La Trinité : importance pour la vie sociale et la piété

 

 

par Thierry SEEWALD

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Les autres articles de ce numéro ont réfléchi à la question de la Trinité ; ce que ce terme signifie, ce qu’il nous apprend sur Dieu, comment il s’est construit à partir de la révélation biblique et dans l’histoire…

 

 

 

Un article a déjà mis en exergue des implications concrètes pour nous en réfléchissant à la lumière que jette la Trinité sur l’idée du couple.

 

 

 

En quoi le fait que notre Dieu est un Dieu trinitaire affecte-t-il le monde qu’il a créé et quelles sont les répercutions d’une bonne ou d’une mauvaise compréhension de la Trinité sur la piété de ses créatures ? L’objectif de cet article est de donner quelques pistes de réponses à cette question, à partir de deux ouvrages : « Vers une Nouvelle Expérience de Dieu », de Christian Schwartz1 et « La Trinité : mystère futile ou réalité essentielle ? » de David Brown.2

 

Pour David BROWN il n’y a pas de doute : le fait que Dieu soit trinitaire est essentiel dans le fait que notre monde est tel qu’il est, concernant par exemple quelque chose d’aussi fondamental dans nos vies que l’amour : « Quel est le rapport (de l’amour) avec la Trinité ? Tout simplement ceci : ’Dieu est amour’’ (1 Jn 4.8), par conséquent l’amour existe depuis toute éternité. Cet amour qui était là avant même la création de l’univers, Dieu le vivait de façon parfaite en lui-même. Il fallait un aimant et un bien-aimé :

 

  • Un Dieu monothéiste au sens strict n’aurait eu qu’un amour pour lui-même, ce qui est un non-sens…

  • Un Dieu dualiste (Dieu / Fils) aurait vécu un amour fusionnel. Un peu comme un couple qui vit dans la dépendance mutuelle, à l’exclusion de toute tierce personne.

  • Mais le Dieu trinitaire permet à chaque hypostasis d’aimer les deux autres personnes : le Père aime le Fils et l’Esprit, le Fils aime le Père et l’Esprit, l’Esprit aime le Père et le Fils.

 

Ainsi l’amour véritable existe parce que, dans la communauté trinitaire, on démontre l’amour parfait : le désir que son bien-aimé soit aimé par un tiers, ce qui évite toute satisfaction égoïste. L’amour est donc inscrit dans l’essence même de Dieu, il ne s’agit pas d’un simple attribut. On peut vraiment croire à l’amour ! »3

 

On constate donc que, non seulement le fait que Dieu soit amour fonde l’existence de l’amour, mais que la Trinité nous permet de comprendre pourquoi cet amour qu’il nous est proposé de vivre est ce qu’il est (non narcissique, non fusionnel, …).

 

Pour David BROWN, le fait que Dieu soit Trinité est aussi la source du salut qui nous est offert : un Fils qui choisit de venir mourir pour nous réconcilier avec le Père, un Esprit qui nous donne une vie nouvelle. On trouvera néanmoins que la formulation de D. BROWN, donnant l’impression que Dieu n’aurait pas pu nous sauver s’il n’avait été trinitaire est un peu trop forte. Certes, il ne peut aller à l’encontre de sa nature – il ne peut se renier lui-même nous dit l’apôtre Paul en 2 Tm 2.13 – mais cela n’induit pas qu’il n’ait qu’une seule manière d’agir dans une circonstance donnée.

 

La Trinité est aussi ce qui fonde pour David BROWN l’aspect social et communautaire de la nature humaine. Parce que Dieu est un Dieu où les trois personnes sont en relation, créés à son image, nous sommes aussi des êtres de relation.

