Histoire des C.A.E.F.

 

Histoire des C.A.E.F. (12)

 les-gens

 

par Charles Rick

 

STRASBOURG

 

 

La première assemblée

 

 

En 1907, quelques jeunes membres de l’Union Chrétienne de jeunes gens (en particulier Charles Freysz et Paul Birckel) sont touchés par l’évangile prêché sous une tente par des prédicateurs allemands. Quelques frères baptistes les rejoignent et les enseignent ; un groupe de maison se forme alors, qui se réunit le dimanche après-midi et en semaine.

 

Télécharger Version complète en PDF
 

 

 

 

 

 

Une seconde campagne d’évangélisation sous tente a lieu en 1911. Le groupe des fidèles (20 à 30 personnes) loue une salle au n°3 de la rue de l’Epine. Hélas plusieurs de ses membres perdent la vie lors de la guerre de 14-18, et ceux qui sont de nationalité allemande doivent partir en 1918. L’assemblée se trouve réduite à quelques personnes.

 

Heureusement, elle entre en contact avec des frères suisses, allemands et anglais qui les encouragent. Vers 1925-26, Edmond Squire les visite, ainsi qu’Hector Arnera et le frère Biegler de Paris. Le groupe se réunit alors le dimanche matin, noue des relations avec les assemblées anglaises et s’installe en 1929 au quai St Thomas, où ses réunions (en langue allemande) se tiennent fidèlement jusqu’en 1969.

 

Pendant 2 ans (1946-47), le groupe naissant de La Bonne Nouvelle est accueilli dans ces locaux. Marc Ernst oeuvre beaucoup pour un rapprochement de l’Assemblée de Strasbourg avec l’ensemble des Assemblées de France.

 

En 1969, Charles Freysz, après un demi siècle de fidèle ministère, doit se retirer, et les derniers membres de l’assemblée se joignent à la Bonne Nouvelle1. Charles Freysz décède en 1970.

 

 

« La Bonne nouvelle »

 

L’origine de La Bonne Nouvelle (la B.N. pour beaucoup !) remonte à la veille de la seconde guerre mondiale.

 

Dans les années 1935-38, plusieurs jeunes se réunissent pour prier ensemble, au sein de l’U.CJ.G. Deux d’entre eux (Alfred Kuen et Charles Hoffmann) se retrouvent à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Strasbourg, durant l’année scolaire 1938-39. Un troisième les rejoint, René Peterschmitt. Ensemble, ils continuent leurs rencontres de prière.

 

 

PERIGUEUX

 

A la déclaration de la guerre (septembre 39), une partie de la population de Strasbourg est évacuée sur le sud-ouest de la France. C’est ainsi que l’Ecole Normale s’établit à Périgueux. Les 3 jeunes frères rendent témoignage de leur foi dans le cadre de l’internat de l’école. Le noyau initial passe progressivement de 3 à 12 participants d’origines ecclésiastiques très diverses. Grande est notre joie lorsqu’un nouveau se convertit ; notre façon de l’annoncer aux autres est par exemple : 6 = 7.

 

C’est essentiellement par le témoignage du « un à un » que le groupe grandit. Rappelons le nom de quelques-uns des premiers : Charles Kuen, André Huser, Théo Wurtz, Charles Rick, Hermann Cantuer, Alfred Andress et, une année plus tard en 1941 Jean Metz, Werner Chabrerie.

 

Tous les jours, nous nous retrouvons lors des « tours de parc », ou en cachette dans l’atelier de menuiserie, la remise à bois, la serre du jardinier. Au menu : lecture de Bible et Prière de René Pache et Mme Wasserzug, de passages bibliques, partage sur divers sujets relatifs à la vie de la foi, prière en commun (appelée PEC), nouvelles du monde évangélique… Nos activités et notre militantisme suscitent souvent interrogation et railleries de la part de nos camarades de classe.

 

Au début, nous fréquentons le Temple Réformé de Périgueux, mais nous n’y trouvons pas toujours la nourriture spirituelle suffisante dont nos coeurs affamés ont besoin. Bientôt nous optons pour des rencontres entre nous, soit en plein air, soit dans une salle de restaurant, ou même dans le bureau que le Directeur de l’Ecole Normale, M. Steib, favorablement disposé à notre égard, met à notre disposition. Celui-ci, attentif à l’évolution de la vie du « groupe » au sein de l’internat, rédige à notre intention « quelques directives pour un groupe de jeunes militants ». (Lorsque, après la guerre, le « groupe » deviendra l’Eglise de La Bonne Nouvelle de Strasbourg, ce directeur assistera régulièrement aux cultes.)

