Comment prier en public ?

 Réunion de prière

 

par Charles Spurgeon

 

 

Un premier écueil à éviter dans la prière publique, c’est le fait d’avoir trop en vue l’auditoire et de prier dans le but de lui plaire. Gardons-nous de faire de la prière une forme indirecte de sermon ; les belles prières sont souvent de mauvaises prières.

 

Quand nous sommes en présence de l’Eternel des armées, il ne nous sied pas d’ornementer notre style pour nous attirer des approbations humaines. Nos prières doivent avoir Dieu directement pour objet ; nous ne devons songer à nos auditeurs que pour nous faire les interprètes de leurs besoins spirituels et pour les présenter au Seigneur.

 

Evitons aussi dans nos prières toute trivialité. Il suffit souvent, en pareil cas, d’un petit avertissement amical, donné à propos, pour prévenir le retour des images un peu risquées.

 

Un troisième danger à signaler, c’est la répétition fastidieuse d’un trop grand nombre de termes exprimant l’idée de supplication ou d’adoration. Lorsqu’on entend revenir constamment : Seigneur, cher Sauveur, cela fait tache. Une pareille habitude est une violation inconsciente des commandements de Dieu, interdisant de prendre son nom est vain, et nous ne devons jamais le prononcer dans le seul but de suppléer aux mots qui nous manquent.

 

Homme en prièrePrions avec sérieux, et de tout notre coeur. Il n’y a rien de pire que la prière somnolente : quelle triste préparation au discours, et quoi de plus propre à dégoûter les gens du culte ! Soyez, en priant, tout à votre affaire et efforcez-vous d’entraîner à votre suite toute l’assistance jusqu’au trône de Dieu, comme par une attraction divine, en vous faisant l’organe de tous ces coeurs qui battent à l’unisson et sont pleins d’une ferveur céleste.

 

Aux conseils qui précèdent, j’en ajouterai encore un : ne priez pas trop longuement. « Si vous priez avec ferveur, a dit quelqu’un, soyez court, parce que ceux qui vous entendent sont incapables de vous suivre longtemps sur les hauteurs d’une spiritualité aussi élevée ; et si votre prière est froide, soyez court également, de peur de fatiguer ceux qui vous écoutent. »

 

Whitefield disait un jour, en parlant d’un prédicateur, « qu’il lui avait fait du bien par sa prière, et qu’elle eût été excellente s’il s’était arrêté à temps ; mais que malheureusement, en parlant trop longtemps, il lui avait fait perdre patience. » Les longues prières, pleines d’explications oiseuses au sujet de ce que Dieu demande ou n’exige pas, dégénèrent souvent en sermons indirects.

 

Il n’est pas nécessaire de citer dans les prières des textes de l’Ecriture sainte, de faire intervenir David, Daniel, Job, saint Paul et saint Pierre, et de prolonger notre oraison jusqu’au moment où chacun est impatient d’entendre prononcer l’amen final. Ce qui produit aussi un fâcheux effet, c’est d’avoir l’air de finir, alors qu’on prend de nouveau son élan pendant cinq nouvelles minutes ; il n’y a rien de plus maladroit et de plus déplaisant qu’une pareille manière d’agir.

 

Fuyez aussi la tentation qui consiste à produire en priant, par des procédés artificiels, une explosion de ferveur dans l’assemblée ; ne vous efforcez pas de paraître pleins d’onction, et si vous êtes froids et mal disposés, dites-le au Seigneur en lui demandant une mesure nouvelle de vie ; vouloir simuler un divin enthousiasme est le pire de tous les mensonges.

 

Un dernier conseil que je vous donne, c’est de préparer vos prières. Il ne faut pas, sans doute, les écrire et les apprendre par coeur, car mieux vaut alors se servir d’une liturgie ; mais il y a une autre manière de se préparer, c’est de se pénétrer à l’avance du caractère solennel de cet acte, de méditer sur les besoins de l’âme humaine et de se remettre en mémoire les promesses de Dieu. Cela vaut mieux, en tout cas, que de paraître en sa présence comme au hasard, et de nous précipiter au petit bonheur devant son trône.

 

C.S.