 

Les philosophies à la mode veulent nous faire douter de la possibilité de vraiment communiquer et les penseurs essayent de montrer que toute communication se contredit elle-même et qu’il n’est pas possible de dire qu’un texte « veut dire ça », qu’il puisse n’avoir qu’un sens possible. Mais le fait que Dieu soit un Dieu où les trois personnes communiquent donne une valeur objective à la réalité de la communication. Le langage n’est pas une invention humaine – même si les langues le sont. Il est donné par Dieu. Ce que nous disons a un sens, et lorsqu’il nous parle, cela a un sens aussi.

 

Ainsi il y a un lien entre le fait que Dieu soit trinitaire et tout ce qui touche à notre vie sociale, le fait que nous soyons en relation, que nous communiquions, que nous soyons appelés à nous aimer les uns les autres…

 

Le livre de Christian SCHWARTZ a lui, pour objectif de nous aider à mieux comprendre la Trinité et à voir quelles sont les conséquences d’une compréhension déséquilibrée. Selon son habitude4, le livre contient bon nombre de schémas et d’illustrations (voir ci-dessous).

 

 

TABLEAU ANALYTIQUE : LES TROIS PERSONNES DE LA TINITÉ ET TENDANCES DU PROTESTANTISME (CHRISTIAN SCHWARTZ)

Dieu

Œuvre

Façon d’être

Interpellation

Sources de connaissance

Famille

Danger

Créateur

Création

Au-dessus de nous

Tu dois

Science

Libéraux

Syncrétisme

Jésus

Rédemption

Parmi nous

Tu as le droit

Bible

Evangéliques

Dogmatisme

Esprit

Sanctification

En nous

Tu peux

Expérience

Charismatiques

Spiritualisme

 

 

Selon lui, les trois familles dans lesquelles peuvent se classer les différentes tendances du protestantisme ont toutes les trois pour caractéristique de mettre l’accent sur l’une des trois personnes de la Trinité : les libéraux sur Dieu le créateur, les évangéliques sur Jésus et les charismatiques sur l’Esprit.

 

Ainsi, notre piété serait marquée par notre accent trinitaire. Avec pour les trois familles un danger dû au déséquilibre : syncrétisme, dogmatisme et spiritualisme5. Suivant la famille où se trouve le lecteur, il reconnaîtra facilement que les possibles dérives des deux autres familles sont justes. Ainsi par exemple, le lecteur évangélique sera souvent d’accord que le danger du libéralisme est le syncrétisme et celui des charismatiques le spiritualisme – avec un accent sur l’expérience. Il pourra alors se dire que le défaut ou danger qui le caractérise est sans doute juste aussi, même s’il ne le voit pas : un danger qui caractérise les évangéliques est le dogmatisme. Personne avertie en valant deux, il pourra alors être vigilant quant à ce défaut.

 

Le danger selon SCHWARTZ ne serait pas tant de tendre vers un mauvais tiers du cercle, mais plutôt de s’éloigner du centre. La bonne place est alors au centre du cercle, donnant à chaque personne de la Trinité toute la place qui lui revient.

 

L’équilibre dans notre foi viendra donc d’une bonne compréhension, équilibrée de la Trinité et surtout, selon SCHWARTZ, d’une expérience équilibrée de celle-ci6.

 

T.S.

 

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NOTES

 

1.  « Vers une Nouvelle Expérience de Dieu », Christian Schwartz, Editions Empreintes – Temps Présent, 1999.

 

2.  « La Trinité : mystère futile ou réalité essentielle ? », David Brown, Editions Farel/GBU, 2007.

 

3.  op. cit, p 47.

 

4.  C. SCHWARTZ est aussi l’auteur de « Le développement de l’Eglise », livre stimulant et original, par sa forme et son fond.

 

5.  SCHWARTZ va en fait plus loin et analyse aussi les dangers de binômes (libéraux + évangéliques par exemple) et donne des conseils pour l’équilibre.

 

6.  On regrettera dans ce livre un accent trop fort sur l’expérience, il faut expérimenter Dieu plutôt que comprendre intellectuellement ce qu’est la Trinité et une liberté trop grande par rapport aux Confessions de Foi anciennes et la manière dont elles formulent la Trinité.