La Bible est vraie malgré les apparentes contradictions

 

 

Par Alfred Kuen

 

D’où proviennent les contradictions que les critiques reprochent à la Bible ? De deux sources : interne et externe.

 

 

Les contradictions internes sont des affirmations bibliques qui, apparemment, se contredisent. Elles ont été scrutées attentivement par les spécialistes de la Bible qui ont montré qu’en étudiant de près le texte biblique, les contradictions disparaissent. Nous en évoquerons quelques unes.
 
 
Une deuxième source de contradictions provient de contradicteurs externes, c.-à-d. de gens qui veulent trouver la Bible en défaut, savoir mieux qu’elle où est la vérité. Les contradictions relevées opposent les affirmations de la Bible à celles de l’Histoire, de la Science ou de la raison. Parfois ces objections émanent de théologiens qui se réclament de l’école dite « critique » ; elles ont d’autant plus de poids que leurs auteurs sont considérés comme appartenant à l’Eglise.
 
 

Contradictions internes

 
Il faudrait entrer dans le détail des milliers de contradictions qui ont été relevées – et réfutées – par les livres spécialisés.1 Cela n’est pas possible dans le cadre de cet article. Je peux simplement témoigner que depuis une dizaine d’années que je m’occupe de l’Encyclopédie des difficultés bibliques, je n’ai jamais rencontré de contradiction à laquelle il n’y ait pas de solution raisonnable.
 

D’où proviennent les contradictions ?

 

  1. Des différences de dates : entre Gn 1.31 et 6.6, il y a la chute de l’homme. La révélation est progressive : ce que Dieu a toléré sous l’ancienne alliance peut ne plus l’être sous la nouvelle (polygamie, esclavage, guerres, certaines lois). Les différences de durée d’un règne proviennent parfois de l’inclusion ou de l’exclusion des années de co-régence entre le père et le fils.
  2. Qui a fait telle affirmation ? Dieu ou l’homme ? Un croyant ou un ennemi de la foi ? S’agit-il d’un élément d’une démonstration (« Il n’y a de bonheur pour l’homme qu’à manger et à boire » Ec 2.24 ; les affirmations des amis de Job – que l’Eternel réprouve). 
  3. La différence de point de vue et de but : le salut par la foi chez Paul, et par les oeuvres chez Jacques. L’une des grandes difficultés est la différence entre les récits de la résurrection dans les quatre évangiles. Plusieurs exégètes ont montré qu’il suffit de considérer les points de départ et les itinéraires variés des différents témoins pour harmoniser les quatre récits.2
  4.  La différence de structure : chronologique ou thématique ?
  5.  Le genre littéraire : certaines « licences poétiques » ne sont pas permises dans le genre narratif ou législatif. Jg 5.25 met en parallèles le lait et la crème.
  6. Les modes différents de compter le temps, selon le calendrier hébreu, égyptien ou babylonien ? Le début de l’année peut être décalé de six mois. Pour les Hébreux, une année commencée, un jour entamé comptent pour une unité entière (« trois jours et trois nuits dans la tombe » ne signifient pas 3 x 24 h). Nous faisons parfois de même : « hier » se rapporte à des faits arrivés à 23 h ; un enfant né le 31 décembre 2010 est né dans l’année 2010.
  7. Le mode de pensée et d’expression oriental : les métaphores et les hyperboles sont monnaie courante – mais nous aussi, nous disons : « Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit » et nous parlons du « lever du soleil ». Le mot « jour » peut avoir différents sens : les « jours » de la création ne sont pas nécessairement limités à 24 h (surtout avant la création du soleil !).
  8. Des personnes, des lieux ou des objets peuvent avoir différents noms (Gédéon ou Yeroubbaal, Simon, Pierre ou Cephas, Joseph, Barsabas ou Justus). Certains événements changent le nom d’une personne (Abram, Abraham – Saul, Paul). Ou bien nous avons différents noms pour ce que l’original exprime par un seul : tentation ou épreuve traduisent le même mot grec (« Ne nous soumets pas à la tentation » « Dieu ne tente personne »).
  9. Les différents sens d’un même mot hébreu ou grec : yam désigne un fleuve, un lac ou la mer ; le mot mille peut se rapporter à une unité militaire comprenant moins de mille hommes.
  10. Certaines différences sont dues à des erreurs de copistes – fidèlement reproduites par les copistes suivants par respect pour le texte sacré – et cela malgré le soin extrême pris par les copistes qui comptaient toutes les lettres d’un texte. Les nombres sont exprimés par des lettres hébraïques – dont certaines se ressemblent beaucoup.

