L’historicité des textes bibliques

 tables-loi

par Jean-Pierre BORY

 


« Le Christ, les apôtres, l’Eglise primitive, les Pères, les Réformateurs et leurs successeurs ont affirmé d’une façon générale l’inspiration plénière des Ecritures, cela jusqu’au 18ème siècle » 1.

 

 

La critique négative

 

 

Puis vint le « siècle des Lumières » (le 18ème), avec l’émergence du rationalisme qui a ses racines à la Renaissance déjà (Erasme lui-même mettait en doute certains livres bibliques), puis Descartes, Spinoza, Leibniz… Les écrivains antireligieux français du 18ème siècle diffusèrent dans leur grande Encyclopédie une vive attaque contre la foi chrétienne et contre l’authenticité de la Bible. Mais c’est principalement dans le premier quart du 19ème siècle que s’est développée la « haute critique », libérale et rationaliste : les théologiens libéraux de l’université de Tubingen en Allemagne crurent pouvoir démontrer l’impossibilité d’une transmission fidèle de paroles ou d’écrits originaux datant de 1800 à 3300 ans auparavant. Les évolutionnistes ironisèrent sur les premiers chapitres de la Genèse…

 

Et jusqu’à aujourd’hui, la critique libérale ne désarme pas : que n’écrit-on pas sur les récits légendaires de la Genèse, et sur le Christ, cet illettré un peu marginal, révolté contre les Romains et ses collaborateurs palestiniens, parfaitement incapable d’avoir prononcé les discours qu’on lui attribue ; quant aux miracles, l’attrait du merveilleux dans la conscience collective leur donne aussi peu d’authenticité, dit-on, qu’aux récits de Merlin l’enchanteur et de Roland à Roncevaux.

 

Et pourtant que de manques de logique chez ces savants historiens et linguistes !

 

 

Les manuscrits

 

II est vrai que nous ne possédons aucun manuscrit original d’aucun écrivain de la Bible (pas plus que des auteurs classiques de l’antiquité grecque et romaine).

 

Mais personne ne remet en cause Virgile, Platon, Euripide, Jules César… Or pour ne citer que deux exemples, sait-on combien de manuscrits nous possédons de Platon ? sept seulement, et qui datent de 900 à 1500 ap. J.-C., soit au moins 1250 ans après la mort de Platon. Et pour Jules César, nous disposons de dix manuscrits de La guerre des Gaules dont le plus ancien date de 900 ans après J.-C. Pourtant il n’y a jamais eu de levée de boucliers contre l’authenticité de ces textes. Par contre, nous avons des milliers de manuscrits du N.T. ! Le Nouveau Testament entier est contenu dans plusieurs rouleaux de parchemins2 et codex3 datant du 4ème et du 5ème siècle déjà.

 

Plusieurs des grands manuscrits contenant la presque totalité du N.T. ne datent que de 250 ans après la rédaction initiale. Et l’on peut encore réduire cet intervalle pour l’Evangile de Jean : on lit Jn 18.31-33,37 et 38 sur deux fragments de papyrus (dit de Ryland) qui reproduisent exactement, à la lettre près, les versets que nous trouvons dans des manuscrits bien plus tardifs et complets de l’Evangile de Jean. Or ils datent du début du 2ème siècle, soit 25 à 50 ans au plus après la rédaction de l’Evangile4 !

 

Le Nouveau Testament possède indiscutablement bien plus de preuves de son authenticité que tous les autres auteurs profanes de l’antiquité. (Nous possédons aussi 2000 manuscrits de l’A.T).

 

La comparaison ci-dessous met en évidence l’énorme supériorité de la richesse des manuscrits bibliques :

 

  Platon mort en 347 av. J.-C. Jules César, mort en 44 av. J.-C. Textes du N.T. rédigés entre 50 et 100 av. J.-C. selon les livres
Nombre de manuscrits
Nombre de manuscrits 7 10 Environ 5000 manuscrits en grec du N.T., plus des milliers d’autres complets ou fragmentaires en diverses versions anciennes (syriaques, latines, gothiques, coptes, arméniennes, etc.) : environ 13000 en tout selon certains 5.
Date de ces copies

 

900 à 1300 ap. J.-C. 900 à 1500 ap. J.-C. 250 à 1300 ap. J.-C.

