La bonté et la sévérité de Dieu

 commentaire Bible

par Henry BRYANT

 

 

Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, Paul les invite à considérer à la fois la bonté et la sévérité de Dieu (Rm 11.22). En effet, la Bible tout entière nous enseigne que Dieu est riche en bonté et plein d’amour à notre égard, et nous nous en réjouissons. Mais elle révèle également que notre Dieu est aussi un feu dévorant (Hb 12.29), une image moins agréable à contempler et plus difficile à accepter.

 

En effet, qui n’a pas été troublé par certains textes où Dieu semble prôner la violence ou montrer du favoritisme dans ses choix ? Comment harmoniser son commandement de ne pas tuer (Ex 20.13) avec sa directive au peuple d’Israël de prendre possession du pays promis en exterminant tous ceux qui s’y trouvaient (Dt 7.1-5) ? Comment Dieu, qui ne fait pas acception de personnes, peut-il dire … j’ai aimé Jacob, et j’ai eu de la haine pour Ésaü… (Mal 1.2 3) ? En quoi consistent la colère et la jalousie de l’Éternel (Dt 29.20) ?

 

 

Un Dieu trop grand pour nous

 

Notre difficulté avec ces textes provient en grande partie du fait que les pensées de Dieu ne sont pas les nôtres (Es 55.8-9). Face au mystère de la souveraineté de Dieu, Paul s’exclame : O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles ! Car qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller ? (Rm 11.33-34). Alors si nous voulons connaître Dieu tel qu’il est véritablement, il nous faut aborder sa révélation non pour la juger (Jac 4.11-12) mais pour être jugés nous-mêmes et corrigés dans notre conception de Dieu et de sa pensée. Car nous sommes persuadés que sa parole est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice… (2Tm3.16).

 

Un enfant qui est trop jeune pour comprendre ce que font ses parents peut croire à tort qu’ils sont injustes à son égard. Le chrétien se trouve dans une position identique par rapport à son Père Céleste. Vivant dans un monde où tout est infecté par l’injustice et l’égoïsme, il a de la peine à dissocier la colère ou la jalousie des injustices. Mais croire en Dieu implique, entre autres choses, une confiance que Dieu agit toujours selon sa nature d’amour, de justice, et de sagesse parfaite et que Dieu sait mieux que l’homme gérer le monde. Quand David était troublé par l’apparente impunité des méchants, il trouva sa consolation dans le fait que le jugement (de Dieu) sera conforme à la justice, et tous ceux dont le cœur est droit l’approuveront (Ps 94.15). Le jour où nous connaîtrons comme nous sommes connus, et que nous aurons un cœur parfaitement droit, nous approuverons Dieu dans tous ses jugements et ses actes. Car ses oeuvres sont parfaites, […] toutes ses voies sont justes ; c’est un Dieu fidèle et sans iniquité, il est juste et droit (De 32.4).

 

 

Un problème de traduction

 

Quand nous lisons que Dieu a aimé Jacob et qu’il a eu de la haine pour Ésaü, nous sommes quelque peu choqués par ces termes qui pourraient faire croire à un favoritisme injuste. Trois éléments peuvent nous aider à mieux comprendre ce passage de Malachie.

 

Premièrement, le mot « haïr » dans l’idiome hébraïque n’a pas toujours le même sens qu’en français. Quand l’auteur de la Genèse raconte que Léa, la femme de Jacob, n’était pas aimée (Hébreu : haïe), cela signifie seulement que Jacob a préféré Rachel à Léa (Gn 29.31 et 33). Jésus utilise la même expression quand il dit que celui qui vient à lui doit « haï » ses propres parents (Luc 14.26). Les versions récentes ont raison de traduire : me préférer à son père ou à sa mère

Le contexte de Malachie montre bien que c’est le sens du message que Dieu voulait communiquer à son peuple. A une nation récemment revenue de la captivité babylonienne, toujours sous la domination des Perses, et peu nombreuse, Dieu affirme en premier : Je vous ai aimés et ensuite, en réponse à leur réplique cynique, je vous ai préféré à Ésaü, malgré le fait que lui aussi était un frère de Jacob (Mal 1.1-3).

 

Deuxièmement, la suite du passage indique que « la haine » de Dieu se manifeste envers Ésaü par ses jugements sévères et bien mérités. Car la nation d’Edom, la postérité d’Ésaü, s’était réjouie de la destruction de Jérusalem (Ps 137.7) et avait attaqué violemment le peuple de Dieu (Jos 3.19). Alors la haine de Dieu est pure et consiste à un jugement contre le méchant et celui qui se plaît à la violence (Ps 11.5). La haine malveillante ne peut pas exister en Dieu, ni en vérité dans un chrétien, car Jean nous dit que celui qui hait son frère est un meurtrier, et qu’aucun meurtrier n’a la vie étemelle en lui (1 Jn 3.15).

