La Bible du mort

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par Marguerite RATTO

 

 

L’an de grâce 1890, dans un petit village du Piémont appelé Castino, un jeune homme d’une vingtaine d’années, paraissant malade, se présenta à la ferme de M. Celestino Gallo, en demandant à ce dernier de bien vouloir lui accorder l’hospitalité pour un jour ou deux. M. Gallo, homme bon et accueillant, la lui accorda volontiers.

 

« Je vous remercie de tout mon coeur, lui dit le jeune inconnu. Je me sens à bout de forces et si Dieu m’appelait à Lui, je vous demande de brûler les affaires qui sont dans mon sac ».

 

Après s’être restauré, il s’en alla dormir dans le grenier.

 

Le matin suivant, M. Gallo fut très surpris de ne point voir son hôte. Il se rendit donc au grenier où il ne put que constater le décès du jeune homme.

 

M. Gallo alla chercher deux voisins et amis, et ensemble firent l’inventaire du sac du défunt ; il ne contenait que quelques haillons et un gros livre. Ils résolurent donc de brûler les haillons, mais de garder le livre qu’ils trouvèrent fort beau : c’était une Bible !

 

Ils décidèrent d’inviter d’autres voisins pour se réunir le soir à la veillée afin de procéder à la lecture, en commun, de cette Bible qui était tombée dans leurs mains d’une façon si insolite. L’Esprit de Dieu agit en eux et ils se convertirent. Puis M. Gallo vendit peu à peu tous ses biens au fur et à mesure que c’était nécessaire pour apporter la bonne Parole de village en village. Dans ce but, il acheta un petit cheval et une charrette, pour aller de lieu en lieu. C’est ainsi qu’en 1897, il vint à Rivalta-Bormida. Dans ce village, il loua une salle de réunions où tous les mercredis il présentait l’Evangile et commentait la Bible.

 

Dans ce village vivait la famille Antoine Ratto. Le fils aîné, Jules, bon accordéoniste, faisait danser les villageois dans les cafés du village. Ayant assisté quelquefois aux réunions évangéliques, il se convertit et cessa son activité musicale dans les cafés et dans les bals. Son père, ayant appris sa nouvelle fréquentation, le frappa et lui interdit de continuer à se rendre à la salle de réunions, en lui disant « Nous avons nos églises et tous nos saints ; nous n’avons pas besoin d’une autre religion ! »

 

Le mercredi soir, jour de la réunion, le repas n’était jamais prêt à l’heure afin de retarder Jules. Alors il s’y rendait quand même avec un morceau de pain sous le bras, mais chaque fois, son père attendait son retour pour le battre. Un soir, Jules dit à son père : « Pourquoi ne viendriez-vous pas à la réunion au moins une fois avec moi ? Si cela devait ne pas vous plaire, je ne m’y rendrais plus moi non plus ».

 

M. Ratto, malgré tout, se rendit compte du changement, en bien et en mieux, qui était intervenu chez son fils Jules depuis qu’il assistait à ces réunions. Avant, il jurait à tout propos et ne voulait pas travailler. Cette bienheureuse transformation l’intrigua, au point qu’il voulut vérifier, par son jugement sain et objectif, ce qui effectivement se passait dans ces réunions. Un soir, sans rien dire à sa femme, il mit sa veste sur sa tête pour ne pas être reconnu par les gens du village et il se rendit à la réunion. N’osant entrer carrément, il se tint derrière la porte, mais il vit que les assistants tenaient un livre à la main.

 

A ce moment précis, un homme se leva et se mit à lire ces mots à haute voix : « Venez à Moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et Je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car Je suis doux et humble de coeur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger » (Mt 11.28). Avant la fin de la réunion, il sortit et rentra chez lui rempli de pensées diverses et fit part de sa sortie à sa femme.

 

– Comment, toi aussi, tu es allé à cette réunion ! lui dit sa femme. Ce à quoi il répondit :

 

– J’ai été très intéressé par ce que j’ai entendu, et je continuerai à la fréquenter. Sa femme lui répliqua :

 

– Que personne de ces gens-là ne vienne chez moi !

 

Malgré tout M. et Mme Ratto avaient soif de vérité. Ils achetèrent la Bible catholique, en trois volumes, et chaque soir, pendant un mois, jusqu’aux premières lueurs du matin, ils cherchèrent à cerner la vérité, en comparant son contenu avec celui de la Bible de leur fils.

 

Un certain mercredi soir, quelqu’un frappa à la porte et entra. C’étaient deux missionnaires anglaises, Miss Evans et Miss Shuir. Elles s’agenouillèrent au milieu de la pièce, et se mirent toutes deux à prier et repartirent sans dire un seul mot.

 

Au bout de quelques semaines, Mme Ratto et son mari trouvèrent la vérité. Alors Mme Ratto prépara de la pâtisserie (des ganses) sur son vieux fourneau et en fit une pyramide sur un grand plateau qu’elle remplit. Puis elle traversa tout le village afin que tout le monde la voie entrer dans la salle de réunion où elle offrit ces douceurs aux deux missionnaires anglaises, témoignant ainsi qu’elle aussi avait accepté l’Evangile…

 

A ce moment-là, les époux Antoine Ratto habitaient chez la mère de Mme Ratto. Cette mère, voyant qu’ils allaient aux réunions évangéliques et plus à l’église catholique, les chassa de sa maison.

 

C’est ainsi que l’Evangile se répandit de proche en proche dans toute cette partie du Piémont. En vérité, la Bible du mort a porté de nombreux, très nombreux fruits, et continue à en porter…

 

M.R.

 

 

Note :

Ce récit a été écrit par Marguerite Ratto qui était la propre fille d’Antoine Ratto, née en 1892, et qui elle aussi a vécu la plus grande partie de sa vie tout près de Cannes. Les plus anciens de l’assemblée l’ont bien connue et Alfred Omer écrivait ceci en 1977 à propos du récit ci-dessus : « Je connais Marguerite Ratto personnellement depuis des dizaines d’années… C’est toujours une chrétienne vivante, imprimant et distribuant des traités évangéliques et témoignant hardiment pour son Sauveur et Seigneur… Cette histoire est vraie en tous points. »