Vocation sans frontières

 dialogue

 

par Pierre WHEELER


 

A lire d’abord : Actes 13.1-4 ; Jean 4.35-38. S’opposer au principe d’évangéliser nos semblables est plutôt rare chez les bons chrétiens évangéliques que nous sommes, mais quand il s’agit d’annoncer l’Evangile à nos contemporains dans un pays étranger, curieusement, et assez souvent, il peut exister quelques hésitations.

 

Cet état de choses est-il dû au fait que notre propre pays n’est qu’une vaste terre de mission, surtout depuis sa christianisation après la Guerre de 39-45 ? « Terminons le travail chez nous, dit-on facilement, puis on verra ailleurs ». A vues humaines, c’est la bonne logique. Et quand on sait que, proportionnellement, un plus grand nombre de chrétiens authentiques résident dans les prétendus pays « de mission » plutôt que dans nos pays occidentaux, on n’en est que davantage convaincu. Il paraît qu’il y aurait plus de chrétiens nés de nouveau dans le seul pays du Zaïre, qu’en France, Italie Espagne et au Portugal réunis !

 

Que dit le Nouveau Testament ?

 

Un examen du Nouveau Testament ne semble pas confirmer cette politique d’hésitation. Ni la Judée, ni la Samarie n’avaient été entièrement évangélisées lorsque Dieu permit une persécution pour disperser les chrétiens hors de Jérusalem ! C’est ainsi que la Parole fut annoncée en Chypre, en Phénicie (le Liban) et jusqu’à Antioche en Syrie (voir Actes 11.19-21).

 

Avant son Ascension le Seigneur Jésus avait ordonné à ses apôtres d’aller dans le monde entier, vers toutes les nations, afin de faire de nouveaux disciples (Matthieu 28.19 ; Marc 16.15 ; Luc 24.46-47). Le fait que les apôtres tardaient à accomplir cet ordre, a amené Dieu, semble-t-il, à « prendre les choses en main » et à disperser la trop grande concentration de chrétiens à Jérusalem par quelque persécution.

 

 

Appelé à partir

 

Notre Dieu peut agir parfois de pareille manière encore aujourd’hui. Il appelle aussi personnellement certains de ses enfants à aller évangéliser et à enseigner la Parole ailleurs que chez eux. A vrai dire, il vaut mieux ne pas attendre la persécution pour se mettre en route ! Heureusement que Barnabas et Saul ont reconnu l’appel personnel du Saint-Esprit pour aller plus loin qu’Antioche afin de fonder de nouvelles Eglises ! Il devinrent ainsi l’exemple classique des « appelés en mission ». Pourtant, lors de leur appel, l’Eglise d’Antioche avait certainement encore besoin d’enseignement. Toutefois, vaillamment – et peut-être un peu tristement – les docteurs et prophètes d’Antioche ont reconnu la vocation de Barnabas et Saul et « les laissèrent partir ».

 

 

Besoin n’est pas nécessairement appel

 

Le besoin ne doit pas être confondu avec l’appel. De grands besoins existent partout – nécessité d’évangéliser les non-convertis, d’édifier et d’enseigner les chrétiens, de structurer les Eglises – mais constater qu’un besoin existe ne signifie pas obligatoirement que la personne qui le reconnaît est appelée à y répondre. Il s’agit pour chaque chrétien d’écouter et de faire ce que lui dit son Maître.

 

Si donc Dieu me dirige dans un pays qui n’est pas le mien, moi, je m’exécute. Si un croyant reçoit un appel de Dieu pour quitter son travail séculier afin de le servir à plein temps, il obéit. Le Maître de la moisson envoie les ouvriers dans la moisson. Lui sait qui envoyer et .

 

 

L’appel missionnaire passe par l’Eglise locale

 

Cependant, quand Dieu appelle un chrétien à le servir d’une façon spéciale – parfois « à plein temps », comme on dit -l’affaire ne se traite pas uniquement entre le Divin Patron et son ouvrier. Les responsables du foyer spirituel du futur ouvrier, c’est-à-dire de son Eglise locale, jouent aussi un rôle important. Nous le constatons en Actes 13 : le Saint-Esprit dit aux responsables : « Mettez-moi à part Barnabas et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai (déjà) appelés » (verset 2). Le missionnaire futur devrait donc, lors de son appel, se dire : « Cette direction divine que je sens, sera-t-elle confirmée par les anciens de mon Eglise ? Qu’en penseront-ils ? » Et le jeune de s’entretenir avec eux.

