Qu’est-ce que le droit ?


Par CATHERINE AUDÉOUD

 

Qu’est-ce que le droit ?

 

 

Le Droit objectif est l’ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. Par exemple, la limitation de vitesse s’applique à tous, elle relève du droit objectif.

 

Il s’oppose au droit subjectif qui est la prérogative attribuée à un individu lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation (le créancier bénéficie d’un droit subjectif à l’égard du débiteur puisque deux personnes seulement sont concernées par l’obligation en cause1).

 

D’où vient le droit ?

 

Le législateur est-il libre de l’établir comme bon lui semble ? Deux conceptions s’affrontent :

 

Une conception idéaliste : Les partisans du droit naturel plaident pour l’existence d’un ensemble de règles idéales, supérieures au droit positif et qui s’imposent à tous, y compris au législateur. Cette conception est fondée sur le postulat du droit naturel.

 

Une conception positiviste : Elle ne reconnaît que le droit positif, c’est-à-dire l’ensemble des règles de droit objectif, en vigueur dans un État, à un moment donné.

 


Quelles relations entretient le droit avec la morale ou la religion ?

 

La morale et la religion s’intéressent aussi à la vie en société. Mais elles concernent essentiellement l’individu.

 

Une différence de finalité : La règle morale tend à la perfection de l’être humain. La règle religieuse veille à son salut individuel. La finalité sociale du droit est donc une particularité plus évidente. Le but de la règle de droit étant d’assurer l’ordre de la société en général, elle peut être amenée à trancher sans considération pour une exigence morale ou religieuse.

 

Cela dit, des points de rencontre peuvent exister entre le droit et la morale (honnêteté, courtoisie), comme entre le droit et la religion (condamnation du faux témoignage, du vol, du meurtre). Par ailleurs, il existe des droits religieux, comme le droit hébraïque, l’ancien droit romain, le droit canonique, le droit musulman ou le droit hindou.

 

Des dissemblances se manifestent aussi : l’inspiration religieuse est absente des dispositions relatives au permis de construire ou à la mitoyenneté.

 

Des contradictions apparaissent également : la légitime défense heurte le postulat de rendre le bien pour le mal, le divorce s’oppose à la théorie du mariage –sacrement de la religion catholique.

 

Une différence de sanction : La règle de droit étant imposée par l’État, elle peut être sanctionnée par l’État, seul habilité à contraindre. La violation d’un commandement religieux met en cause les relations de l’homme avec Dieu (sanction interne d’ordre psychologique, remords…). La violation de la règle de droit déclenche une sanction mise en oeuvre par les pouvoirs publics (sanction externe : amende, emprisonnement).

 

 

Comment le droit s’est-il constitué à travers l’histoire ?2

 

L’histoire du droit permet de connaître les conditions dans lesquelles les règles juridiques sont nées, se sont développées et ont disparu. Elle révèle ainsi la relativité des phénomènes juridiques dans le temps. Le droit n’est pas immuable, il évolue. Mais l’histoire du droit révèle aussi l’héritage dont notre droit est porteur. Ainsi, les droits modernes sont nés de la transformation des systèmes juridiques qui les ont précédés.

 

À l’origine, les droits orientaux (droits cunéiformes, droit hébraïque) se caractérisent par deux éléments :

 

Empirisme : les lois se présentent sous une forme casuistique. Elles énumèrent des solutions fixées pour chaque cas d’espèce, par exemple : « quand un homme volera…, il donnera en compensation… », la réflexion théorique n’existe pas.

 

Imprégnation religieuse : le droit fait l’objet d’une révélation (exemples : Code d’Hammourabi, loi de Moïse). Les modes de preuve font appel à la divinité. Ainsi, l’ordalie ou jugement de Dieu soumet le plaideur à une épreuve matérielle destinée à manifester la vérité (ordalie fluviale en Mésopotamie, ordalie des eaux amères dans la Bible)

 

L’apport décisif du droit romain et l’une des principales raisons de son succès historique fut d’avoir isolé le droit de la morale ou de la religion. Ainsi séparé de la sphère religieuse, il a pu être analysé, critiqué, et ouvrir la voie à la théorie juridique.

