Le Coran, guide de la foi

 

mosquee

 

par Jamil Chabouh

 

 

 

Autour du Coran, à propos de lui et par lui se manifeste le vigoureux sentiment d’unité de la communauté musulmane. Le Coran est le bien spécifique ainsi que le lien d’unité de la Umma, la Nation qui a conservé depuis plus de 14 siècles la langue arabe et la culture musulmane.

 

 

Il n’y a pas de famille musulmane qui n’ait pas un Coran chez elle. Ce livre est, selon L. Massignon, « à la fois leur premier livre de lecture, leur manuel de leçons, leur psalmodie liturgique, leur règle de prière, leur code de droit canon, enfin leur livre de méditation, celui qui a lentement formé leur mentalité1 ».

 

 

La révélation du Coran

 

C’est à 40 ans que Muhammad se met à aimer la solitude et les méditations solitaires. Selon la tradition, c’est au cours de sa cinquantième retraite spirituelle dans la grotte de HlRA que Muhammad a sa première vision de l’archange Gabriel, ce qui le convainc de l’appel de Dieu. Par deux fois, l’archange lui ordonne de lire une étoffe de soie brodée avec des caractères d’écriture. Or Muhammad ne sait pas lire, et le lui dit au péril de sa vie.

 

Au troisième échange, Muhammad répond : « Et que dois-je lire ? » Gabriel énonce quelques paroles que Muhammad répète ; à la suite de quoi il ressent «cette impression qu’un livre tout entier venait d’être gravé» dans son coeur.

 

Il se confie à sa femme KHADIJA, qui l’oriente vers son cousin WARAQA IBN NAWFAL. Ce vieillard aveugle connaissait la Bible et appartenait manifestement à l’une des deux sectes présentes au Nord de l’Arabie (nestorienne ou monophysite). Ce dernier s’écrie : « Si ton récit est véridique, ce message est semblable au NAMOUS, la loi, la Torah dictée à Moïse ».

 

Le récit de sa vision se répand dans la ville (la Mecque) et les premiers à proclamer leur foi en son message sont KHADIJA son épouse, ZAÏD2 un esclave affranchi, ABU BAKR un ami et ALI son jeune cousin. C’est seulement après trois années que Muhammad rencontre à nouveau l’ange Gabriel. Muhammad saisit d’emblée le sens de ce message qui commande la croyance en Dieu et la charité, et commence alors à prêcher deux notions fondamentales : l’unicité de Dieu et la résurrection après la mort dans l’au-delà.

 

D’autres révélations s’ajoutent ensuite, et seront transmises par Muhammad aux Mecquois.

 

 

L’Hégire

 

Comme l’a prédit le vieillard aveugle waraqa ibn nawfal, Muhammad est l’objet de résistances de la part des Mecquois en général et de sa propre tribu en particulier. Avec ses disciples, il quitte sa ville natale (la Mecque) pour aller se réfugier dans une autre ville du nom de yathrib en l’an 622 de l’ère chrétienne : cet événement est appelé l’hégire3.

 

Cette date de 622 va servir de point de départ au calendrier islamique en usage depuis 14 siècles4. Ce n’est donc ni la naissance, ni la mort du prophète qui vont marquer le début de l’ère musulmane, mais plutôt son expatriation. Pour beaucoup de musulmans, la HIJRA (hégire) du prophète est le symbole de l’expatriation que tout croyant doit accomplir hors de lui-même et de ses attaches ici-bas.

 

Les Chiites insistent spécialement sur ce sens spirituel de l’expatriation. Le 6e Imam chiite a dit : « L’Islam a commencé expatrié, il reviendra expatrié : bienheureux les expatriés ».

 

 

La composition et le message du Coran

 

Le Coran est le Livre Saint des musulmans, il est la révélation de Dieu ; rédigé en arabe classique, il est la source d’autorité infaillible en matière de doctrine et de loi. Le mot Coran signifie « lecture, récitation », en accord avec l’ordre donné par l’ange Gabriel à Muhammad lors de sa première révélation : « Lis ! ».

 

Le Coran est aussi long que le Nouveau Testament ; il est divisé en 114 sourates, ou chapitres, qui sont classées approximativement par ordre décroissant de taille. Les sourates les plus courtes ont été révélées à la Mecque, chronologiquement avant les autres qui l’ont été à Médine (ville adoptive de la communauté musulmane). Chaque sourate est répartie en versets dont le mot arabe correspondant signifie « signe », ou « miracle ».

