La prédestination

 

 

par Brad DICKSON

 Dickson

 

 

 

 

 

 

Poser la bonne question

  

La question n’est pas : « croyez-vous à la prédestination ? ». Car les écritures sont claires : « ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés… » (Rm 8.29). La vraie question est donc plutôt : « que veut dire la prédestination ? ». Et, à la fin de cet article, je vous poserai une autre question encore plus importante.

 

 

La souveraineté de Dieu dans le salut

 

Nous savons que tout est : « de Lui, par Lui et pour Lui » (Rm 11.36). Cette vérité s’applique aussi dans le domaine du salut, comme le martèlent les versets suivants :

 

« C’est par la grâce en effet que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu1. » (Ep 2.8,9).2

 

« Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature… Et tout cela vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par Christ » (2 Co 5.17-18).


 « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6.44).

 

« Elle écoutait, et le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle s’attache à ce que disait Paul » (Ac 16.14).

« qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu » (Jn 1.13).3

 

Le vocabulaire biblique pour parler des croyants va dans le même sens. Le terme « élus » est utilisé une vingtaine de fois dans le Nouveau Testament.4 Aussi, plusieurs textes rappellent que c’est le Seigneur qui nous a choisis : « Quant à nous, frères bien-aimés par le Seigneur, nous devons continuellement rendre grâces à Dieu à votre sujet, car Dieu vous a choisis dès le commencement pour le salut. » (2 Th 2.13).5

 

Dans tous ces textes, Dieu est mis en avant comme souverain sur le salut des hommes. Actes 13.48 le dit encore clairement : « Les païens se réjouissaient en entendant cela, ils glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent. »

 

 

De grands théologiens et évangélistes comme CALVIN et SPURGEON ont marqué la théologie protestante par leur profonde croyance dans la prédestination. On peut dire aussi que les premiers responsables suisses et britanniques de nos assemblées de frères étaient dans la même pensée.

 

Vu la simplicité et la multiplicité des textes bibliques qui l’affirment, il paraît difficile de contester la doctrine de la prédestination.

 

Cependant, il faut maintenir cette doctrine en tension avec une autre, celle de la responsabilité humaine.

 

 

La responsabilité de l’homme dans le salut

 

II est préférable de parler de la responsabilité humaine plutôt que de parler du « libre-arbitre ». En effet, l’homme libre, selon le Nouveau Testament, est celui qui a été libéré par le Christ.6 Les autres sont considérés comme esclaves du péché.7 Mais malgré l’aveuglement spirituel dont tout homme non-régénéré est frappé, il conserve en lui l’image de Dieu qui fait de lui un être digne et responsable.8 Si notre compréhension de la prédestination nous conduit à la passivité, au déterminisme, à ne plus évangéliser, nous avons négligé certaines autres Ecritures. En voici quelques-unes :

 

« Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé… » Ac 16.31

 

« Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre cœur. » Jé 29.13

 

« Choisissez ce jour qui vous voulez servir… » Jos 24.15

 

Quand nous évangélisons, nous devons, comme les apôtres : inviter, plaider, supplier, exhorter les hommes à venir à Christ pour le salut.9

 

Même les chapitres 9 à 11 de l’épître aux Romains, que l’on peut considérer comme le noyau dur de la prédestination paulinienne, contiennent des versets qui décrivent l’homme comme un être responsable, devant effectuer un choix : « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé… Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » (Rm 10.9-13)

 

 

Rappelons aussi les nombreux textes qui nous présentent notre Dieu comme désirant le salut de tous :

 

« II est lui-même victime expiatoire pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier. » 1 Jn 2.2

 

« II use de patience envers vous, il ne veut pas qu’aucun périsse, mais (il veut) que tous arrivent à la repentance. » 2 P 3.9

 

« qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » 1 Tm 2.4

 

« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » Jn 3.16

 

Cependant, toute demande de grâce adressée au Seigneur de la part d’un pécheur n’est jamais plus qu’une réponse à l’initiative de Dieu. Car c’est le Saint-Esprit qui convainc du péché et du jugement.10

 

 

La doctrine de la prédestination dite calviniste a été formalisée dans cinq points « par les Canons de Dordrecht en 1619. Les voici :

 

La corruption totale : Dans son état naturel, l’homme déchu est incapable de venir à Dieu.

 

L’élection inconditionnelle : Un acte libre, sans condition et souverain de Dieu, par lequel il choisit des pécheurs pour les racheter et leur donner la foi.

 

L’expiation définie : L’œuvre de rédemption de Christ a pour objet le salut des élus (et seuls les élus).

 

La grâce irrésistible : L’œuvre du Saint-Esprit, par laquelle il amène l’homme à la foi, n’échoue jamais.


La persévérance des saints : La toute-puissance divine garde les vrais croyants… jusqu’à leur entrée dans la gloire.

 

 

La position inverse, dite arminienne, pourrait se résumer en cinq points miroirs ainsi :

 

La corruption relative : L’homme n’est pas aussi entaché par le péché qu’il en soit incapable de croire.

 

L’élection conditionnelle : Dieu a vu d’avance qui allait croire, et c’est ceux-ci qu’il a prédestinés en fonction de sa prescience.

 

Expiation illimitée : Christ est mort pour tous, sans exception. Son pardon devient efficace quand il est reçu par la foi.

