Prions sans nous lasser : Luc 18.

 

Mains en prière

 

par Robert SOMERVILLE1

 

 

 

Cette parabole semble comparer Dieu à un mauvais juge, qui ne répond que quand on lui « casse les pieds » ! Est-ce que Dieu est comme cela ? Est-ce que Dieu ne rend justice que si on l’y oblige ? que si on le lasse ? Est-ce que, si nous prions beaucoup, longtemps, Dieu est forcé de céder ? Je ne crois pas que cela soit tout à fait le message de la parabole !

 

Ici Dieu n’est pas comparé à un mauvais juge, mais plutôt contrasté. Ici je crois que Jésus veut nous montrer une différence importante pour notre foi : si un juge injuste finit par céder à l’insistance de la veuve, à combien plus forte raison pouvez-vous être convaincu que Dieu dans sa miséricorde, entendra votre prière. Si une pauvre veuve est capable de persévérer auprès d’un juge indigne jusqu’à obtenir justice, à combien plus forte raison devez-vous persévérer dans la prière – c’est-à-dire garder confiance en Dieu, ne pas vous laisser abattre, lasser, décourager. Les traductions actuelles disent plutôt d’ailleurs – ici dans la Colombe : « ne pas se lasser » ; la Bible du Semeur ainsi que la traduction œcuménique et la Bible en Français courant disent : « ne pas se décourager ». Il s’agit donc bien d’une exhortation à ne pas se laisser décourager et à persévérer – et non pas à essayer de forcer la porte de Dieu.

 

 

Dans cette parabole le juge inique est exactement le contraire de ce que devrait être un juge. Dieu, lui, est juste ! En face du juge, une veuve. Une veuve dans la société antique – y compris en Israël – est particulièrement démunie, même si la loi lui assure une certaine protection. La veuve est une femme qui n’a pas de statut social, qui ne compte pas. On peut penser qu’il s’agit ici d’une veuve trop pauvre pour « graisser la patte » du juge – et peut-être trop juste pour le faire même si elle en avait les moyens. Il s’agit d’une veuve qui n’a aucune influence ; elle est seule, et -c’est la chose la plus importante – elle n’a pas d’autre arme que la prière.

 

Mais sa prière repose sur sa confiance dans la justice. C’est une femme qui a mille raisons de se décourager, de désespérer, de renoncer devant un juge dont on sait qu’il est sans foi ni loi, et qu’il fait la sourde oreille à toutes ses prières. Pourtant elle persévère et finit par obtenir justice. C’est un magnifique exemple de persévérance. Jésus nous dit : si une telle femme, si démunie, si pauvre, devant un homme dur, qui ne respecte ni Dieu ni la loi, est capable de persévérer – à combien plus forte raison devez-vous être persévérants dans la prière.

 

L’expression « à plus forte raison » se trouve aussi dans Luc 11.5, où il y a un élément nouveau : il ne s’agit pas dans ce récit de la prière pour soi, mais pour un autre ; il s’agit de la prière d’intercession. Le chrétien n’est-il pas celui qui croit à la justice et à la bonté de Dieu, et qui a appris à dire à Dieu : « Notre Père » ?

 

Si vous qui êtes mauvais, vous avez appris à donner de bonnes choses à vos enfants – à combien plus forte raison… Le chrétien ne doit pas douter de la bonté de Dieu, même quand il ne voit pas de changement. Il doit continuer à espérer, ne jamais désespérer. C’est ici quelque chose d’essentiel. On voit que c’est bien ce que Jésus veut dire lorsqu’à la fin de la parabole il dit : « Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » -ou trouvera-t-il des gens qui ont désespéré ? Bien sûr, cela ne signifie pas que nous allons rester tranquilles et sereins tout le temps parce que nous sommes sûrs que Dieu nous aime, parce que nous vivons au milieu de difficultés, d’épreuves, de déceptions, d’échecs, d’attentes parfois longues, II est question ici des élus qui crient à Lui jour et nuit. Il y a des moments où on ne peut que crier : dans Luc 18 il y a aussi l’histoire de Bartimée le mendiant qui crie et qu’on veut faire taire. Mais si les élus crient, c’est parce que leur souffrance est trop forte : ce n’est pas parce qu’ils s’imaginent que s’ils ne crient pas, Dieu n’entendra pas ! Il y a des moments où la souffrance est forte, et Dieu entend nos cris. Il entend même nos cris inarticulés, nos souffrances non exprimées : nous pouvons en être sûrs.