 

Le style littéraire du Coran est particulier et unique. Il n’a jamais été imité, et c’est la première preuve de l’origine divine du livre pour les musulmans ; à cela s’ajoute sa perfection littéraire, alors que Muhammad, selon les exégètes musulmans, était analphabète, ne sachant ni lire ni écrire5.

 

Ni la forme ni le contenu du Coran ne sont attribués à Muhammad. Le prophète n’a fait que répéter les paroles entendues. Le Coran est donc Parole de Dieu. C’est Lui qui en est l’auteur. L’ange Gabriel l’a transmise en arabe à Muhammad. Les docteurs de l’Islam se sont souvent opposés à toute traduction du Coran, car la preuve de son origine divine réside dans la qualité de sa forme littéraire en arabe.

Le Coran en français n’est plus le Coran, n’est plus parole de Dieu : la traduction en fait une sorte de paraphrase. La période de la révélation n’a duré que 23 ans seulement, depuis l’an 610 de notre ère jusqu’en 632, date de la mort de Muhammad.

 

Le Coran n’a pas été établi du vivant du prophète, en dehors de quelques fragments de la révélation rédigés par certains secrétaires et compagnons de Muhammad. C’est sous le calife OTTMAN qu’une commission dirigée par ZAID, fut réunie pour établir le texte officiel du Coran (c’était en 650 environ).

 

La rédaction d’OTTMAN laissait encore subsister bien des sujets de discussions dus à l’insuffisance de l’écriture arabe primitive qui ne connaissait pas encore tous les signes des « voyelles brèves » pouvant préciser si tel verbe était à la 2e ou 3e per sonne, à l’actif ou au passif… Plus tard, le texte coranique a fait l’objet de commentaires spéciaux appelés tasfir, se donnant pour but essentiel de préciser le sens des termes et leur fonction grammaticale.

 

Le Coran est l’objet d’une grande vénération : les musulmans ne le touchent qu’après une purification rituelle, ne le posent jamais par terre… Le plus grand acte de piété est d’apprendre le Coran par coeur.

 

 

La Chari’a

 

Le Coran, la Sunna et les Hadiths forment ensemble la loi, la CHARI’A. Elle représente l’immense corpus législatif de l’Islam, sa loi canonique, du statut personnel jusqu’à la loi internationale en passant par le statut familial, le droit public et pénal, etc. Sans la CHARI’A, point de société musulmane authentique. C’est elle qu’on cherche à appliquer en Algérie, en Egypte, qu’on applique dans la Péninsule arabique, au Soudan, au Pakistan.

 

Selon I. Goldziher, un orientaliste allemand6 : « Ce serait une faute grave de fonder le jugement qu’on porte sur l’Islam exclusivement sur le Coran. Nous ne comprenons pas l’Islam sans le Coran, mais le Coran est loin de suffire à la compréhension de l’Islam et de sa marche historique ». Les détails du culte par exemple ne se trouvent pas dans le Coran, ni les cinq prières de la journée, ni même l’enseignement relatif au jeûne.

 

Dans l’Islam, le Coran est accompagné de la SUNNA, la tradition, qui joue un rôle important tout en étant subordonnée au livre saint. Le mot Sunna est présent dans la langue française depuis 1740 ; il désigne ordinairement la coutume de Muhammad, à savoir l’ensemble de ses paroles, ses gestes, ses habitudes, rapporté par ses proches compagnons en vue de fournir un modèle idéal de comportement pour les croyants. Le terme Sunna est dérivé d’une racine arabe qui signifie « établir un usage, suivre une voie, observer une règle ».

 

La Sunna régit tous les domaines de la vie du croyant. Elle se présente comme un guide lui indiquant comment se tenir, parler, s’habiller, manger, dormir, se conduire en société, etc.

 

Le mot Sunna est devenu progressivement l’appellation spécifique de la pratique « des Sunnites », les musulmans orthodoxes ; les gens de la Sunna sont ceux qui se conforment aux usages de la coutume du prophète, à l’encontre des Chiites, les « dissidents ».

 

Le mot Hadith signifie « un récit, une citation », à savoir tout récit relatif à la conduite du prophète que ce soit dans les prédications ou les réflexions.

 

Chaque Hadith est précédé d’une chaîne de garants successifs désignée sous le terme de Isnad, avec mention du Matn, c’est-à-dire son origine, sa source, prouvant ainsi l’authenticité du Hadith et de la citation du prophète. Cette chaîne de garants évoque très souvent comment le Hadith est parvenu au dernier transmetteur. Exemple : « A rapporté d’après B qui le tenait de C… ce que le prophète à dit : … ».