 

De tout cela peuvent résulter des divergences doctrinales, éthiques ou historiques.

 

 

Les objections externes

 

La Bible prétend être inspirée par Dieu ; elle doit donc être sans erreur. Son autorité est liée à son inerrance. C’est une affirmation mise en doute par la méthode historico- critique qui, depuis le milieu du 19e siècle, a beaucoup miné l’autorité de la Parole de Dieu et la confiance que le croyant peut avoir en elle. Elle le fait en niant l’authenticité des écrits bibliques – qui n’auraient pas été écrits par les auteurs auxquels ils sont attribués – et l’exactitude des faits rapportés par la Bible.

 

Mais au cours du siècle dernier, l’archéologie a démontré péremptoirement la fausseté de certaines affirmations critiques. Tout ce qui était antérieur à l’époque des rois était considéré comme légendaire, transmis par la tradition orale parce que ces gens-là ne savaient pas écrire. J’ai entendu moimême un professeur de théologie raconter à ses étudiants comment étaient nées les « légendes d’Abraham » : chaque soir les enfants demandaient au patriarche de la tribu : « Raconte-nous des histoires d’Abraham ». Et d’année en année, le récit s’étoffait et s’enjolivait jusqu’à ce qu’il soit consigné par écrit vers le 8e siècle av. J.- C. Or voilà qu’on a découvert des tablettes et un prisme d’argile provenant d’Ur-en- Chaldée, écrits au temps d’Abraham. Sur l’une de ces tablettes, un roi se vante d’« aimer lire les écritures de l’âge d’avant le déluge ». Donc on connaissait l’écriture depuis avant ce cataclysme. D’après les écrits cunéiformes post-diluviens, il s’agissait d’écrits de médecine, de divination et de liturgies sacrificielles. Sur le prisme d’argile déposé à l’Ashmolean Museum d’Oxford, on lit les noms de huit rois qui ont régné avant le déluge – et qui correspondent aux patriarches mentionnés dans Genèse 5.

 

L’archéologue Alan MILLARD a montré que l’on peut prouver aujourd’hui, par des sceaux et des tessons, un large usage de l’écriture dans l’Israël ancien – ce qui tend à confirmer l’ancienneté des ordonnances du culte, contre ceux qui nient leur origine mosaïque. On a même découvert un alphabet en usage à l’époque où Israël séjournait dans le désert du Sinaï.

 

La critique biblique affirme que le Lévitique date du 5e siècle av. J.-C. après l’exil babylonien. Les manuscrits de la mer Morte contiennent Lv 17-26 et sont datés du 6e, selon certains même du 7e siècle av. J.-C. Comment n’ont-ils pu être rédigés qu’un ou deux siècles plus tard ?

 

Certains historiens profanes ont affirmé que les Israélites ont émigré en Canaan vers l’année 1200 av. J.-C. (contrairement à la Bible qui fixe la conquête de la Terre promise aux environs de 1400 av. J.-C.). Or, voilà qu’une équipe d’archéologues sous la direction de GARSTANG a découvert sur un cimetière de Jéricho des hiéroglyphes égyptiens représentant le pharaon Aménophis III qui a régné vers 1400.

 

L’archéologue français André PARROT dit que, lorsqu’il étudiait à la Sorbonne, leurs professeurs des langues sémitiques déclaraient que les récits des patriarches n’étaient que des mythes relatifs à des personnages fictifs. Lorsqu’il s’est rendu dans les pays où Abraham, Isaac et Jacob ont vécu, il a trouvé tant de preuves de la véracité des récits bibliques qu’il a démontré leur réalité historique et le haut degré de culture du pays qu’Abraham a quitté. A Mari, par exemple, on a découvert une bibliothèque avec des milliers de lettres diplomatiques, dans les écoles, les enfants apprenaient à extraire des racines carrées et cubiques des nombres. Les maisons étaient équipées du tout-à-l’égout (qui fonctionnait encore après 4000 ans !).