 

Aujourd’hui dans notre société moderne, avec des missions devenues « employeurs » par la force des choses et les annonces de postes libres publiées dans certains journaux chrétiens, le rapport entre l’église locale et l’appelé en mission ne se déroule pas toujours bien. L’assemblée n’a pas non plus toujours la vision d’envoyer « son » missionnaire, (« ça pourrait nous coûter cher ! ») et le jeune appelé préférerait peut-être se sentir libre pour mener son affaire comme il l’entend. C’est ainsi que les assemblées se trouvent plutôt soulagées quand elles constatent qu’une mission veut bien embaucher « l’un de ses jeunes ».

 

Tout en étant très reconnaissant pour les missions organisées et pour tout ce qu’elles font pour la gloire de Dieu, leurs solutions ne sont pas nécessairement signe que la volonté de notre Père s’accomplit, ni que l’action entreprise est basée sur les principes de la Parole de Dieu.

 

 

Rapports entre missionnaire et Eglise locale

 

II serait nécessaire de définir quelque peu le rapport futur entre l’envoyé de Dieu et son assemblée locale. Jusqu’où doit aller ce contact ? De toute évidence, cela doit être plus que… « Et on priera bien pour vous, cher ami », bien que le soutien dans la prière soit primordial. Combien de fois Paul n’a-t-il pas réclamé l’intercession des croyants à qui il écrivait pour l’oeuvre que Dieu lui avait confiée !

 

Mais d’autres questions se posent. Les anciens de l’Eglise locale ont-ils le droit d’intervenir dans l’oeuvre du missionnaire opérée à l’étranger ? (Les prophètes et docteurs d’Antioche ne l’ont pas fait pour Barnabas et Saul). Est-ce que l’Eglise locale est responsable financièrement du frère ou de la sœur envoyé(e) ? (L’Eglise d’Antioche n’a pas porté entièrement cette responsabilité). De toutes manières, une confiance mutuelle très profonde doit s’établir entre le missionnaire et l’Eglise qui l’envoie, bien qu’il ne s’agisse pas d’un vrai « contrat de travail » avec, par exemple, les sanctions accompagnantes des contrats d’embauché de nos temps modernes en cas de rupture. Dieu est le patron et non pas l’Eglise.

 

La bonne et heureuse confiance mutuelle entre le missionnaire et son Eglise locale se traduira par de bons et de fréquents rapports de part et d’autre – ce qui est assez facile aujourd’hui avec nos moyens sophistiqués de communication. Puisque les voyages sont aussi relativement faciles – mais pas toujours bon marché ! – il serait normal, comme Paul l’a fait lui-même, de « rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux » d’une manière régulière et de vive voix (voir Actes 14.27).

 

 

Conclusion

 

Par manque d’enseignement biblique concernant la mission à l’étranger, il pourrait exister deux ou trois points faibles dans la stratégie missionnaire de nos assemblées :

 

a) les membres de nos églises, surtout les jeunes, ne songent pas suffisamment à la possibilité d’un appel de Dieu à le servir outre-mer et ne se préparent donc pas pour une telle éventualité.

 

b) l’assemblée locale est tellement préoccupée dans le travail d’évangélisation dans sa ville, qu’elle oublie de lever les yeux et de regarder d’autres champs plus loin (Jean 4.35). 1

 

c) par conséquence, les anciens, ne s’attendant pas à ce que le Seigneur de la moisson, appellent un des leurs comme ouvrier dans sa moisson, ne reconnaissent pas facilement l’appel de Dieu chez un membre de l’Eglise, ou encore, ne sentent pas venir cet appel, alors que de vrais conducteurs du troupeau devraient le discerner.

 

La responsabilité des anciens est donc d’enseigner régulièrement dans nos assemblées les principes bibliques de la mission.

 

P.W.


NOTE

 

1. : Et pourtant une étude de l’histoire de l’Eglise révèle que continuellement, à travers les âges, de grandes bénédictions ont souvent accompagné les prédicateurs de l’Evangile qui ont annoncé la Parole dans un pays où ils étaient étrangers. Nous pensons surtout à l’apôtre Paul, mais aussi aux missionnaires modernes (William Carey, Hudson Taylor, Charles Studd, etc.), pour ne pas parler de Patrick d’Irlande, de Colomban, de Boniface et de bien d’autres au Moyen-Age.