Editorial du n°1 : Janvier-Février 1989

 

Ils prennent ton nom pour mentir

 

Par Francis BAILET

 

Après avoir agité les Etats-Unis et bouleversé la France, la tempête déclenchée par le film de Martin Scorcese, « La dernière tentation du Christ », semble devoir s’apaiser. Je n’ai pas vu ce film, et je me garderai d’aller le voir. Je ne tomberai pas dans le piège de ceux qui disent : « Vous ne pouvez pas parler de ce que vous n’avez pas vu ». Est-il nécessaire, en effet, de boire du poison pour découvrir qu’il est dangereux ? Est-il nécessaire de toucher au mal pour apprendre à s’en détourner ?

 

 

On a beaucoup écrit sur ce film. Ceux qui l’ont vu, qu’ils en soient les défenseurs ou les critiques désapprobateurs, en ont dit assez pour donner la conviction, à ceux qui connaissent le Christ des évangiles, que « Son Nom est pris pour mentir et qu’on parle de Lui d’une manière criminelle » (Psaume 139.20). Ils savent aussi, ceux qui connaissent Jésus-Christ et l’aiment, que ce n’est pas la première fois que le Nom de leur Sauveur bien-aimé est ainsi bafoué. La parole prophétique l’avait déclaré : « II serait le sujet des refrains des chansons des ivrognes » (Psaume 69.13). « II serait dédaigné, méprisé, on ne ferait de lui aucun cas » (Esaïe 53).

 

Ils savent encore que le pardon de Dieu est possible aujourd’hui, pour tous les hommes, parce que Jésus-Christ a été maltraité, opprimé, mis à mort sur la croix. Il s’est offert volontairement, par amour pour nous tous. Pourtant, ils sont nombreux ceux qui récitent encore : « Ils ne l’ont pas crucifié, ils ne l’ont pas crucifié ».

 

Les apôtres ont témoigné avec force de la Résurrection de Jésus-Christ. Pourtant on a osé écrire qu’ils ne l’ont pas vraiment dit, que les évangiles le déclarent du « bout des lèvres ».

 

Bien que les droits de l’homme soient encore bafoués en beaucoup d’endroits, notre temps est celui où l’on revendique tous les droits : le droit à la critique, mais aussi le droit à l’hérésie ; le droit d’être scandalisé, mais aussi celui de dire que le roman de Kazantsaki n’est en rien choquant ; le droit de publier le mensonge et le droit d’appeler le mal bien et le bien mal.

 

La méconnaissance de la vérité ouvre la porte au mensonge. On croit connaître le Jésus des évangiles, mais on le connaît mal, parce qu’on l’a mal appris de ceux qui l’ont mal enseigné. Ceux qui savent que Jésus-Christ est « saint, sans péché, séparé des pécheurs », ont de la peine à supporter que Son Nom soit ainsi blasphémé. Comment n’auraient-ils pas du dégoût pour ceux qui salissent ainsi le Nom de leur Seigneur ? Comme le psalmiste, ils auraient envie de dire : « Je les hais d’une parfaite haine, ils sont pour moi des ennemis » (Psaume 139.22). Mais la voix de l’Esprit va dominer et faire taire la voix de la chair. L’Amour de Dieu va effacer la haine pour dire aussi comme leur Maître crucifié : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Parce qu’ils aiment la vérité, ils savent aussi prier avec humilité : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur ! Eprouve-moi, et connais mes pensées ».

 

Le cœur des chrétiens n’est pas meilleur que celui des autres hommes, mais le Christ y habite par la puissance du Saint-Esprit. Toute la différence est là.

 

Francis BAILET