Le quatrième centenaire  de l’Edit de Nantes

 Révocation Edit de Nantes

par Pierre Wheeler

 

 

En 1685, Louis XIV avait révoqué l’édit de tolérance religieuse signé à Nantes une centaine d’années auparavant. Trois cents ans plus tard, en 1985, la France s’est souvenue de cette Révocation de l’Edit de Nantes – pourtant officiellement « irrévocable ». Préparée par la Bibliothèque Nationale, une exposition historique (en plusieurs exemplaires) a alors parcouru la France.


 

Cette année, en 1998, la France commémore la signature de l’Edit de Nantes

 

Avec raison. Car la France fut le premier pays d’Europe à promulguer un édit de tolérance religieuse. Effectivement, en 1998, 400 ans après la signature à Nantes par Henri IV, diverses manifestations montreront, un peu partout dans notre pays, combien fut important cet édit de pacification.

 

Si seulement par la suite l’Edit de Nantes avait été respecté…

 

 

Le XVIe siècle, le siècle de la Réforme

 

Le XVIe siècle n’avait pas été facile pour la France. Officiellement la maison royale avait refusé la Réforme qui s’était pourtant bien implantée1, quoiqu’avec peines et luttes spirituelles, dans notre pays appelé la fille aînée de l’Eglise. Et c’est le roi Charles IX lui-même, influencé par sa mère, Catherine de Médicis, qui manigança le massacre de la St Barthélémy le 24 août 15722. Après cette tuerie, les guerres civiles de religion entre catholiques et huguenots plongèrent la France dans la ruine.

 

En 1593, la conversion libre et volontaire au catholicisme du roi protestant Henri IV fut, politiquement parlant, un coup de maître : Paris assiégé lui ouvrit ses portes, permettant une entrée triomphale dans la ville (« Paris vaut bien une messe » dit-on alors). La possibilité de relever le pays qui agonisait sur le plan économique devint alors possible. Ce fut la grande oeuvre de Sully, protestant convaincu et confident d’Henri IV, de redresser les finances et l’économie de la patrie. Grâce à ses travaux, la France sortit rapidement de la fondrière dans laquelle elle s’était embourbée depuis plus d’une génération. Les campagnes retrouvèrent paix et prospérité. Ainsi la France se guérit de ses blessures.

 

 

 

1598, signature de l’édit de Nantes

 

Jusqu’à la signature de l’édit de Nantes, les protestants n’avaient pas de statut officiel. Ils n’existaient que par la bonne volonté de leur souverain. Un édit qui leur accorderait une existence légale était donc nécessaire. C’est Henri IV qui le promulgua en 1598.

 

Pourtant, l’édit de Nantes ne donna pas vraiment satisfaction aux Français. D’un côté, les huguenots voulaient davantage de libertés : s’ils avaient accès désormais aux postes publics et devaient être acceptés comme citoyens à part entière, ils ne pouvaient pas propager leur foi, ni construire de nouveaux temples. De l’autre côté, les catholiques, avec le pape, ne se réjouissaient pas de devoir reconnaître officiellement les protestants. Certains parlements de province mirent plusieurs années avant de signer cet édit.

 

 

1685, révocation de l’édit de Nantes

 

Après l’assassinat d’Henri IV en l6l0, son fils et successeur Louis XIII, influencé par son premier ministre le cardinal de Richelieu, recommença persécutions et guerres contre les huguenots. Louis XIV hélas, poursuivit cette politique avec le slogan « un roi, une loi, une foi ». Finalement, l’édit de Nantes fut révoqué, envoyant les « parpaillots » réfractaires aux galères et exilant les meilleurs sujets du royaume. Les historiens ont par la suite jugé cette révocation infâme en reconnaissant d’abord la valeur morale de ceux et de celles qui s’exilèrent.

 

« Ayant à opter entre ce qu’ils avaient de plus cher au monde et leur conscience, (ils) optèrent pour leur conscience » écrivait l’historien Albert Sorel (1842-1906). Plus loin, il notait : le 17 octobre 1685 « marque une déviation dans l’histoire de la France, et l’on y voit se former, dans le sol de la patrie, une déchirure qui, s’élargissant incessamment, finira par découvrir un abîme3 ».

 

Enfin, en 1789, au moment de la Révolution, grâce aux travaux de Rabaut St-Etienne, président de la Constituante4, la liberté de religion fut finalement accordée à tous les citoyens français. Ainsi l’article X fut ajouté aux Droits de l’Homme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».

 

 

L’Etat laïque

 

L’Etat laïque prévu par la Révolution échoua ; la prise de pouvoir par Napoléon Bonaparte annula ce projet. L’empereur signa le Concordat en vertu duquel prêtres catholiques, pasteurs protestants et rabbins juifs étaient tous salariés par l’Etat : les cultes, à nouveau, dépendaient de l’Etat.

 

Cependant, au cours du XIXe siècle, le mouvement laïque et anticlérical gagna du terrain en France. L’une de ses grandes victoires fut la création en 1882 de l’école gratuite, obligatoire et laïque, grâce à Jules Ferry. La France dut toutefois attendre 1905 pour que la séparation de l’Eglise et de l’Etat soit promulguée en loi par le gouvernement.

 

Aujourd’hui la France voit la liberté de religion, la laïcisation, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la tolérance comme en germe dans l’édit de Nantes de 1598. C’est la raison pour laquelle la commémoration de cet édit sera fêtée cette année avec un certain faste. S’il est normal que les protestants en organisent la plupart des manifestations, l’accent sera mis sur la nécessité de vivre aujourd’hui ensemble une vraie tolérance religieuse.

 

 

La tolérance aujourd’hui

 

Cette tolérance, les évangéliques en reconnaissent la nécessité et le bien-fondé biblique. Pour la paix du pays et pour la sécurité de ses citoyens ! La liberté de l’individu de croire en Dieu – ou de refuser d’y croire – est aussi jusqu’à un certain point biblique. Le Seigneur invite « quiconque le veut » à venir à Lui tout en ordonnant à tous de se repentir (Ap 22.17 ; Ac 17: 30),

 

Cependant, au nom de la tolérance, nous n’accepterons pas de nous taire en ce qui concerne l’annonce de l’Evangile. Si d’un côté, tout le monde a le droit de croire ce qu’il veut, de l’autre côté, tout le monde a le droit aussi d’entendre la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Il s’agit d’un droit fondamental de l’homme.

 

fond-planeteNous, chrétiens, avons reçu un mandat divin, « irrévocable » lui aussi de la part du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs, celui d’annoncer la Bonne Nouvelle à toute la création.

 

Que fêter l’acte « prophétique » d’Henri IV d’il y a 400 ans par des manifestations, des expositions, des tables rondes, des conférences et des inaugurations, organisées à Nantes, à Paris ou ailleurs, ne nous le fasse pas oublier. « Non, nous ne saurions nous taire ! » (1 Co 9.16).

 

P.W.


 NOTES

 

 

1.   On estime que 12% de la population de la France avaient été, au XVIe siècle, gagnés à la Réforme.

 

2.  Ces chiffres varient énormément. Mais de bonnes sources parlent d’environ 50.000 morts à Paris et dans d’autres villes de France.

 

3.  Cours supérieur d’Histoire de France (Librairie Hachette et Cie, 1913), p.127.

 

4.  Rabaut St-Etienne était le fils de Paul Rabaut qui fut pasteur à Nîmes.