Intervalle entre la rédaction de l’original et la plus ancienne copie

Au moins 1250 ans Au moins 950 ans

Seulement 150 à 200 ans selon les livres du N.T.

Les études comparatives      

 
Elles ne sont guère probantes quand l’on ne possède que quelques manuscrits, et des manuscrits relativement récents comme ceux de Platon et Jules César. Mais lorsque l’on peut comparer des textes distants de 1000 ans, retrouvés dans des lieux très éloignés les uns des autres, et que l’on constate que les différences entre eux sont infimes, et ne touchent jamais le sens général d’un paragraphe biblique, on a la preuve du soin que prenaient les copistes des textes bibliques. Et l’on peut avec raison penser que les tout premiers copistes ont porté la même attention que leurs successeurs à une conservation aussi parfaite que possible des paroles du Seigneur et de ses disciples.

 

Une preuve indiscutable de cette fidélité des copistes juifs de la Bible (appelés massorètes) nous a été donnée par la découverte des Manuscrits de la Mer Morte en 1947. Les principaux rouleaux (Esaïe en particulier) datent de 100 à 125 av. J.-C. Cette découverte a réduit de près de 1000 ans la période existant entre les originaux autographes et les plus anciennes copies que l’on possédait : et le texte est pratiquement identique malgré les mille ans de copies successives ! Cette fidélité démontrée des massorètes sur plus d’un millénaire ne peut que faire postuler que les textes de Qumran sont eux aussi conformes à l’original rédigé par Esaïe.
Il en est de même pour les autres livres de la Bible hébraïque : on a trouvé dans une quinzaine de grottes autour de Qumran des manuscrits plus ou moins complets de tous les livres de l’A.T. sauf de celui d’Esther.

 

Voici comment s’exprime Sir Frédéric ferguson, ancien directeur du British Muséum : « Parmi les livres anciens, aucun autre ne dispose de preuves aussi anciennes et abondantes pour son texte. Aucun savant, s’il exclut tout préjugé, n’est en mesure de nier l’authenticité du texte qui nous est parvenu »6.

 

 

Les écrits gravés dans la pierre

 

On a longtemps nié que Moïse ait pu écrire et rédiger un code de lois aussi complexes et complètes que celles du Pentateuque. Aussi reculait-on la rédaction du Pentateuque jusqu’après l’exil, pour certains jusque vers 300 av. J.-C. où enfin les divers éléments qui composent le Pentateuque auraient été réunis 7. Moïse n’aurait pu écrire, disait-on, en écriture cunéiforme vers le 15ème siècle av. J.-C.

 

Mais on a retrouvé aujourd’hui des dizaines de milliers de tablettes en Syrie, à Ugarit, plus anciennes que Moïse et portant cette écriture. Le Code d’Hammourabi retrouvé à Suse, écrit en cunéiforme lui aussi, contient un certain nombre de lois très proches de celles du Pentateuque et antérieures à ce dernier de 2 à 3 siècles environ. Moïse, qui avait été instruit comme un fils de Pharaon, avait donc toutes les facilités pour avoir connaissance de lois existantes et d’écritures utilisées depuis longtemps.

 

De nombreux sites bibliques ont été retrouvés et identifiés avec certitude. Des monuments, des stèles érigées par des rois non juifs, racontent leurs grands faits d’armes, leurs victoires. Plusieurs font allusion à Israël : par exemple, la stèle de Mésa ou Pierre de Moab qui raconte l’expédition guerrière contre Israël et Juda dont il est question en 2 R 3 ; des bas-reliefs qui portent des représentations de rois étrangers cités dans la Bible (Assurbanipal, nommé aussi Osnapar : Esd 4.10) ; le prisme de Sargon qui recense les diverses victoires de ce roi et mentionne la prise de Samarie ; un bas relief qui montre Sargon crevant les yeux d’un roi vaincu comme le fera plus tard Neboukadnetsar à Sédécias (2 R 25.7).