 

 

Le groupe devient mixte

 

Les événements politiques et militaires de l’été 1940 obligent les autorités académiques à regrouper dans un même établissement les deux Ecoles Normales de garçons et de filles. Nous avons l’agréable surprise de constater que Dieu a suscité un réveil spirituel analogue au sein de l’Ecole d’institutrices. Si bien que le groupe devient mixte. Un brin de laine à la boutonnière nous aide à nous reconnaître et à faire connaissance, mais entretient aussi un certain ostracisme chez nos camarades d’études.

 

Les trois mois de congé de l’été 1940 sont ainsi mis à profit pour étudier ensemble beaucoup de questions spirituelles, nous familiariser avec la Bible, nous exercer à la prière et à l’exhortation mutuelle. Parmi nos jeunes soeurs nommons Jeannette Anstett-Itty, Mimosa Schelterle-Kuen, Lily Muller-Hoffmann, Marguerite Goetz-Cantuer, Simone Mallo-Wurtz, Anne Mahler, Suzanne Heywang-Fohringer.

 

 

Questions fondamentales

 

Nous avons aussi l’occasion de côtoyer des chrétiens plus âgés. Nous nous posons la question suivante : est-il permis de prendre la cène entre nous sans la présence d’un pasteur ? Elle est longuement étudiée, Bible en main, et après l’avis de frères plus expérimentés et de plusieurs pasteurs, nous ajoutons à nos rencontres dominicales le partage du pain et du vin.

 

Un autre problème important attire bientôt notre attention : celui du baptême. En lisant les Ecritures, nous découvrons que tous les baptisés étaient des croyants adultes. Pourquoi avions-nous été baptisés comme enfants ?

 

La réflexion sur le baptême nous fait aussi découvrir la notion scripturaire de l’Eglise : avions-nous été correctement enseignés dans notre jeunesse ? L’Eglise composée de tous ceux qui naissent dans les pays christianisés correspond-elle au modèle biblique ? Charles Lortsch (alias Francus) contribue beaucoup à nous éclairer sur ces points par son livre il n’y a pas de protestants et par les entretiens que nous avons avec lui.

 

Ces questions nous occuperont durant plusieurs années et nous passerons aux actes seulement bien plus tard, après avoir abouti à des convictions sûres.

 

 

Contacts élargis

 

A l’automne 1940, le « groupe » est amputé de plusieurs frères et soeurs rappelés en Alsace par leur famille. (Nous en retrouverons quelques-uns après la guerre, qui se joindront à l’Eglise).

 

Ceux qui restent à « l’intérieur » de la France persévèrent dans leurs rencontres. Leur temps d’études achevé (1941-42), c’est la dispersion dans la zone dite « libre » pour des stages et l’exercice de leur métier. Plusieurs, restés à Périgueux pour y poursuivre des études complémentaires, maintiennent le flambeau de l’Evangile jusqu’en 1945, au sein de l’Ecole Normale. Cependant, nous nous retrouvons périodiquement, aux congés scolaires, pour des camps très rustiques, de durée variable, par exemple aux Chalayes en Ardèche, ou à Orléat (Puy-de-Dôme).

 

Ces petites écoles bibliques temporaires sont de nouvelles occasions d’affermir notre foi et de poursuivre la réflexion sur d’autres questions : la prophétie, le retour du Seigneur. C’est là aussi que nous élaborons un « programme d’action » pour notre retour en Alsace. Dans ces camps, le chant tient une place privilégiée : « Toujours joyeux, telle est notre devise » conclut souvent nos rencontres. Nous recherchons le contact et l’échange avec bien des frères engagés dans le ministère, posons beaucoup de questions, confrontons les avis entre eux et surtout à la Parole de Dieu : « Que dit l’Ecriture ? » Nos coeurs sont encore remplis de reconnaissance pour tout ce que le Seigneur nous a permis de recevoir par cette nuée de témoins (Antonin, Antomarchi, Morel, Dubarry, Ernst, etc.)…

 

Deux familles spirituelles ont marqué l’orientation de nos choix de base : « l’Association des Eglises Baptistes » et « les Frères Larges ».

 

 

Retour en Alsace

 

Tout au long de ces années de guerre, nous sommes souvent inquiets : les Allemands recherchent les Alsaciens pour les incorporer dans leur armée. Nous avons élaboré des plans de fuite à l’étranger et effectivement plusieurs d’entre nous ont réussi à s’y rendre. C’est ainsi qu’Alfred Kuen et Marcel Husser ont pu s’enfuir en Suisse et s’inscrire à l’Institut Biblique « Emmaüs ».

 

A la fin de la guerre, nous revenons en Alsace où l’administration nous attribue des postes d’enseignants. Que devons-nous faire au niveau de notre engagement spirituel ? Retourner chacun dans notre église d’origine n’est guère possible. Nous sentons que, sur bien des points, nos convictions, découvertes dans la Parole, ne sont plus en harmonie avec l’enseignement donné dans ces Eglises. En outre,

 

Celles-ci utilisent principalement la langue allemande, alors que plusieurs parmi nous sont francophones. Nous arrivons à la conviction que notre « groupe » doit subsister comme noyau d’une future église.

