Les coloquintes

 couple-reflexion

par Pierre GADINA 1

 

 

Pierre Gadina fut un des pionniers de l’évangélisation et de la formation biblique par la radio. Le texte ci-dessous est un message qui fut diffusé il y a bien des années sur Radio-Luxembourg. Mais ne garde-t-il pas toute son actualité ?

 

 

 

Savez-vous ce qu’est la coloquinte ? C’est une sorte de faux concombre, ressemblant à s’y méprendre à ce dernier, mais au goût différent, et dont l’effet est des plus dangereux.

 

Dans les pays où les concombres et les coloquintes croissent à l’état sauvage, il est facile de les confondre, ce qui peut causer à l’organisme de graves désordres et même provoquer la mort.

 

La Bible, qui pour notre instruction parle de tout, nous raconte un cas d’intoxication par des coloquintes. C’était au temps d’Elisée, un prophète de l’Ancien Testament. Une famine sévissait en Israël, il fallait se débrouiller comme on le pouvait pour se procurer des vivres. Pour pouvoir subsister, Elisée dut envoyer des jeunes gens rôder la campagne en quête de nourriture. L’un d’eux trouva des coloquintes qu’il prit pour des concombres. Il en rapporta plein son vêtement. Bonne aubaine !

 

On les coupa dans un grand chaudron, puis on alluma un brasier et l’on crut faire un excellent potage. Celui-ci prêt, on se mit joyeusement à table. Chacun avait bon appétit. Horreur ! dès qu’ils en eurent goûté, ils se rendirent compte de l’affreuse méprise ! Terrifié, l’un des hommes s’écria : « La mort est dans le pot, homme de Dieu » Et ils ne purent en manger. Mais le prophète intervint. Il dit : Prenez de la farine. Il en jeta dans le pot, et dit: Sers à  ces gens, et qu’ils mangent. Et il n’y avait plus rien de mauvais dans  le pot.

 

Rien de plus traître que le poison. Quand on s’aperçoit de ses effets, il est souvent trop tard. Nos principales fonctions vitales sont affectées. Si le médecin ne peut intervenir à temps par l’administration d’un antidote, c’est la mort à brève échéance.

 

Je connais plus d’un ménage empoisonné par des coloquintes. Non pas qu’ils en aient fait une salade croyant apprêter des concombres ; mais plutôt parce que le poison s’est introduit dans les coeurs et y provoque une lente et fatale intoxication.

 

Pour m’expliquer, voyons ce qu’il advint d’un ménage moderne. Appelons le mari Jean et la femme Antoinette. Jean et Antoinette sont mariés depuis un peu plus d’une année. Ils n’ont pas encore d’enfant. Ils ne sont nullement pressés d’en avoir, d’ailleurs. Ne faut-il pas profiter de ses belles années ? Jean a eu de l’avancement à son usine ; il espère bien devenir contremaître et même grimper plus haut. Il a du caractère, de la volonté ; au besoin, il sait réagir. Ce n’est pas lui qui se laissera marcher sur les pieds. Antoinette est une jeune femme gracieuse, très XXe siècle, vive, affectueuse, sensible. Un peu trop nerveuse pourtant ! Leur mariage fut un succès. Devant l’autel, ils ont solennellement promis d’être fidèles l’un à l’autre, dans les bons et les mauvais jours. Et comme on leur parlait de Dieu, ils ont aussi solennellement promis de lui demeurer attachés ; de lire sa Parole et de prier. Hélas ! Ils n’ont pas su garder leur bonheur.

 

Antoinette, Jean, vous avez mis des coloquintes dans la marmite ! Les coloquintes d’une vie trop occupée, dans laquelle on n’a plus le temps de s’arrêter, de penser, de méditer, d’être soi-même, d’écouter Dieu, de prier…

 

Jetons un coup d’oeil sur une des journées de Jean et d’Antoinette, un certain lundi, par exemple. La veille, c’était le jour de repos. Ils en avaient profité pour se détendre. Partis à moto le samedi soir déjà, ils ont couché dans un chalet et fait une ascension le lendemain. Ils sont rentrés fort tard, cuits de soleil, fourbus, courbatus, et se sont couchés immédiatement comme des bêtes éreintées. Le lundi matin donc, ils se réveillent assez tard. Jean part au travail, ayant à peine eu le temps d’avaler une tasse de café. Pour Antoinette, c’est aussi le jour de lessive ; elle essaie de s’y mettre courageusement malgré ses membres endoloris. Mais quand sonne midi, le déjeuner n’est pas prêt. Le potage a débordé. En négligé, Antoinette reçoit son mari, un mouchoir encore noué autour de la tête. Ils échangent un rapide baiser, et se mettent à table… pour manger les coloquintes de la susceptibilité ! Jean est de mauvaise humeur : des tracas d’usine. Rien n’a marché ce matin… et pour cause !

