Celui qui perséverera jusqu’à la fin sera sauvé

 

En marche 

 

par Brad DICKSON 

 

Texte : Matthieu 24.13

 

Ce court verset bien connu nous dérange parfois par sa simplicité, comme s’il exprimait de la défiance à l’égard de notre théologie systématique.

 

 

Il traduit néanmoins un enseignement important de notre Maître, puisqu’il est enregistré quatre fois dans les Evangiles synoptiques (Mt 10.22 et 24.13, Marc 13.13, et Luc 21.19).

 

On peut ranger les interprétations de ce verset dans trois catégories : une lecture arminienne, une lecture dispensationaliste, et une lecture de ligne calviniste.

 

La lecture arminienne, qui a le mérite d’être la plus simple, voit dans cette phrase une remise en cause sérieuse de la doctrine de l’assurance du salut. Pour ces interprètes, Jésus souligne la persévérance comme condition du salut : ce dernier devient donc incertain.

 

Mais cette lecture à priori « directe » s’harmonise difficilement avec ce que nous croyons être un enseignement-clé des nombreux textes des Ecritures touchant à la qualité définitive de la vie éternelle transfusée grâce à l’union indissoluble avec le Christ. Non seulement les croyants sont tenus dans sa main toute-puissante contre tout ravisseur (Jn 10.28), mais en plus, ils sont en Christ, étant membres de son corps (1 Co 12.13) ! Jésus, s’amputerait-il de l’un des membres de son Corps pour qui il est mort ? Peut-on « dé-naître » de l’Esprit (Jn 3.5) ? Quelle valeur auraient le sceau de l’Esprit et la garantie de Dieu s’ils pouvaient être rompus (Ep 1.13-14) ? Les dons de Dieu sont-ils provisoires et son appel révocable (Rm 11.29) ?

 

Certains auteurs dispensationalistes ont déjoué le paradoxe entre ce verset et notre théologie classique en proposant que c’est Dieu qui nous garde, et en disant que cette phrase ne s’applique pas aux chrétiens de l’âge présent, mais à une catégorie particulière et limitée de croyants qui vivront la grande tribulation. Cette interprétation a le mérite d’être soucieuse du contexte du discours de Jésus, qui tente de répondre à la question des disciples : quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ? (Mt 24.2). Ainsi, selon ces frères, ceci n’est pas un encouragement qui s’adresse à tous, un encouragement à tenir bon jusqu’à la fin de sa vie ; c’est plutôt une exhortation qui s’adresse à des personnes qui se convertiront après l’enlèvement de l’Eglise et qui devront, selon une autre « économie1 » de Dieu, persévérer pour être sauvés. Toutefois les deux autres emplois du mot «fin» dans le même contexte (v. 2 et 14), désignent la fin du monde, et non la fin de la vie du croyant.

 

Le grand inconvénient de cette interprétation est qu’elle rend inapplicables ces paroles pour les disciples que Jésus avait devant lui, et pour toutes les générations depuis. Elle repose également sur un système eschatologique qui ne fait pas l’unanimité.

 

Il nous reste une troisième lecture possible, plus conforme avec une théologie de type calviniste. Ici, les paroles de Jésus peuvent être comprises ainsi : elle ne présentent pas la persévérance comme une condition au salut, mais comme une preuve du salut. Cette lecture n’est pas seulement conforme à l’ensemble de la théologie biblique, mais elle respecte aussi le contexte immédiat.

 

Ne manquons pas de remarquer que notre phrase « celui qui… » est précédée de la conjonction de coordination « mais » qui lie intimement cette phrase à la précédente et l’y oppose. Jésus vient d’annoncer de mauvaises nouvelles : « les faux prophètes séduiront beaucoup de personnes, l’amour du plus grand nombre se refroidira… mais, reprend Jésus, malgré cette apostasie générale, il y a de l’espoir ! Certains persévéreront et seront sauvés ! » Autrement dit, ce texte quelquefois jugé comme effrayant, a plutôt été destiné par Jésus à encourager ses disciples, et après eux tous les croyants ! Le salut et la persévérance sont possibles ! Le ton rassurant est plus palpable encore dans le passage parallèle de Luc : Vous serez haïs de tous à cause de mon nom. Mais il ne se perdra pas un cheveu de votre tête ; par votre persévérance vous sauvegarderez vos âmes (Luc 21.17-19).

 

Théologiquement, le lien entre la persévérance et le salut peut être comparé au rapport qu’il y a entre le diamant et le verre : on peut dire « si ce cristal coupe le verre, c’est que c’est un vrai diamant. » Mais c’est une fausse conclusion de dire que c’est le fait de couper le verre, qui fait de ce cristal un diamant. Il le coupe parce qu’il est un diamant. De la même manière, dire que celui qui persévérera sera sauvé ne veut pas dire que la persévérance sauve. La persévérance témoigne du salut, même si la tournure de la phrase de Jésus semble l’assimiler à une condition.

 

 

Le sens premier

 

Toutefois notre souci de rendre le sens d’un verset conforme à notre théologie peut nous faire passer à côté du sens premier. Comme dans la parabole du semeur, Jésus nous avertit ici qu’il y a de fausses conversions et que la persévérance permet de distinguer le vrai du faux. En tant que pasteur, j’ai appris à ne pas trop me laisser impressionner par l’enthousiasme initial de quelques-uns. La vie chrétienne ressemble plus à un marathon qu’à un sprint.

 

L’assurance du salut doit aller de pair avec des fruits qui montrent que nous n’abusons pas de la grâce, et que nous confirmons notre élection en travaillant avec crainte et tremblement. Il y a de la place donc pour l’exhortation mutuelle. Tenons bons ! Veillons ! Levons la tête, Jésus revient ! Maranatha !

 

B.D.


NOTE

 

1. : Pour les dispensationalistes, Dieu appliquerait des principes et lois différents selon des époques spécifiques qu’ils définissent à partir de divers textes prophétiques. © Servir en l’attendant. Article tiré du N°6 Novembre-Décembre 2001. Tous droits réservés.