 

Au 19e siècle, on enseignait que les Hittites étaient une invention des auteurs de la Bible parce qu’aucun texte antique ne les mentionnait. Or, voilà qu’en 1887, on a découvert fortuitement à Tell-el-Amarna, la capitale du pharaon hérétique Akhenaton, toute une correspondance diplomatique entre l’Égypte et ses vassaux syriens, entre autres les Hittites qui étaient tombés dans un oubli complet. Actuellement, on considère qu’ils étaient une puissance mondiale rivale de l’Égypte et de la Babylonie dont l’empire s’étendait de l’Euphrate à la mer Noire et qui a dominé la scène politique au 2e millénaire av. J.-C.

 

Depuis le théologien allemand WELLHAUSEN, les historiens ont déclaré que le livre de Daniel était une légende, que Balthazar n’a jamais existé, que lors de la conquête de Babylone par les Perses, Nabonide était roi, qu’il n’a pas été tué mais fait prisonnier. D’après cela, la Bible a donc commis une grave erreur historique. Et voilà que les archéologues ont découvert, lors de fouilles dans la région de Babylone, un cylindre (dit de RAWLINSON) qui présentait la situation ainsi : lors de la conquête de la ville par Cyrus, il y avait deux rois à Babylone : Nabonide et son fils Balthazar, qui avait obtenu le titre de roi du vivant de son père. Nabonide, qui se tenait dans une forteresse des environs de la ville fut fait prisonnier alors que Balthazar fut tué – exactement comme le rapporte le livre de Daniel. Jusqu’à la découverte de ce cylindre, on pouvait aussi se demander pourquoi on a offert à Daniel le troisième rang du royaume (Dn 5.29) et non le deuxième. Nous avons la solution de l’énigme : avant lui, il y avait deux rois.

 

Pour le Nouveau Testament, on a longtemps enseigné dans les facultés de théologie que l’évangile de Matthieu a été composé vers l’année 90 et celui de Jean au milieu du 2e siècle. La théorie relative à Jean fut ruinée par la découverte d’un fragment de papyrus en Égypte reproduisant un passage de cet évangile et daté des années 120 à 125. Si cet écrit était déjà répandu loin de son lieu de rédaction à cette époque, il ne pouvait pas être composé des années plus tard. Pour Matthieu, l’identification d’un passage de cet évangile sur un papyrus déposé dans une bibliothèque d’Oxford et daté par les spécialistes de l’année 50 a aussi mis fin à une théorie attribuant la rédaction de cet écrit à d’anonymes compilateurs travaillant à partir de sources aujourd’hui disparues. Ce fragment apporte « la preuve matérielle que l’Evangile selon Saint Matthieu est un témoignage oculaire écrit par des contemporains du Christ »3. Dans un article du Figaro littéraire du 6.4.1995, Claude TRESMONTANT, professeur de philosophie médiévale à la Sorbonne, est interrogé sur sa réaction à cette découverte. Il dit que cette découverte de papyrus des Évangiles antérieurs à 50 le ravit, car il a toujours soutenu que les Évangiles dataient des années 36 à 50. Il est arrivé à cette conclusion par la philologie : la langue des Évangiles n’est pas du grec classique, mais du yiddish c’est-à-dire des mots grecs avec une syntaxe hébraïque. L’article titre : « Les apôtres ont pris des notes au jour le jour » – comme le faisaient les disciples des rabbins !

 
A.K.
 
 

NOTES
 
 
1. Par exemple, J.W. Haley Alleged Discrepancies of the Bible Nashville (Tenn.), Gospel Advocate Company 1974, un volume de 450 pages qui examine quelque 3000 passages bibliques recélant des « contradictions » ; G.L. Archer Encyclopedia of Bible Difficulties Gd Rapids, Zondervan 1982 ; D.A. Carson Exegetical Fallacies Gd Rapids, Baker 1989 ; B.Peters 100 Fragern zur Bibel Berneck, Schwengeler, 3 volumes 1989-1994. Et beaucoup d’autres (voir la bibliographie des volumes de l’Encyclopédie des difficultés bibliques).
 
 
2. Voir Encyclopédie Evangiles-Actes p. 605-609.
 
 
3. Texte figurant sur la maquette du livre de Carsten Thiede et Matthew d’Ancona : Témoin du Christ, Paris, Ed. Robert Laffont, 1996.