 

Troisièmement, nous ne pouvons pas attribuer à Dieu de l’injustice dans son choix d’une nation parmi toutes les autres pour être son témoin. Etant comme de l’argile entre les mains du Potier, nous sommes vraiment mal placés pour nous croire capables de dire au souverain Créateur de l’Univers : « Que fais-tu » (Es 45.9). De plus, les avantages d’appartenir au peuple de Dieu étaient contrebalancés par une plus grande sévérité à leur égard. Dieu leur dit : Je vous ai choisis, vous seuls parmi toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi je vous châtierai pour toutes vos iniquités (Am 3.2). Dans sa souveraineté, Dieu donne à chacun des dons et des privilèges différents, mais sa justice se voit dans ce grand principe que Jésus a énoncé : On demandera beaucoup à qui l’on a beaucoup donné, et on exigera davantage de celui à qui l’on a beaucoup confié (Luc 12.48).

 

 

Dieu est juste dans ses Jugements

 

Le récit de la conquête du pays promis est aussi une source de difficulté pour le lecteur de la Bible, surtout à la lumière des conflits qui embrasent actuellement cette région du monde. Car la Bible dit clairement que Dieu donna au peuple d’Israël, sous la commande de Josué, le mandat de prendre possession du pays, en chassant ses habitants et en se gardant de toute alliance avec eux. Il faudrait attendre le ciel pour obtenir une explication satisfaisant entièrement à nos questions, mais quelques faits peuvent nous aider à comprendre ce que Dieu a fait.

 

Premièrement, la conquête fut surtout un jugement que Dieu exerça. C’est l’Éternel seul qui fit entrer son peuple, qui chassa les nations devant eux et qui les livra entre les mains des Israélites (Dt 7.1-2). De son peuple il exigea surtout une obéissance totale, un refus de s’allier avec des peuples qui l’auraient détourné de son Dieu, et la destruction de tout autel, de toute statue, et toute idole et image taillée. (Dt 7.2-5).

 

D’ailleurs, Dieu leur dit clairement pourquoi il jugeait ces nations : Sache aujourd’hui que l’Eternel, ton Dieu, marchera lui-même devant toi comme un feu dévorant, c’est lui qui les détruira, qui les humiliera devant toi ; et tu les chasseras, tu les feras périr promptement, comme l’Eternel te l’a dit. Lorsque l’Eternel, ton Dieu, les chassera devant toi, ne dis pas en ton cœur : C’est à cause de ma justice que l’Eternel me fait entrer en possession de ce pays. Car c’est à cause de la méchanceté de ces nations que l’Eternel les chasse devant toi (De 9.3-4).

 

Quelques quatre siècles plus tôt, lorsque Dieu avait promis ce pays à Abraham, il avait ajouté qu’il fallait attendre pour en prendre possession, parce que l’iniquité des Amoréens n’est pas encore à son comble (Gn 15.16). Cette période du « comble de l’injustice » arriva à l’époque de Josué, fait confirmé par les découvertes archéologiques mettant en évidence une décadence abjecte. Alors comment pourrons-nous mettre en cause cet acte de Dieu ? Dieu est-il injuste quand il déchaîne sa colère ? … Loin de là ! Autrement, comment Dieu jugerait-il le monde ? (Rm 3.5-6).

 

 

La punition du coupable n’est pas intolérance

 

Nous ne pouvons pas non plus accuser le peuple d’Israël d’avoir transgressé les dix commandements quand ils suivaient les ordres de Dieu d’exécuter un coupable. Car le commandement, tu ne tueras point (Ex 20.13) interdit le meurtre. Rappelons-nous que Dieu, qui a donné ce commandement, a aussi donné aux autorités la responsabilité solennelle de juger les malfaiteurs (Gn 9.5-6). Et la loi de Moïse préconisait la peine capitale pour une vingtaine de crimes différents. Alors l’Israélite qui fit la conquête par fidélité aux commandements de Dieu fut un serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui (faisait) le mal (Rm 13.4) ; et celui qui commettait des injustices n’échappait pas au jugement.

 

 

En guise de conclusion

 

Qu’aucun chrétien ne croie pouvoir trouver dans la conquête de Canaan par Josué et Israël une justification pour la violence aujourd’hui au Moyen Orient ou ailleurs ! Dieu est souverain et utilise même la colère des hommes pour accomplir ses desseins (Ps 76.11), mais les conflits actuels opposent des adversaires qui ne reconnaissent pas le Dieu véritable.

 

Ensuite, la conquête de Canaan peut nous enseigner des principes importants dans la lutte avec les puissances invisibles et spirituelles, mais elle ne peut jamais valider les actes de violence de la part d’un chrétien. Nous n’oublions pas la réprimande sévère que Jésus a faite aux disciples quand ils voulaient détruire une ville des Samaritains : Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. Car le Fils de l’homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver (Luc 9.55-56).

 

H.B.