 

Il y a de l’électricité dans l’air. Un cheveu trouvé dans la soupe déclenche l’orage. Violente explication, répliques, dupliques. Tandis qu’ils mastiquent leur bifteck, elle pense : « Quelle différence avec le temps de nos fiançailles ! Il était galant, alors ; doux, affectueux. Il admirait tant mes cheveux ; et maintenant pour un qu’il trouve dans la soupe, quelle histoire ! »

 

II se dit aussi : « Autrefois, elle était moins négligée, plus douce, plus aimante. Mon bel idéal où es-tu ? » Ils avaient réservé la soirée pour faire, à deux, une agréable lecture. Tout fut gâché à cause de la mauvaise humeur de Jean et de la nervosité d’Antoinette. Le jour prit fin ainsi, et ils se couchèrent sans se dire bonne nuit, sans s’embrasser, dos contre dos… Ils mangèrent les coloquintes de la rancune.

 

Leur mauvaise humeur se dissipa petit à petit, mais ce ne fut plus la même chose. Imperceptiblement, ils s’éloignèrent l’un de l’autre. Quand vinrent les enfants, les motifs d’impatience se multiplièrent. La fille était volontaire… tout comme son père, pensait Antoinette… Le fils était nonchalant… comme sa mère, remarquait Jean. Les scènes se succédaient ; les coloquintes étaient dans la marmite ! Celles de l’impatience, de la méfiance, de la suspicion… Pourquoi rentre-t-il si tard ? Est-il encore allé accompagner Mme Dupont ? Ce petit cousin qui vient la voir si souvent, cela me paraît louche I… Ils s’épiaient comme deux ennemis.

 

Et, n’étant pas heureux, leur foyer leur parut monotone, ils s’y ennuyèrent. Depuis longtemps les belles promenades du dimanche avaient cessé. Antoinette voulait sortir avec les enfants, tandis que Jean préférait sortir seul. Ce qu’il ne disait pas, c’est qu’au cours de ses balades, il retrouvait, comme par hasard, la petite dactylo, une chic fille avec laquelle il flirtait pour se désennuyer. C’est ainsi qu’il mangea également la coloquinte de l’infidélité. Puis Antoinette la mangea à son tour… Elle fit la connaissance d’un représentant de commerce, un beau garçon, malheureux en ménage ! Elle eut pitié de lui.

 

Des coloquintes ? Ils en mangeaient maintenant à journée faite, à chaque repas, le matin, à midi, le soir. Ça finit par un divorce… Les enfants furent placés.

 

Ils ont gâché leur vie en s’empoisonnant avec des coloquintes…

 

Coloquintes d’une vie surchargée ; coloquintes de la nervosité, de l’impatience, de la susceptibilité, de l’orgueil froissé, de l’égoïsme, de la jalousie, de l’infidélité. Lecteurs, n’en mangez pas! Votre vie s’en trouverait empoisonnée !

 

Que de dissentiments, de mots durs, de paroles blessantes, de larmes, de drames évités, si l’on pouvait ôter les coloquintes de la marmite ! Mais c’est là précisément que gît la difficulté. Tout comme Antoinette et Jean, nous avons été trop occupés, trop négligents, trop susceptibles, trop rancuniers, trop méfiants, trop jaloux, trop coupables. Tout comme eux, nous avons mangé les coloquintes. Pourquoi ? Parce que nous avons oublié Celui qui peut nous apprendre à distinguer ces dernières des bonnes choses et à ne pas les rajouter à nos menus. Nous avons oublié Dieu, nous nous sommes détournés de lui. Même si notre situation est moins grave que celle de Jean et d’Antoinette, il est grand temps que nous nous arrêtions ! La mort est dans la marmite !

 

Si notre situation est tout aussi grave, ou même si elle est plus grave encore, souvenons-nous que Dieu est le Dieu des miracles. De même qu’il a neutralisé le potage d’Elisée et l’a rendu mangeable, de même il peut transformer nos vies. Il s’est d’ailleurs engagé à le faire. N’a-t-il pas dit : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; je vous purifierai de toutes vos souillures, et de toutes vos idoles. Je vous donnerai un coeur nouveau et un esprit nouveau. »

 

Elisée a dit : « Prenez de la farine » et il en jeta dans le chaudron. Puis il dit : « Sers ces gens, et qu’ils mangent »». Et il n’y avait plus rien de mauvais dans le chaudron.

 

Voilà la solution, l’antidote, le remède : introduire dans sa vie l’élément que Dieu nous a donné pour neutraliser en nous l’effet du péché. Cet élément, ce don de Dieu, c’est Jésus-Christ. Quoique la comparaison puisse vous paraître un peu osée, je n’hésite pas à dire que Jésus-Christ aura dans nos vies la même vertu que cette poignée de farine dans le chaudron empoisonné. Où Jésus habite, il n’y a plus de place pour le péché. Son sang répandu sur la croix du Calvaire est le plus grand purificateur de nos consciences et de nos coeurs.

 

Lecteurs, ne voulez-vous pas le laisser prendre place dans votre vie et dans vos circonstances ? Et vous laisser transformer par lui ?

 

P.G.

 


 

Note

 

 

1 : Ce texte a paru dans Ainsi va la vie (Editions Radio-Réveil/Paroles de Vie). Reproduit avec permission.