 

Au 8e siècle de notre ère, des Hadiths non véridiques prolifèrent. Les théologiens musulmans procèdent alors à une classification d’après des critères bien définis. Au 9e siècle, six grands recueils de Hadiths canoniques vont être formés7.

 

 

Conclusion

 

Tous ces éléments en partant du Coran, de la Sunna, en passant par le Quiyos et l’Itihad pour arriver au Fiqh et au Ijma, correspondent à la loi canonique de l’Islam qui est la règle de conduite de chaque musulman ; et l’ensemble est désigné par le mot Chari’a, loi, qui comporte aussi bien les prescriptions rituelles que les obligations juridiques.

 

J.C.

 

 

Quelques règles pour vivre l’Islam au quotidien

 

 

Le Quiyas

 

L’Islam recommande aux croyants d’avoir recours « au raisonnement par analogie » qu’on appelle en arabe le Quiyas : il s’agit de voir comment le prophète a agi dans une situation similaire, afin de trouver la décision qui peut le mieux correspondre. Mais si le problème à résoudre n’est comparable à aucune difficulté mentionnée dans le Coran ou la Sunna, les théologiens renvoient à un autre recours :

 

L’Ijtihad

 

Cela consiste en une sorte d’effort personnel d’interprétation de la loi. C’est de cette idée que sont nées les quatre méthodes ou écoles juridiques de l’Islam suivantes : Mélikite, Hanéfite, Chaféïte et Hombalite (selon le nom de leur fondateur). Les quatre grands fondateurs d’école ainsi que l’Ijtihad, ont été à l’origine de ce qu’on appelle :

 

Le Fiqh

 

C’est une forme du droit jurisprudentiel ou du droit canon qui repose en théorie sur la Chari’a.

 

Le Ijma

 

Voilà la dernière règle pour garder l’unité au sein de la communauté. Le principe du Ijma (qui signifie « accord ») est traditionnel et remonte à l’affirmation du prophète : « Ma communauté ne tombera jamais d’accord sur une erreur ». La notion du Ijma est très présente dans l’esprit du musulman ; dans la pratique, il institue par exemple les fêtes en l’honneur du prophète (naissance, assomption), et canonise les innovations.

 

 

 


NOTES

 

1. Voir revue En terre d’Islam, 1939 4e trimestre, article «Le Coran et la pensée musulmane», pp. 72-78.

 

2. Acheté par le prophète qui le traitait avec une grande bonté, Zaïd avait été retrouvé par son père plusieurs années après sa capture à la guerre. Celui-ci vint à la Mecque et voulu le racheter ; Muhammad refusa l’argent, et laissa Zaïd choisir son sort. L’esclave préféra rester avec le prophète qui, ému, l’affranchit sur le champ et décida de l’adopter.

 

3. Ce terme «Hégire» vient d’un mot qui signifie «rompre les relations, quitter sa propre tribu, émigrer ou encore s’expatrier». Ce mot ne signifie pas «fuite», contrairement à la traduction habituelle qui se trouve même dans le Petit Robert ; le prophète, insistent les musulmans, ne s’est pas enfui mais a été aidé par Dieu.

 

4. Conformément au Coran, le calcul de l’année islamique suit le cycle lunaire ; on compte donc en général 354 jours par an, répartis sur 12 mois lunaires ayant 29 ou 30 jours chacun. Si bien que chaque année, le calendrier islamique se décale de 10 à 11 jours par rapport au calendrier grégorien (le nôtre).

 

5. C’est dans la sourate 7.157 du Coran que l’on trouve le mot désignant l’analphabétisme de Muhammad. On retrouve ce même mot dans d’autres versets (2.78; 3.20) pour désigner l’ensemble des Arabes ; dans ce deuxième contexte, paradoxalement, le même mot est interprété uniquement dans un sens religieux : « n’ayant pas reçu les écritures saintes ».

 

6. Le dogme de ta toi de l’Islam, trad. en français par E Arin, éditions Geuthner, 1920.

 

7. Le SAHIH (authentique), ceux de l’IMAM AL BOUKHARl (en 810-870) qui regroupent quelques 3000 hadiths triés parmi le flot de 60 000 hadiths et considérés parfois comme formant le livre le plus important après le Coran ; le livre de MOSLEM, qui bénéficie d’une grande autorité ; celui de ABU DAOUD en 888, de TIRMIDHI en 892, de MISAI en 915 et de IBN MAJA en 886. On ajoute parfois le recueil de AL DORINI en 869.

 

J.C.