 

Appel universel non imposé : Dieu appelle tous les hommes à croire. L’homme peut résister à cet appel.

 

La nécessité de la persévérance : Le croyant doit se maintenir dans la foi, sinon il est perdu.

 

Il est important de noter que de nombreux théologiens ne se retrouvent complètement ni dans l’un ni dans l’autre de ces systèmes de pensée théologique.

 

 

 

 

L’une ou l’autre ou l’une et l’autre

 

Toute tentative de réconcilier la prédestination avec la responsabilité humaine finit par favoriser l’une aux dépens de l’autre de ces doctrines. Il convient donc de parler du mystère de la prédestination. C’est ainsi que l’apôtre Paul termine sa discussion sur la prédestination : « Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11.33).

 

Claire-Lise DE BENOÎT exprime bien cette tension : « Vous pouvez affirmer que la montagne suisse appelée Dent de Jaman présente une paroi abrupte, nécessitant une varappe difficile ; mais quelqu’un peut également prétendre arriver au sommet en suivant une pente douce. Qui a raison ? Les deux. Tout dépend du côté où vous vous placez pour commencer votre ascension. Qui veut embrasser d’un seul coup d’oeil les deux faces de la Dent de Jaman, devrait s’élever au-dessus de la terre… en avion ! De même, qui veut saisir la vérité sous tous ses aspects devrait être… Dieu. La souveraineté de Dieu et la liberté de l’homme semblent s’exclure vues à l’échelon humain, mais ces deux aspects de la vérité s’harmonisent parfaitement à l’échelon divin. Nous n’avons pas affaire ici à un puzzle dont les deux pièces ne s’emboîteraient pas l’une dans l’autre, mais à une révélation dont les lignes se prolongent à l’infini, au-delà de notre entendement limité. »11

 

J.I. Packer appelle cela une antinomie. Il faut « attribuer le semblant de contradiction à la défaillance de notre propre compréhension ; accepter les deux propositions, non comme opposées, mais comme complémentaires, bien que pour le moment nous ne voyons pas comment les réconcilier. »

 

 

La prédestination, et alors ?

 

fond-montagneIl est commun que la réaction à cet enseignement soit d’abord celle du questionnement voire du rejet : Pourquoi les uns et pas les autres ? L’homme est-il alors un pantin ? Dieu est-il injuste ? Dans l’épître aux Romains, Paul donne voix à ces objections, pour les balayer aussitôt par l’image du potier : « Tu me diras donc : Qu’a-t-il encore à blâmer ? Car qui résiste à sa volonté ? Toi plutôt, qui es-tu pour discuter avec Dieu ? Le vase modelé dira-t-il au modeleur : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Le potier n’est-il pas maître de l’argile, pour faire avec la même pâte un vase destiné à l’honneur et un vase destiné au mépris ? » (Rm 9.14-22). Notre place n’est donc pas de se mettre en juge de Dieu !

 

Cette première réaction peut alors céder la place à une deuxième, plus positive, celle de la reconnaissance et de l’humilité. Depuis toute éternité Dieu pensait à moi pour le salut ! Cette conviction me donne des racines qui remontent jusqu’au cœur éternel de Dieu dans sa grâce. C’est cette conviction aussi qui permet à Paul d’affirmer que : « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son plan. Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils… » Rm 8.28.

 

En réalité, la doctrine de la prédestination ne doit pas nous plonger dans des interrogations sans fin concernant le pourquoi et le comment. La bonne question, promise au début de cet article, est : « prédestinés à quoi ? ». La doctrine de la prédestination nous donne la conviction inébranlable qu’un jour nous serons conformes à Jésus-Christ. Elle nous donne la paix et l’espérance, ainsi que l’envie de collaborer avec Dieu dans son merveilleux projet.

 

B.D.

 

 

Bibliographie

 

  • Pour une présentation fortement calviniste : Henri BLOCHER, « La doctrine du péché et de la rédemption » Editions Edifac.

 

  • Pour une présentation un peu plus nuancée mais très technique : Samuel BÉNÉTREAU, « L’Epître de Paul aux Romains » Tome 2 p. 44-63, Editions Edifac.

 

  • Pour une approche critique de la position calviniste : Dudley WARD, de nos assemblées, vient d’écrire un livre en anglais : « Programmed by God or Free to Choose ? » Resource Publications. Il sera bientôt traduit en français.

 


NOTES

 

1.  Italiques rajoutés par l’auteur de l’article.

 

2.  Citations biblique de la version dite « Colombe ».

 

3.  cf. 2 Tm 2.25; Jé 1.5; Gal. 15

 

4.  cf. Rm 8.33 ; Tt 1.1 ; 1 Pi 1.2

 

5.  cf. Jn 15.16 « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi… »

 

6.  cf. Jn 8.31-36

 

7.  « nul ne cherche Dieu » Rm 3.11

 

8.  cf « vous étiez morts par vos fautes et par vos péchés » Ep 2.1 ; Gn 9.6 ; Jc 3.9

 

9.  Verbes employés dans le NT pour décrire la prédication de l’évangile par les apôtres

 

10.  Jn 16.8

 

11.  Claire-Lise de Benoît, « Commentaire sur l’épître aux Romains », Ligue pour la Lecture de la Bible, p. 105