La mission, première grande entreprise multinationale

 

 

par Allan KITT

 

 

L’annonce de l’Evangile a toujours constitué une entreprise à l’échelle mondiale. N’oublions pas que le premier missionnaire de l’histoire e l’humanité est… Dieu lui-même. Dès la première désobéissance d’Adam et Eve, Dieu est venu les chercher là où ils étaient, perdus. Si la conversation racontée dans Genèse 3 débouche sur l’exclusion d’Adam et Eve du jardin d’Éden, elle laisse entrevoir en même temps une restauration : la descendance de   la femme écraserait la tête du serpent (Gn 3.15).

 

Une manière de lire l’Ancien Testament est d’y voir le récit de la réalisation progressive du dessein de Dieu qui veut amener le salut à l’ensemble de l’humanité. Ainsi, l’Éternel appelle Abram à quitter son pays et à partir vers l’inconnu, avec pour seul appui sa confiance en Dieu qui voulait que cet homme devienne une bénédiction pour toutes les nations de la terre (Gn 12.1-3). L’apôtre Paul voit dans cet appel adressé par Dieu à Abraham une activité d’évangélisation aux retombées mondiales (Ga 3.8, où dans le texte original nous trouvons le verbe proeuan-gelizomai)

 

Au fil du récit nous voyons également les multiples tentatives de Satan qui cherche à empêcher ce plan de se réaliser, en s’attaquant de plusieurs manières à ceux qui devaient préparer le chemin à la venue du Sauveur du monde.

 

Le Nouveau Testament s’ouvre sur un rappel du rôle essentiel du peuple juif dans le plan du salut, avec la généalogie de Jésus-Christ remontant à Abraham (Mt 1.1-16). Mais ce même Evangile selon Matthieu s’achève sur un appel vibrant adressé par Jésus à ses disciples : « Allez, faites de toutes les nations des disciples… » (Mt 28.19-20). La promesse qui accompagne cet ordre du Seigneur nous indique que la tâche de l’évangélisation du monde concernerait les disciples de Jésus jusqu’à la fin du monde.

 

Par la force des choses, dans un premier temps, l’évangélisation s’est déroulée en sens unique, selon le schéma esquissé en Ac 1.8 : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, en Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. » La suite du livre des Actes décrit quelques aspects de ce rayonnement de l’Evangile à partir de Jérusalem, en allant de plus en plus loin vers l’extérieur.

 

Assez rapidement, cependant, il s’avère que le rayonnement à partir de Jérusalem devient plutôt un brassage allant dans tous les sens. L’énumération des prophètes et docteurs dans l’Eglise d’Antioche, en est un exemple : Barnabas le lévite converti, Siméon « le noir », Lucius de Cyrène (la Libye actuelle), Manaën qui avait été élevé avec Hérode Antipas, et Saul l’ex-persécuteur des chrétiens. Voilà une équipe aux origines religieuses, culturelles et géographiques extrêmement diverses, mais unie dans le service du Seigneur (Ac 13.1). D’autres listes du Nouveau Testament, comme celle des compagnons de voyage de Paul (Ac 20.4) et celle des chrétiens de Rome que celui-ci a voulu saluer (Rm 16.3-15), ainsi que les péripéties du couple Priscille-Aquilas, confirment l’impression d’une mobilité impressionnante chez ces témoins de Jésus du 1er siècle.

 

Il semble donc que l’idée assez répandue qui considère la mission comme un mouvement partant des nations dites « civilisées » ou « chrétiennes » et surtout occidentales, en direction de nations moins favorisées, ne correspond pas à l’idée biblique. La mission, bien entendu, est un mouvement de la part de chrétiens qui vont vers des hommes et des femmes qui ne le sont pas encore. Mais nous ne pouvons plus dire que seuls les pays qui ont une histoire et une culture de tradition chrétienne sont concernés par l’ordre de mission.

 

Le phénomène actuel de « mondialisation » nous aide, je crois, à comprendre le rôle que les chrétiens de tous les pays sont appelés à jouer dans l’annonce de l’Evangile à toutes les nations. Des entreprises étrangères viennent s’installer en Europe, des entreprises françaises ont recours à la sous-traitance à l’étranger dans l’intérêt de l’efficacité et de la rentabilité, on fait appel à du personnel médical d’outre-mer afin de pallier le manque de personnel qualifié de proximité… Sans juger de l’aspect moral de telles pratiques, elles illustrent la manière dont la mission peut se faire de nos jours. Ainsi sommes-nous reconnaissants à certains pays qui par le passé ont été surtout la cible d’efforts missionnaires mais qui maintenant changent de rôle.

 

Ces mêmes efforts missionnaires ont porté du fruit, de sorte que les chrétiens sont maintenant plus nombreux « chez eux » que «  chez nous ». La Corée du Sud, par exemple, est devenue le deuxième pays le plus important en nombre de missionnaires envoyés après les États-Unis. Des missionnaires de divers pays d’Amérique Latine et d’Afrique viennent apporter leur aide dans l’évangélisation d’une Europe qui en a de plus en plus besoin.

 

En même temps, là où un missionnaire dans le sens traditionnel du terme n’a plus accès, nous voyons de plus en plus de chrétiens apporter leur savoir-faire dans les domaines techniques, médicaux, commerciaux et éducatifs, tout en établissant un témoignage chrétien ou en épaulant ce qui existe déjà.

 

Tout cela remet en cause l’attitude plutôt paternaliste que certains ont pu manifester par le passé, comme si l’Evangile était en quelque sorte lié à certaines cultures. Non, l’Evangile dépasse les cultures, s’adapte à toutes les ethnies, parce qu’il est lui-même vecteur de transformation. N’oublions pas que son auteur est Dieu qui a fait que toutes les nations humaines habitent sur toute la face de la terre (Ac 17.26). Il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tm 2.4).

 

De nos jours, il semble que les pays où l’Esprit de Dieu réveille les Eglises de sorte que celles-ci prennent conscience de leur responsabilité d’apporter la Bonne Nouvelle I à toute la création se trouvent ailleurs qu’en occident. Réjouissons-‘ nous de ce mouvement continu de l’Esprit, et prions pour que nos pays occidentaux, christianisés depuis si longtemps, retrouvent la flamme qui a fait d’eux les initiateurs de grands mouvements missionnaires qui, par la grâce de Dieu, ont transformé des pays entiers en leur apportant la Bonne Nouvelle de Dieu qui a tant aimé le monde...

 

A.K.