tas de questions, nous demandons souvent « Pourquoi ? » mais nous n’attendons pas vraiment de réponses. Ne nous fuyez pas. Restez là ! Tout ce que je veux, c’est que quelqu’un me tienne la main quand j’en ai besoin.

 

J’ai peur. Pour vous la mort c ‘est peut-être de la routine, pour moi tout est nouveau. Pour vous, je ne suis pas un cas unique, mais rappelez-vous que pour moi c’est la première fois que j’ai à regarder la mort en face, et à y passer.

 

Vous chuchotez au sujet de ma jeunesse, mais un mourant peut-on le considérer comme jeune encore ? ll y a tant de choses dont j’aimerais m’entretenir avec vous. Cela ne prendrait pas beaucoup de votre temps. Vous êtes souvent dans ma chambre de toute façon. Si seulement nous pouvions être plus honnêtes, admettre nos peurs les uns aux autres, nous toucher.

 

Si vous avez vraiment de la peine, serait-ce perdre la face au niveau professionnel que de pleurer avec moi ? En tête-à-tête ? Dans ce cas la mort serait moins dure à vivre… à l’hôpital, si j’étais entourée d’amis.

 

Anonyme. Tiré d‘Aimer et Servir sept 88

 

 

CONSEILS PRATIQUES

 

 

A EVITER

   CONSEILLÉ

Visite en foule chez la personne mourante

1 -2 personnes suffisent, mais se relayer si possible.

Lumière crue au-dessus du lit.  

Lumière tamisée, éclairage indirect ; éteindre le plafonnier.

Rester à deux mètres de la personne mourante, s’asseoir sur son lit.    

S’approcher, se mettre à son niveau ; s’asseoir sur une chaise à côté du lit.

Lui faire tourner la tête.

Se placer dans son champ visuel.

Lui broyer la main, bouger un bras perfusé. 

Toucher avec précaution la main libre, la maintenir.

Presser trop fort le front.

Poser délicatement une main fraîche, un linge humide.

Déplacer la personne, même si elle le demande. 

Proposer votre aide au personnel, surveiller la perfusion et avertir à temps.

Parler très fort, mais aussi chuchoter.

Un malade couché est très sensible au bruit ; une personne mourante entend jusqu’à la fin.

Poser des questions agressives au personnel.  

Lui faire confiance, lui donner un mot gentil, lui dire merci.

Parler du malade aux soignants devant lui, même comateux. 

S’arranger pour dialoguer avec eux ailleurs.

Rester pendant la visite du médecin ou pendant les soins. 

Bon prétexte pour sortir et le questionner après la visite.

Insister si le médecin est pressé.  

Demander un rendez-vous pour dialoguer avec lui ;

Parler beaucoup, faire de longues phrases, attendre des réponses de la personne mourante.    

Ecouter et observer, s’exprimer en courtes phrases, poser des questions simples auxquelles le malade peut répondre par oui/non ou par un geste.

Des compliments mensongers tel que « tu vas très bien ». 

Etre vrai, mais avec tact et douceur.

Se vexer si la personne mourante ne réagit pas à nos propos. 

Se souvenir qu’elle est lasse, peut-être dans l’incapacité de répondre, qu’elle a besoin de votre présence, de compréhension, d’être encouragée.

Laisser éclater son chagrin ou sa tension nerveuse devant le malade. 

S’accorder des moments de répit, de repos.

Penser à soi, à sa propre peine.  

Etre là pour la personne mourante.

Donner à manger (danger de vomissements, de contre-indication).

Avec accord, éventuellement apporter ce que la personne aimait, être présent aux repas, donner peu à la fois, laisser du temps au malade, ne pas le forcer à manger.

Donner à boire (danger d’étouffement, contrôle de la diurèse). 

Avec accord, donner souvent de petites gorgées.

Mouiller les lèvres (gerçures).

 Les enduire avec une bonne crème.

S’affoler devant une personne agitée.

Rester calme, essayer de rassurer.

Paniquer si la personne mourante émet sans cesse de nouvelles et multiples demandes. 

Apprendre à discerner les vrais besoins (elle est peut-être angoissée devant la mort).

Visiter n’importe quand. Le malade est fatigué après la toilette et les soins du matin. 

Visiter dans l’après-midi ou vers le soir (plus de lucidité) ; visites courtes.

 

 

 

APPROCHE SPIRITUELLE

 

Le moment de la mort est celui de l’invasion de l’éternité. Le visiteur aussi doit se préparer à l’accompagnement de celui qui vit ce moment « sacré ». Les soignants viennent avec des objets (seringues, médicaments…), le croyant vient les mains vides, mais pour communiquer la paix du Seigneur et manifester son amour, et peut-être transmettre un ultime appel à regarder au Sauveur.

 

Pour aller plus loin sur ce sujet, nous ne pouvons que recommander encore la lecture de Mourir s’apprend de Samuel GERBER. Editions E.B.V ;

 

A.J.

 


 

NOTE

 

1. Ces notes ont été prises lors d’une réunion de dames en novembre 1988, animée par Soeur Annette JOSEPH, diaconesse et responsable de l’aumônerie à la clinique BETHESDA à Strasbourg. Nous la remercions de nous avoir permis cette publication. L’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) a créé plusieurs oeuvres remarquables sous le nom de BETHESDA ; en particulier à Strasbourg, l’hôpital BETHESDA, la clinique du Diaconat, une école d’infirmières, une maison pour personnes âgées.