Le choix de Marie

 

 Marie enceinte

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Par Thierry SEEWALD

 

 

 

Pourquoi Marie ?

  

Spontanément, nous pourrions nous dire : « ce n’est quand même pas n’importe qui, c’est Marie, la mère de Jésus ! ». Mais à ce moment-là, elle n’est qu’une jeune fille juive parmi d’autres. Pieuse et droite sans doute, mais comme beaucoup d’autres probablement. Selon les traditions ultérieures et la doctrine catholique, notamment l’immaculée conception (voir les articles suivants), le choix est logique : Dieu a permis la naissance miraculeuse et sans péché de Marie pour qu’elle soit la digne mère de notre Sauveur.

 

Mais si l’on s’en tient aux données des Evangiles, Marie n’est qu’une jeune fille juive humble et sérieuse.

 

D’ailleurs, on sait très peu de choses sur ce qui la concerne avant la naissance de Jésus : les Evangiles de Marc n’évoquent pas la naissance virginale de Jésus, ou de manière très voilée. Matthieu, s’adressant à des juifs évoque la naissance miraculeuse de Jésus et annonce sa venue, à partir du point de vue de Joseph. Reste donc l’évangile de Luc, d’où nous vient la quasi totalité des informations.

 

 

Un choix ancien

 

Le choix de Marie, une jeune fille vierge, n’est pas une intuition soudaine de Dieu qui voyant Marie (et peut-être impressionné par ses qualités) déciderait de la choisir comme mère du Sauveur. L’Ancien Testament déjà nous annonce cette naissance miraculeuse et extraordinaire. Lorsqu’on affirme cela, le premier texte qui vient à l’esprit est Esaïe 7.14 : « C’est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un signe: Voici, la jeune fille sera enceinte et elle enfantera un fils, elle lui donnera pour nom : Emmanuel (Dieu avec nous) » Mais bien avant ce texte, Dieu annonce ses intentions. Dès après la chute, il dévoile (bien que de manière encore voilée !) ses desseins.

 

En Genèse 3.15, Dieu, annonçant au Serpent sa condamnation, dit : « Je susciterai l’hostilité entre toi-même et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci t’écrasera la tête, et toi, tu lui écraseras le talon ». Or le terme hébreu traduit ici par descendance n’est jamais utilisé ailleurs pour désigner la descendance d’une femme et se traduirait plus littéralement par semence (ainsi que le fait la version Darby), terme désignant habituellement les semences végétales et pour les êtres humains la semence de l’homme (Lv 15.16) cm alors sa descendance (cas très majoritaire).

 

Dans ce verset est donc annoncé un mystère : un enfant, dont l’existence se rattache de manière particulière à une femme, va vaincre Satan, tout en étant lui-même touché.

 

 

Un signe choisi

 

En Esaïe 7, Dieu offre à Ahaz la possibilité de demander un signe extraordinaire pour que lui et la population soient assurés du soutien de Dieu. Avec une humilité hypocrite, Ahaz refuse, prétendant ne pas vouloir forcer la main de Dieu. Car voir l’accomplissement de ce signe le contraindrait aux yeux de la population à revenir en arrière dans ses choix d’alliance pour se confier en Dieu.

 

Dieu choisi alors lui-même un signe : une jeune fille sera enceinte et enfantera un fils. Ce n’est pas le terme technique « vierge » qui est employé, mais un terme impliquant malgré tout une jeune fille nubile. Par ailleurs, ainsi que le dit Henri Blocher, s’il n’était pas question d’une vierge, quel prodige y aurait-il à ce qu’une jeune épouse, même royale, ait un fils1  ? Or ce signe est choisi pour répondre au signe extraordinaire refusé par Ahaz.

 

Henri Blocher rapproche la formulation d’Esaïe 7.14 de celle de Juges 13.7, qui annonce la naissance miraculeuse de Samson, alors que la femme de Manoah est stérile2 . Et si le miracle de la stérile qui enfante n’est pas à négliger, quel signe plus extraordinaire encore qu’une jeune fille vierge qui porte un enfant.

 

Et à nouveau, comme en Genèse 3, pas un mot du père (puisqu’il est question d’une vierge). Mais un nom significatif pour l’enfant : Emmanuel, Dieu avec nous3  et d’autres noms magnifiques (Esaïe 9.5). Cet enfant, fils de David, apporte la délivrance à Israël et établira sur son peuple un règne éternel de justice et de paix (Lc 1.32-33).

 

 

Un choix mystérieux

 

Le choix de Marie comme mère de notre Sauveur nous renvoie au mystère de la souveraineté divine. Pourquoi dans ce peuple nombreux, qui a dû compter bien des femmes vertueuses et pieuses sur des décennies, Dieu choisit-il cette jeune fille au milieu de tant d’autres ? Et pourquoi à ce moment-là et non dix ans plus tôt (sa cousine Elisabeth par exemple) ou dix ans plus tard ?