 

On a une description des travaux de génie et d’adduction d’eau entrepris par Ezéchias, et l’on peut se promener dans le tunnel d’amenée d’eau qu’il a fait creuser sous Jérusalem, comme le dit 2 R 20 et 2 Chr 32. On lit sur les parois des inscriptions faites par les ouvriers du roi… D’innombrables tablettes d’argile, appelées « les chroniques babyloniennes », racontent les hauts faits de Neboucadnetsar et complètent les récits bibliques : l’assassinat de Sennachérib (Es 37.37-38), la chute de Ninive (Nahum 2-3), la bataille de Karkemish (Jr 46.2), la prise de Jérusalem et la fin du royaume de Juda (2 R 25), la chute de Babylone (Dan 5), etc., ce que confirme aussi l’historien Bérose, prêtre vivant au 3ème siècle av. J.-C.

 

Les tablettes indiquent des dates qui permettent de proposer une chronologie relativement précise de l’histoire d’Israël. On a retrouvé une partie des constructions faites par Nebucadnetsar à Babylone (la porte d’Ishtar, des pans de muraille, le palais royal, une ziggourat : tour à objectif religieux, du type de celle de Babel. Pour cette tour, le roi avait ordonné « d’assurer son fondement dans le sein du monde inférieur, et son sommet de le faire semblable au ciel » (cf. Gn 11.14). Les innombrables ostraca, ou tessons de poteries contiennent toutes sortes d’inscriptions concordant avec les éléments culturels et cultuels de la Bible : éléments de comptabilité, noms communs en Israël (y compris celui de Baal et de YHWH).

 

La place manque pour énumérer tout ce que l’archéologie apporte comme confirmations aux faits rapportés dans la Bible, démontrant ainsi sa fiabilité, son authenticité, sa valeur historique.

 

La Bible est vraie. Nous devons l’affirmer. Et si elle l’est et se déclare Parole de Dieu, nous devons y prendre garde !

 

J-P.B.

 

L’écrivain Josèphe (37 à 100 ap. J.C.), dont deux livres nous sont parvenus, mentionne : « Jean, surnommé le baptiste, mis à mort… ». « Jacques, le frère de Jésus, que l’on appelait le Christ… » « Jésus avait la réputation d’un faiseur de miracles… Il avait de l’influence sur beaucoup de juifs et de Grecs. Pilate l’a crucifié… il est le fondateur des chrétiens ».

 


 

NOTES

 

1. René Pache, L’inspiration et l’autorité des Ecritures, p.225.

 

2. Peaux d’animaux préparées pour être utilisées comme support d’écriture. Leur durée de conservation est bien supérieure à celle des papyrus.

 

3. Les juifs utilisaient des bandes de peau de 30 à 40 cm de largeur sur 10 à 15 m. de longueur qu’ils enroulaient sur des manches de bois. Hb 10.7 mentionne le rouleau du livre. Dès le 2ème siècle apparurent les codex qui furent les ancêtres de nos livres : ils étaient constitués de rectangles de parchemins plies et liés ensemble, souvent protégés par une couverture de cuir plus épais.

 

4. Carsten Thiede, linguiste et spécialiste de l’étude des papyrus, affirme être en mesure de prouver qu’un manuscrit partiel de l’évangile de Matthieu conservé à la bibliothèque du Magdalen Collège à Oxford, daterait du milieu du 1er siècle, donc de l’époque où Matthieu vivait probablement encore.

 

5. Sur les pistes de la mémoire, Société Biblique Britannique et Etrangère, 1987 sous le titre : «Messages from the Memorybanks)

 

6. Sur les pistes de la mémoire, Société Biblique Britannique et Etrangère, 1987 sous le titre : «Messages from the Memorybanks)

 

7. Nouveau Dictionnaire Biblique, Editions Emmaüs, p. 1002-1003.