Quand la bonne volonté ne suffit pas

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par Jean-Robert YAPOUDJIAN 1

 

 

Etre motivé pour aller au devant de son prochain, comme Jésus nous l’a si bien enseigné au travers de la parabole du « bon » Samaritain, c’est bien sûr nécessaire, indispensable, mais pas suffisant ! Nous ne voulons pas que notre Eglise ressemble à un ghetto réservé à des « initiés », nous voulons mettre en pratique l’amour du plus pauvre tel que la Parole de Dieu nous y invite, mais que faire, ou ne pas faire ? Ou que dire quand on est confronté à un Sans Domicile Fixe, à un enfant maltraité, une personne sur-endettée, un couple en grande difficulté, une personne handicapée, un toxicomane, un malade alcoolique (c’est comme cela qu’on les appelle de nos jours), une personne souffrant de solitude ?

 

Oui, je veux faire quelque chose, notre Eglise est disposée à s’engager dans une action diaconale, sociale, mais encore faut-il savoir, maîtriser les outils nécessaires pour mener une action sociale adaptée, digne de ce nom, et à la gloire de Dieu.

 

 

Apprendre

 

Si le savoir est donc incontournable, au risque de ne pas pouvoir offrir à ce prochain d’autre service qu’une incompétence dommageable, encore faudrait-il être en mesure d’utiliser ses connaissances, c’est-à-dire de maîtriser un savoir faire, ce qui sera impossible sans passer par une formation tout à fait pratique, concrète et réaliste. Comment « fonctionnent » ces personnes en difficulté ? Quels sont leurs arrière-plans social, familial, culturel, affectif ? Quelles précautions prendre, quelle « gaffe » éviter, quel type de relation engager ?

 

C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle nous dit la Parole de Dieu (Mt 12.34). Je ne pourrai pas agir autrement si ce n’est selon ce que je suis, et dans l’action sociale, il y a intérêt à être en forme pour être à même de bien recevoir la souffrance, les difficultés de son prochain. Savoir, savoir faire, et donc aussi « savoir être ». Qu’est-ce que je ressens en m’engageant dans l’action sociale ? Que me renvoie ce drôle de prochain qui croise ma route ? Pitié, commisération, culpabilité, ou cette réelle compassion qui me permet de comprendre les difficultés, la souffrance de l’autre, sans me l’approprier ?

 

Ces conditions, énoncées ci-dessus, nous concernent directement, incontournables dans l’action sociale, elles nous ouvrent les portes du service efficace. Ensuite, il faut de la méthode. Je la proposerai selon trois axes :

 

 

Accueillir

 

Tout passe par l’accueil. Et plus la personne, le prochain que Dieu place sur ma route, est en difficulté, plus l’accueil devra être adapté et efficace. On n’accueille pas une personne marginalisée comme une femme maltraitée par son compagnon, un toxicomane comme une personne âgée souffrant de solitude. Il faut savoir écouter. La personne en difficulté est souvent en décalage avec nous quant à ses représentations, ses modes de communication.

 

Dans la pratique de l’accueil, je dois apprendre à m’approcher de l’autre, à me rendre accessible, à développer des qualités de réceptivité, à savoir aussi distinguer ce qui est juste de ce qui est idéalisé ou amplifié, de sorte que cet accueil puisse déboucher sur une suite constructive, qui sera mon deuxième axe, l’accompagnement.

 

 

Accompagner

 

C’est ce que j’appelle volontiers « la relation d’aide sociale ». Accompagner, c’est prendre du temps pour faire avec le prochain un bout de chemin. Et comme il n’est pas question de « tirer » l’autre malgré lui, le parcours peut être plus ou moins long, mais toujours passionnant. Accompagner ne veut pas dire engager et ensuite entretenir une forme d’assistance, et la notion de limites – les miennes comme celles de la personne que j’accompagne – mérite d’être définie. J’ai besoin de bien repérer les difficultés rencontrées par mon prochain, de les inventorier ; sont-elles matérielles, sociales, économiques, psychologiques, ou plus « lourdes » encore ?

 

Parfois il est nécessaire de revisiter avec la personne aidée ses schémas, ses représentations, son histoire de vie, afin qu’elle puisse « se rétablir », se retrouver, et accéder à l’élaboration d’un nouveau projet. Il n’y aura pas de redémarrage dans la vie sans perspectives nouvelles. On comprend d’autant mieux les propos que Dieu adressait à son peuple déporté : Je connais les projets que j’ai conçus en votre faveur, ce sont des projets de paix et non de malheur, afin de vous assurer un avenir plein d’espérance (Jr 29.11). La personne accompagnée a besoin de retrouver le sens de sa vie. Notre accompagnement social chrétien lui permet de cheminer vers un mieux être, aussi dans sa dimension spirituelle.

 

Maintenant, le risque, dans l’accompagnement, serait de fidéliser nos « prochains », de nous les rendre dépendants, peut-être avec une arrière pensée prosélyte : après tout ce que nous avons fait pour lui, ne nous devrait-il pas de se convertir ?

 

Toute croissance passe par une rupture, un départ, voilà pourquoi après avoir accueilli et accompagné la personne en difficulté, il nous faudra maintenant l’orienter.

 

 

Orienter

 

Orienter parce que je ne sais pas tout faire, et que je n’ai pas forcément tout à faire. Nous vivons dans un pays où les dispositifs d’accompagnements sociaux existent, mais encore faut-il les connaître pour bien orienter son prochain, de sorte qu’il aboutisse dans sa quête de réponses à sa souffrance. Plus je connaîtrai préalablement les mesures en faveur des personnes en difficulté, plus j’aurai établi de relations avec les professionnels sociaux chargés de l’Aide Sociale, plus le « service » rendu à mon prochain en difficulté sera efficace.

 

Orienter aussi parce que nous ne sommes pas le Tout-Puissant et que c’est en reconnaissant nos limites que nous serons le plus authentique et manifesterons le mieux « la vérité dans l’amour » à ce « cher prochain », de quelques heures, de quelques jours.

 

Orienter enfin parce que si nous voulons que ce prochain reprenne véritablement pied dans la vie sociale, il faut oser à un moment rompre les amarres et le laisser avancer sans nous, comme un grand qu’il est. Et faire confiance au Seigneur que Lui saura prolonger notre modeste accompagnement, pour Sa gloire et le salut de cette personne que nous avons appris à aimer durant ces heures de partage et d’échange.

 

Pour conclure

 

De même que je ne confierai pas mon véhicule à un garagiste incompétent, ou mes dents à un dentiste qui ne manifesterait pas les qualités requises, je suis convaincu que l’action sociale, si elle est ordre du Seigneur, devoir de l’Eglise, et mise en pratique de l’amour du prochain manifesté en Jésus-Christ, se doit d’être de la plus grande qualité, et pour cela, nos Eglises, et ceux qu’elles mandatent pour ce service, doivent se former. FORMASEv, le département formation de LASEv, vous propose pour cela une formation tout a fait adaptée : « Les bases de l’accompagnement social ». N’hésitez pas à demander un dossier à l’ASEv et… bonne action sociale !

 

J-R.Y.

 


 NOTE

 

 

1. : Administrateur de LASEv, L’Action Sociale Evangélique