Par Marcel Reutenauer

 

 

 

« Je traite durement mon corps, je le maîtrise sévèrement, de peur qu’après avoir proclamé la Bonne Nouvelle aux autres, je ne me trouve moi-même disqualifié. » 
1 Co 9.27
(version Semeur)

 

 

 

 

Cette déclaration de l’apôtre Paul se situe à la fin d’un développement où il défend son ministère face à ceux qui le dénigrent (v.1-23). II affirme que sa seule motivation est l’annonce de l’Evangile du salut auquel il a part lui-même également (v.23). Et pour illustrer sa disposition d’esprit pour la cause de l’Evangile il donne pour exemple les athlètes qui courent dans le stade pour espérer gagner et remporter le prix qui récompense le vainqueur.
 

 

Or, pour espérer être vainqueurs, les athlètes s’imposent une discipline sévère… pour une couronne éphémère qui se flétrit ! Mais la couronne promise à notre foi ne se flétrira jamais (v.25) et vaut donc la peine de courir « les yeux fixés sur le but »1 et de boxer « sans frapper dans le vide »2..
 

 

Et c’est ce deuxième type de combat que Paul précise par les termes « Je traite durement mon corps… » Car si le racheté est invité à tendre vers la promesse d’une récompense3, il y a aussi une lutte contre ce qui pourrait la faire perdre. Et l’ennemi, c’est le corps.
 

 

Mais ce n’est pas le corps physique – la chair que les philosophes grecs voyaient comme la prison de l’âme et de l’intelligence, la barrière entre elles et le monde divin – qu’il s’agit de maîtriser, c’est toute la personne elle-même4 avec ses besoins légitimes, ses tendances, l’amour des aises et du confort5.

 

L’apôtre veille à ce que la partie physique de son être soit entièrement soumise à sa passion dominante : annoncer et révéler l’Evangile dans toute sa plénitude6. Il s’impose et accepte des privations7 par suite de l’opposition rencontrée, de son refus de tout salaire et de sa décision de pourvoir lui-même à son entretien8.
 

 

La détermination de l’apôtre est évidente lorsque l’on réalise que les expressions traduites par « traiter durement » et « maîtriser sévèrement » signifient littéralement « mettre un oeil au beurre noir » et « réduire en esclavage ». D’autres traduisent « malmener et traiter comme esclave » (Nouvelle Edition de Genève), « mortifier et asservir » (Darby), « traiter comme esclave et assujettir » (Ostervald), « meurtrir et traîner en esclavage » (Jérusalem).

 

 

Il serait faux d’y voir des œuvres méritoires ou des pénitences rédemptrices ; le salut par grâce est une notion fondamentale que Paul a maintes fois développée9. L’attitude de l’apôtre vise la totale consécration à sa vocation de proclamer l’Evangile.

 

 

Lorsqu’il parle du risque d’être « éliminé » (Bible en français courant), « disqualifié » (Semeur), « désapprouvé » (Nouvelle Edition de Genève), « réprouvé » (Darby), « rejeté » (Segond), « éliminé » (Parole de Vie), s’agit-il de la perte du salut ? Non. Ce qui est en jeu, c’est la récompense – la louange du Seigneur – lorsque l’oeuvre de chacun sera éprouvée. « Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il en subira la perte ; pour lui il sera sauvé, mais comme au travers du feu. » (1 Co 3.14-15).

 

 

Après sa déclaration, l’apôtre rappelle solennellement, au chapitre 10 de cette première épître aux Corinthiens, la perte par les Israélites, de la récompense à cause de leurs mauvais désirs non maîtrisés (10.6). Ils périrent dans le désert (10.5) au lieu d’entrer dans la Terre promise. « Ces choses leur sont arrivées pour servir d’exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction. » (10.11).

 

M.R.

 


NOTES

 

 

1. (v.26) Bible en français courant
 

 

2. (v.26) Bible de Jérusalem
 

 

3. 1 Co 3.14-15 ; 2 Jn 1.8 ; 2 Tm 4.8 ; Jc 1.12
 

 

4. Cf 1 Co 6.18-19 ; Rm 12.1
 

 

5. Rochedieu Ch, Les Trésors du Nouveau Testament, p.267, Emmaüs, St-Légier, 1972
 

 

6. Campbell-Morgan G, La première épître aux Corinthiens, p.126, Emmaüs, Vennes sur Lausanne, 1959
 

 

7. 2 Co 6.4-5 ; 2 Co 11.23-27
 

 

8. Godet F, Commentaire sur la Première Epître aux Corinthiens, tome 2, p.69, Imprimerie Nouvelle, Neuchâtel, 1965
 

 

9. Ro 11.6