Pourquoi je préfère la position dite

 

« amillénariste »

 

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par Colin PORTEUS

 

Il est certain qu’Apocalypse 20.1-10 est l’un des passages les plus difficiles de l’Écriture. Pour ma part, je n’en ai jamais lu ni entendu une explication entièrement satisfaisante. Dans ce domaine il est parfois plus facile de définir ce qu’on ne croit pas que ce que l’on croit. Mais comme on a bien dit que la démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques, on pourrait en dire autant de « l’amillénarisme » parmi les systèmes d’interprétation prophétiques ou eschatologiques. Chacun de ces systèmes comporte ses propres difficultés, mais pour ma part j’estime que celui-ci est bien plus conforme à l’analogie des Ecritures, c’est-à-dire à la révélation biblique dans son ensemble.

 

Mais pourquoi « amillénariste » entre guillemets ? Parce qu’à mon avis ce terme est impropre, bien que je n’en trouve pas d’autre. Il est impropre en ce qu’il tendrait à donner l’impression que ses adhérents n’acceptent pas l’inspiration verbale et littérale d’Ap 20.1-7, où l’expression ‘mille ans’ se trouve non moins de six fois ! Mais en réalité le problème est ailleurs. Ce qui est en cause, ce n’est point l’inspiration, mais l’interprétation littéraliste. Tous les évangéliques sont d’accord pour admettre que les mille ans correspondent à une réalité : la question est de savoir en quoi elle consiste, et s’il s’agit d’une réalité présente ou future, « dans une autre dispensation ».

 

Mais comment pourrait-il y avoir de dispensation autre que l’éternité après ces derniers jours, voire la dernière heure que nous vivons ? Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habitera, et non quelque période intermédiaire mal définie ! Le fait est que si les ‘mille ans’ sont mentionnés 6 fois ici, ils ne le sont nulle part ailleurs dans toute l’Écriture sainte, si ce n’est d’une façon générale dans Ps 90.4 et 2 P 3.8, sans rapport évident avec une période future. Ni Moïse, ni les prophètes, ni le Seigneur, ni ses apôtres n’en soufflent mot, si ce n’est Jean ici. Il serait très étonnant qu’un appendice à l’histoire du monde soit annoncé pour la première fois tout à la fin du livre sacré, et cela d’autant plus que l’Apocalypse est la quintessence et le concentré de toute la Bible !

 

Mais dans ce cas, que signifient les mille ans ? Je suis convaincu pour ma part qu’il s’agit de la longue période qui sépare la première venue de Christ – son incarnation, son ministère, sa mort, sa résurrection, son ascension, et le don de l’Esprit qui en est la conséquence, – de son retour en gloire que nous attendons. Les mille ans auraient donc déjà duré deux mille ans ? Oui, mais il ne faut pas perdre de vue le genre littéraire de l’Apocalypse qui est un livre hautement symbolique, la BD de la Bible. Le premier verset du livre en annonce la couleur, Christ a signifié ces choses à son serviteur Jean, c’est-à-dire qu’il les a communiquées par le moyen de symboles. Les ‘mille ans’ signifient donc longtemps, le temps que nous vivons aujourd’hui.

 

Vous me direz qu’Ap 20 suit le ch. 19, ce qui est l’évidence même. Mais le discours prophétique, et surtout apocalyptique, ne suit pas nécessairement la chronologie historique. La chronologie des visions de l’Apocalypse n’est pas linéaire mais pour ainsi dire cyclique, comme le flux et reflux des vagues de la mer. À la fin du ch.6 nous sommes déjà au jour du jugement, puis tout recommence, car les visions se complètent en décrivant l’histoire de l’église sous différents points de vue. C’est ainsi qu’à la fin du ch. 11 on arrive encore au jour du jugement, mais le ch. 12 commence avec l’incarnation, la naissance de Christ !

 

Autre exemple : la convocation des oiseaux du ciel au « grand festin de Dieu » (19.17), est tirée du jugement de Gog dans Éz 39 … que nous retrouvons dans 20.8,9 ! Tout cela serait incompréhensible si les réalités décrites dans les différentes séries de visions se suivaient historiquement en ordre chronologique. C’est que le langage apocalyptique est pour ainsi dire codé, et exige d’être interprété selon l’analogie des Écritures, c’est-à-dire à la lumière de toute la Bible, et sans idée préconçue. Cela nous est impossible sans le secours de l’Esprit de Christ, qui est l’Esprit de la prophétie. Et encore, l’Écriture seule est infaillible. Que Dieu nous accorde donc l’humilité évangélique, car nous pouvons nous tromper dans le détail sinon l’essentiel.

 

Que signifie donc cette vision-ci ?

 

 

Satan lié (Ap.20.1-3)

 

En est-il question déjà dans l’Évangile ? Bien sûr que oui ! Personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort, et piller ses biens, sans avoir auparavant lié cet homme fort ; ensuite il pillera sa maison, Mt 12.29. C’est ce que le Seigneur Jésus a fait par sa victoire sur Satan, dans sa vie parfaite et son ministère puissant, sa mort expiatoire et sa résurrection glorieuse.

 

Cela ne veut pas dire que Satan serait inactif, ce qui manifestement n’est pas le cas, mais qu’il est incapable d’empêcher l’évangélisation mondiale et le salut des élus : Tout ceux que le Père me donne viendront à moi, Jn 6.37. Dans l’Ancien Testament le salut était pour les Juifs, mais

 

Voilà donc pourquoi je préfère la position dite « amillénariste », sans avoir la prétention d’en avoir résolu toutes les difficultés, qui me paraissent bien moindres que celles des autres points de vue. Cette position a aussi l’énorme avantage de nous restituer toutes les promesses de Dieu qui sont oui et amen en Jésus Christ, en sorte que nous pouvons jouir de l’Ancien Testament pour ce qu’il est, un livre spirituel et évangélique. Comment pourrait-il en être autrement, puisque Dieu est Esprit, et sa parole esprit et vie ?

 

Christ a détruit le mur de séparation entre Israël et les nations ; c’est dans ce sens ô combien important que Satan est lié aujourd’hui, merci Seigneur !

 

 

La Première Résurrection (Ap 20.4-6)

 

N’oublions pas que ce livre a été écrit en premier lieu pour encourager l’église persécutée. Que deviennent ‘les morts qui meurent dans le Seigneur’ ? Grâce à la puissance de la régénération, Jn.3.3-8 et 5.25, ils vivent et règnent déjà avec Christ dans les lieux célestes, en attendant la résurrection générale au dernier jour, Jn 5.28-29. C’est ainsi que Jésus a pu dire que celui qui croit en lui ne verrait point la mort.

 

Ajoutons en conclusion que cette question, si importante soit-elle, est relativement secondaire par rapport aux grandes vérités de l’évangile qu’elle illustre cependant. Elle ne doit donc pas diviser les chrétiens, mais elle doit beaucoup enrichir ceux qui sont décidés à interpréter l’Écriture par l’Écriture, serait-ce à contre-courant.

 

C.P