 

Après la chute de Rome en 476, l’ancien empire d’Occident laisse place à une mosaïque de royaumes barbares. Ces tribus sont régies par un droit rudimentaire, aux usages fort variables d’un peuple à l’autre. Au VIe siècle de notre ère, l’empereur d’Orient Justinien fait réaliser une compilation du droit romain qui sauve l’héritage séculaire de Rome et servira de modèle au système juridique de l’Europe continentale. Droit romain et droit canonique (l’Église est devenue une institution reconnue par l’État au IVe siècle) forment les droits dits « savants » du Moyen Âge. Ils provoquent le réveil de la science du droit et vont permettre au roi de France de déployer sa souveraineté en matière de législation ou de justice.

 

Malgré l’effort du roi pour reconquérir ses prérogatives, l’ancien droit reste marqué par la superposition et l’éparpillement des normes. Les sources du droit sont éclatées entre les mains d’innombrables acteurs : les seigneurs, l’Église, les villes émancipées, le roi…

 

C’est pourquoi les rédacteurs des Cahiers de doléances réclament un corps de droit unique pour tout le royaume. La Révolution met en avant les nouveaux principes qui devront animer le droit (liberté, égalité, laïcité). Mais elle ne parvient pas à unifier la législation civile. Le Code civil napoléonien voit le jour en 1804 : il se veut une transaction entre l’Ancien Régime et la Révolution. Il reprend la division tripartite du droit romain3 et laïcise le droit (fin de l’interdiction du prêt à intérêt, conservation du mariage civil).

 


Comment le droit évolue-t-il ?

 

Les principales sources du droit objectif sont internationales, ou nationales. À l’heure de la mondialisation, les premières (traités internationaux, droit communautaire) prennent une ampleur croissante. Les sources nationales sont essentiellement la Constitution, les lois, les règlements, la coutume. La jurisprudence (ensemble des décisions des tribunaux) a pour rôle l’interprétation de la loi, et donc son adaptation. La doctrine (opinion des auteurs : professeurs de droit, praticiens) met en lumière les insuffisances ou les contradictions du système juridique. Elle influence ainsi le juge et le législateur.

 

Le droit est fortement lié au contexte extra-juridique. Il traduit les aspirations et subit les influences de son milieu d’origine : la politique, la religion, la morale, la philosophie, les faits économiques et sociaux contribuent à façonner le droit d’une société donnée.

 

Ainsi, les valeurs dominantes jusqu’à la fin du XIXe siècle privilégiaient-elles la hiérarchie et l’autorité dans les rapports sociaux (forte autorité patronale, puissance maritale et paternelle, incapacité de la femme mariée…). Depuis les années 1880, une demande sociale pour plus d’égalité et de liberté entraîne une adaptation du droit (développement de la législation ouvrière, lente émancipation de la femme, amélioration de la condition des enfants…).

 

De nos jours, la valeur fondamentale de la société est l’individu, et non le groupe. Cet individualisme se traduit notamment par le souci de respecter les choix de chacun au nom de la liberté individuelle. C’est ainsi que les droits de l’individu sont sacralisés et que la promotion des droits de l’homme est l’instrument juridique le plus efficace de l’individualisme.

 

Mais l’évolution sensible du droit n’empêche pas des permanences. Ainsi, le consentement des époux au mariage (article 146 du Code civil) est un héritage du droit romano-canonique, le droit de grâce du président de la République (article 17 de la constitution de 1958) est une survivance de la monarchie de droit divin… Notre droit contemporain porte l’empreinte des siècles passés…

 

C.A.


NOTES

 

1. Voir Lexique des termes juridiques, Dalloz, 2011 ; G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF-Quadrige, 2007.

 

2. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur aux manuels d’introduction historique au droit : C. LOVISI, Introduction historique au droit, Dalloz, 2007 ; A. LECA, La genèse du droit, Essai d’introduction historique au droit, librairie de l’Université d’Aix en Provence, 2002

 

3. Le livre Ier du Code civil a pour titre « Les personnes », le livre II « Les biens », et le livre III « Des différentes manières dont on acquiert la propriété ».