 

 

Problème du local

 

Comme nous n’avons pas de salle pour nos réunions à Strasbourg, l’Eglise baptiste de l’Association et l’Assemblée de Frères nous offrent alternativement l’hospitalité. Le 9 novembre 1947, en réponse à nos prières, Dieu nous permet de louer l’ancien local des Amis des Frères Moraves (20, quai St-Nicolas) où durant 23 ans se tiendront nos cultes et les activités de jeunesse. Notre Groupe libre de chrétiens devient l’Eglise de La Bonne Nouvelle.

 

 

Travail parmi la jeunesse

 

Comme nous avons tous reçu, en tant qu’enseignants, une formation professionnelle pour travailler parmi les enfants et les jeunes, nous y voyons un signe que là doit se situer notre champ d’action prioritaire. C’est pourquoi nous organisons, durant l’été, des colonies de vacances et des camps d’évangélisation et de formation pour les jeunes.

 

Avec le concours de plusieurs serviteurs de Dieu de l’extérieur, les camps d’église pour familles et personnes seules connaissent une grande faveur.

 

 

Evangélisation

 

Pendant l’année, des évangélistes aînés, dont nous avons fait la connaissance durant les années passées, viennent tenir des réunions d’évangélisation dans notre salle ou en lieu neutre (nous nous souvenons de Pierre Gadina, Pierre Bory, Joël Rousseau, Gaston Racine, Jean Vandenbroeck, Ralph Shallis, etc.).

 

 

La Mission

 

Dès 1950, nous sommes confrontés à la question missionnaire par le départ de Jean et Huguette Metz au Tchad que rejoindront Georges et Liliane Ertz et Claude Harel.

 

Au cours des années suivantes, une cinquantaine de membres partiront dans différentes oeuvres missionnaires comme pionniers, enseignants, infirmières, médecins, techniciens, etc., et plus d’une centaine rejoindront diverses Eglises en France pour des raisons professionnelles ou familiales.

 

St Nicolas pour les activités de jeunesse. Début juillet 1996, nous avons déménagé au 4, rue des Magasins, dans un immeuble neuf regroupant sous un même toit, toutes nos activités.

 

 

Croissance

 

L’église grandit : elle compte une trentaine de membres en 1945, 40 en 1950, 80 en I960, 230 en 1970 et 370 en 1986. Il est vrai qu’en 1950-51, une crise intérieure notable freine provisoirement cette progression et aboutit à une séparation douloureuse.

 

Le développement numérique de la communauté nous amène à lui donner une structure : équipe collégiale d’anciens, conseil d’Eglise, assemblées de membres, réunions de quartier, groupes spécifiques d’activités, création d’une Association de Jeunesse « Joie de Vivre » (1958).

 

C’est aussi dans cette perspective que la B.N. lance la création du Mouvement National des Flambeaux (1964) et participe en tant que membre fondateur, à celle de la Fédération Evangélique de France (F.E.F.).

 

Signalons encore l’achat et l’aménagement d’un centre de vacances « Le Sattel » (1972) et l’engagement de deux serviteurs à plein temps (Jeunes et Administration).

 

La croissance de l’Eglise nous a aussi obligés (1970) à trouver des locaux plus vastes, au 13, rue de la Douane (350 places) tout en gardant l’Annexe du quai.

 

 

Extension

 

Trois essaimages à Barr, Vendenheim et Lingolsheim sont issus de l’Eglise mère de Strasbourg (entre 1974 et 1985). Enfin deux anciens étudiants de la Faculté de théologie de Vaux s/Seine, l’un membre de la B.N., l’autre de l’Eglise Baptiste Rue de Sèvres à Paris, lancent ensemble à Lyon, dans les années 1980, une Eglise pionnière (38, quai St-Vincent), avec le soutien de leurs Eglises d’origine. Cette Bonne Nouvelle se développe de façon réjouissante.

 

C’est aussi sous l’impulsion de membres de La Bonne Nouvelle que naît l’Assemblée Evangélique de Breuillet (Charente-Maritime) qui se rattachera plus tard à France-Mission.

 

 

Conclusion

 

« Non pas à nous Seigneur,

 

 

Non pas à nous,

 

 

Mais à ton nom donne gloire !

 

 

A cause de ta bienveillance

 

 

Et à cause de ta vérité. »

 

 

(Ps. 115.1)

 

 

C.R.

 


NOTE

 

1. : Ce premier paragraphe a été rédigé à partir d’une notice écrite par M. Freysz. Cf. aussi Servir, mars 1970, p.2675.