Les frères de Jésus

 

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par Jean-Pierre BORY

 

 

« Jésus n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne vivent-elles pas ici parmi nous ? »  (Mc 6.3)

 

Marie est-elle restée vierge après la naissance de Jésus, comme l’affirme une partie du christianisme ?

 

 

Dans le contexte des évangiles, cette phrase citée en Mc 6.3 sous forme de question, vise simplement à mettre en doute que Jésus, fils (Mt 13.55) et successeur du charpentier de Nazareth, né dans une famille nombreuse bien connue de tous dans le village, puisse être le Messie. Cet humble métier, cette présence de frères et de soeurs, ne cadrent pas avec les prophéties ou du moins la représentation populaire du Messie attendu.

 

Peu auparavant (fait rapporté en Mc 3.31-34, Mt 12.46-50, et Lc 8.19-21), Jésus fait bien la différence entre sa mère et ses frères dans la chair, et ses frères en la foi. Et en Jn 2.12, Jésus distingue clairement ses disciples de sa mère et de ses frères, de sa famille terrestre.

 

Une autre mention en Jn 7.1-13 montre avec évidence que Jésus a des « frères » qui ne sont pas des disciples, des  » frères »» qui ne croyaient pas en lui (v.5), des frères qui lui conseillent d’aller à Jérusalem malgré le risque d’une arrestation par les juifs de Judée.

 

Il est aussi intéressant de noter que Jésus est appelé le « fils premier-né » de Marie (et non son fils unique : Lc 2.7), et que Joseph n’eut pas de relations conjugales avant la naissance de Jésus (Mt 1.25), ce qui suggère qu’il en eut après, et fut le père des 4 garçons (dont nous avons les noms) et des filles mentionnés en Mc 6.3.

 

Le livre des Actes cite aussi, parmi les disciples, la présence de « Marie la mère de Jésus et des frères de Jésus » (1.14). Et le second fils de Marie (Jacques selon la liste de Mc 6.3) est indiqué être « le frère du Seigneur » en Ga 1.19.

 

II est donc difficile de prétendre que Marie n’eut pas d’autres enfants après Jésus et qu’elle soit restée vierge jusqu’à la fin de sa vie !

 

L’Eglise chrétienne a toujours, dès les premiers siècles, affirmé et cru le fait de la conception virginale de Jésus par l’intervention divine du Saint-Esprit (Mt 1.20)1 . Les Evangiles montrent la foi et aussi la faiblesse de Marie, son amour et sa fidélité : jusqu’au pied de la croix, elle a suivi son fils. Et elle a rejoint le groupe des disciples attendant la venue de l’Esprit.

 

Mais  » l’approfondissement de la foi en la maternité virginale (de Marie) a conduit l’Eglise à confesser la virginité perpétuelle de Marie »2 . Ce n’est qu’à la fin du IVe siècle que Jérôme (347-420), mentionne la « virginité perpétuelle de Marie ». C’est en 649 que des Pères de l’Eglise, réunis à Latran, l’ont officiellement admise et le concile de Trente (1545-1563) l’a érigée en dogme.

 

Selon le Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’Eglise romaine argue qu’en araméen les notions de frère et de cousin étaient rendues par un seul mot. Mais le texte des Evangiles et en particulier celui de Marc n’a pas été écrit en araméen. Juste avant la mention des « frères de Jésus » (Mc 5.41), une expression qui, elle, est bien araméenne, est explicitée en grec pour qu’elle soit comprise de ses lecteurs : « talitha koumi », ce qui signifie : « jeune fille, lève-toi, je te l’ordonne ». L’Evangile de Marc, tel qu’il a été admis dans le canon des Ecritures par l’Eglise primitive a bien été écrit en grec, où les mots « frère » (adelphos), « soeur » (adelphè : Mc 6.3) et « cousin » (anepsios : Col 4.10) existent tous les trois.

 

Les frères de Jésus ont accompagné Marie à plusieurs reprises (Jn 2.12 ; Mt 12.47-50 ; Mc 3.31-35 ; Lc 8.19-21) et le fait qu’ils n’aient pas été présents avec Marie au pied de la croix de Jésus-Christ, n’implique pas leur inexistence3 , mais bien plus probablement le fait qu’il ait fallu la résurrection de leur frère pour les convaincre de sa messianité (1 Co 15.7). L’hypothèse que Jacques, cité maintes fois et en particulier en Ga 1.19, soit le fils de « l’autre Marie » (Mt 28.1) femme d’Alphée ou Cléopas, est une conjecture sans fondement .4

 

« Ainsi la virginité permanente de Marie est-elle un signe de sainteté » et une « vérité de foi »5  donc non basée sur l’Ecriture.

 

the-bibleLe texte des Ecritures Saintes est suffisamment explicite par lui-même pour que le texte de Mc 6.3 soit compris au sens propre.

 

J-P.B. 

 

 

 


 NOTES

 

1. Le Symbole de Nicée (325 ap. J.-C.) mentionne que Jésus «s’est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme».

 

2. Catéchisme de l’Eglise Catholique, Edit Mame-Plon, 1992, § 499.

 

3. Jeanne Hourcade, www.mariedenazareth.com/852.1.html

 

4. Aucun texte biblique ne peut être cité à l’appui de cette thèse, et il serait curieux que deux soeurs portent le même nom de Marie (pour que Jacques soit présenté comme «cousin» et non frère de Jésus).

 

5. Tiré du Catéchisme allemand pour adultes. La foi de l’Église, Centurion / Cerf, 1987.