 

De la même manière, pourquoi sur ce globe immense, peuplé de dizaines de millions de personnes, Dieu va-t-il à un moment donné mettre son doigt sur une région précise, la Mésopotamie pour y choisir Abraham ? Ou plus tard sur Moïse ? A cause de ses qualités oratoires (Ex 4.10-12) ? Dieu ne s’explique pas sur ses choix, au contraire (Rm. 9.11-12, 15). Ce qui ne signifie pourtant pas que ces choix soient arbitraires.

 

 

Un choix unique

 

La conception virginale n’est en rien comparable à des naissances exceptionnelles décrites dans d’autres religions ou des légendes. Il n’y est pas question de mariage sacré entre un dieu et une mortelle, ni d’un dieu qui se déguise en humain pour séduire une femme. Mais la conception miraculeuse de Jésus par la puissance de l’Esprit Saint sans autre concours humain ou divin.

 

Une affirmation surprenante, même pour les juifs qui, dans leur attente messianique, ne prévoyaient pas de conception miraculeuse par une vierge, malgré Esaïe 7. La crédibilité en est renforcée par le fait que ni Matthieu, ni Luc, ni les autres auteurs du N.T. n’en tirent de signification théologique particulière, pour prouver par exemple sa divinité ou pour évoquer la pré-existence du Fils4. Ils la constatent simplement, et ont même quelques difficultés littéraires à la faire entrer dans une généalogie bien construite.

 

Mais un miracle qui souligne le caractère unique de Jésus, fruit de l’action de Dieu par son Esprit et de l’activité humaine normale. Pleinement humain, ayant vécu tout le cycle de l’existence humaine, depuis les entrailles de Marie, et en même temps don de Dieu à l’humanité.

 

 

Un choix significatif

 

Un choix mystérieux, mais un choix dans lequel Marie voit un sens particulier qu’elle dévoile dans son Cantique (Lc 1.46, ss). Ce cantique présente de proches parallèles dans son style et dans ses thèmes avec celui de Anne en 1 S 2.1-10 (qui est aussi appelée humble servante en 1.11). Il fait écho à d’autres louanges proclamées en réponses aux hauts-faits de l’Eternel (Moïse : Ex 15.1-19, Myriam : Ex 15.20-21, Déborah : Jg 5.1-31, …) et présente aussi des similarités avec d’autres Psaumes de l’Ancien Testament (ex : Psaume d’Asaph en 1 Chr 16.7-36, ps 33, 47, 136).

 

Quel signe y voit-elle ? Parce qu’elle est femme, parce qu’elle est humble, pauvre, membre d’un peuple opprimé5 , elle y voit le signe que Dieu va bouleverser les structures, les puissants, les riches vont être abaissés ou renversés, les humbles, les pauvres seront élevés et restaurés.

 

 

Choisis avant la fondation du monde (Ep 1.4)

 

Dieu a choisi Marie pour être la mère du Sauveur. Un choix qui suscite la reconnaissance chez Marie. Elle ne se proclame pas bénie parce qu’enceinte, ou à cause d’une sainteté personnelle ou de certains mérites6 , mais parce que les desseins de salut de Dieu s’accomplissent à travers elle. Elle a le privilège de participer aux plans de salut de Dieu.

 

Dieu ne nous appelle-t-il pas chacun ainsi, appel au salut, appel à servir, appel à entrer dans ses plans. De même que Dieu n’a pas choisi Moïse pour ses qualités oratoires, il nous appelle non pas parce que nous sommes les meilleurs pour mener l’entreprise au succès, mais parce que nous sommes ceux qui amèneront le projet où Dieu le veut.

 

Appel qui est une grâce, appel qui donne tout son sens à notre chemin lorsque nous y entrons. Appel pour lequel une seule réponse est possible : humilité et fidélité. C’est ce qui différencie Gédéon et David de Samson et Saül (qui avaient des capacités bien plus importantes). C’est ce qui caractérise Marie, Abraham, Moïse. Et nous ?

 

 

T.S.

 


 NOTES

 

 

1. La Bible au Microscope , p.234, éditions Edifac 2006.

 

2. Ibid.

 

3. Notre thème étant Marie et non Jésus, nous ne nous arrêterons pas sur toute la richesse de ce que ces chapitres 7 à 12 d’Esaïe (livretd’Emmanuel) nous apprennent sur le Messie (mais cf. en particulier 7.14 ; 8.8, 10 ; 9.1-6 ; 11.1-5).

 

4. Elle servira, pour les théologiens qui suivront, à expliquer comment Jésus a pu être préservé du péché originel.

 

5. Et parce qu’elle connaît la Parole de Dieu et ses promesses (son Psaume est un recueil de citations bibliques et finit par « comme il l’avait promis à nos ancêtres » (verset 55) )

 

6. Elle n’est pas « pleine de grâce » au sens du « Je vous salue Marie », elle est la bénéficiaire d’une grâce, d’une faveur particulière de Dieu.