 

 

La prière, un combat

 

On le dit souvent, et c’est vrai – mais peut-être pas dans le sens que nous l’imaginons. Ce n’est pas un combat pour que Dieu nous cède – c’est un combat pour que nous persévérions, pour que nous tenions ferme : un combat contre la fatigue, contre le découragement, contre les déceptions, contre le doute, contre le péché qui nous enveloppe si facilement. C’est un combat contre l’adversaire -contre la victoire de Satan par excellence quand il nous pousse à dire : « Je ne peux plus me tourner vers Dieu, il faut que je me résigne – ou bien que je cherche ailleurs ». Ce que Dieu promet ici c’est de rendre justice. Dieu ne ferait-il point justice à ses élus qui crient à Lui jour et nuit ? Tarderait-il à leur égard ? Dieu promet de faire droit -pas de nous donner tout ce que nous désirons.

 

Nous vivons dans un monde où le droit et la justice sont souvent bafoués, où nous pouvons avoir des raisons de douter de l’action de Dieu, de son intervention, de sa justice. Garder confiance, ne jamais désespérer, c’est à cela que nous sommes appelés… C’est vrai que la justice n’est pas de ce monde ; quand Jésus dit « II leur rendra promptement justice », II ne veut pas dire que cela viendra tout de suite. Je crois qu’il s’agit ici de dire qu’il le fera d’une manière décisive, que le rétablissement de la justice n’est pas une lente construction humaine, mais un acte décisif et certain de Dieu.

 

Dans l’Apocalypse nous voyons une église persécutée, menacée, qui a toutes sortes de raisons de se décourager, d’abandonner le combat de la prière -mais qui reçoit la promesse, l’assurance que la victoire est à Dieu (Apocalypse 11).

 

 

La prière, une vision

 

La prière veut nous donner une vision plus large que celle de notre intérêt personnel – la vision de Dieu qui s’accomplira sûrement et dont nous ne pouvons jamais désespérer. Quoiqu’il arrive, nous pouvons prier, croire à l’amour de Dieu – et à cause de cela ne pas nous résigner à l’injustice dans le monde. Nous pouvons demander, non seulement pour nous, mais comme dans la parabole des trois amis, intercéder. Ne sommes-nous pas aussi les partenaires du Seigneur dans la prière d’intercession, dans la persévérance dans la prière ? Oui, je crois que la leçon de cette parabole est essentiellement celle-là : ne jamais désespérer de Dieu – persévérer dans la prière : la prière pour nous-mêmes bien sûr, mais aussi pour les autres, pour l’Eglise. Notre persévérance en dépit des doutes, en dépit des difficultés, honore Dieu. Elle est louange, même si nous ne le savons pas ! Amen.

 

Aide-nous, notre Père, à si bien voir la preuve d’amour que tu nous a donnée en Jésus-Christ, un amour qui vient par la croix pour nous, que rien ne nous fasse perdre confiance en ton amour – que rien ne nous détourne de prier avec persévérance. Nous prions pour nous-mêmes, nous en avons besoin – pour nos frères, pour l’Eglise, et pour le monde. Nous comptons sur toi, et nous ne voulons pas nous lasser…

 

R.S.


NOTE

 

1. : Condensé du message donné lors du culte d’ouverture du Colloque « Pour une Louange Renouvelée » – Association d’Eglises de Professants – septembre 1994.