Singapour — Janvier 1989

 

Consultation sur l’évangélisation du monde pour l’an 2000

 planete

 

par Michel Evan


 

II y a cent ans, plusieurs responsables d’oeuvres et de sociétés missionnaires se sont réunis à Londres en vue de coordonner leurs efforts afin de répandre le message de l’Evangile dans le monde entier pour l’an 1900 ! Tout en reconnaissant quelques résultats notoires avant (et après !) l’an 1900, entre autres les grandes campagnes d’évangélisation de Dwight L. Moody, les efforts missionnaires considérables de Hudson Taylor, sans parler du mouvement remarquable des étudiants, l’un des principaux organisateurs, A.T. Pierson a déclaré : « Nous sommes contraints d’abandonner tout espoir… »

 

Pourquoi ? Même si à l’époque il y avait moins de moyens techniques et logistiques qu’aujourd’hui, les raisons principales étaient :

 

1) L’opposition pour des raisons exégétiques ou théologiques de la part de quelques théologiens influents.

 

2) La difficulté de promouvoir parmi les responsables à divers niveaux une collaboration pratique tout en tenant compte d’une autonomie légitime et nécessaire.

 

3) La difficulté par conséquent de mobiliser le peuple chrétien afin qu’il prenne conscience de la tâche, des besoins et de son rôle !

 

Or la consultation qui vient de se dérouler à Singapour du 5 au 8 janvier a réuni plus de 300 responsables d’unions d’Eglises, d’oeuvres et de sociétés missionnaires venant de plus de 50 pays différents — toutefois la majorité venait des pays du tiers-monde — avec comme thème : l’Evangélisation du monde pour l’an 2000…et au-delà !

 

Cette consultation n’était pas :

 

1) Une rencontre de personnes représentant officiellement leurs organismes mais un groupe de « leaders » connus pour l’intérêt qu’ils portaient à l’évangélisation du monde.

 

2) Une conférence avec des orateurs connus, mais plutôt une consultation où le travail s’est fait essentiellement en petits groupes autour de documents préparés à l’avance par une équipe de chercheurs et de statisticiens.

 

3) Une rencontre qui propose ou impose une ligne d’action à « exporter » dans les pays et ethnies représentées.

 

4) Une rencontre sentimentaliste ou triomphaliste qui aurait cherché à donner un sens eschatologique à l’idée d’atteindre le monde pour l’an 2000.

 

Mais elle était :

 

Hommes en prière1) Un lieu où un temps important était consacré à la prière collective et spontanée car seule l’action souveraine de Dieu par son Saint-Esprit peut accomplir une oeuvre spirituelle et durable dans notre monde.

 

2) Un temps de réflexion autour de documents missiologiques intéressants, quoique parfois un peu vagues ; il manquait un glossaire donnant une définition des termes nouveaux ou anciens mal employés. Pendant ces temps de réflexions il y avait à la fois un regard sur le passé — pourquoi certains plans ou stratégies du passé, ont-ils échoué (300 pistes de réflexion !) ?… mais aussi un regard vers l’avenir: que faut-il faire, quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour que le monde soit effectivement pénétré par le message de l’Evangile — 114 recommandations !

 

3) Un temps pour constater les grandes tendances dans l’évangélisation de ces dernières années et qui nous permettent de discerner une action conquérante du Saint-Esprit.

 

Parmi ces tendances citons :

 

a) la naissance et la croissance spontanées, non organisées, d’Eglises dans beaucoup de pays du tiers-monde.

 

b) le nombre de campagnes d’évangélisation sur le plan régional ou national qui ont comme conséquence, non seulement des conversions, mais aussi des résultats accessoires importants : la collaboration entre chrétiens, le fait d’être présentés par les médias…

 

c) les congrès et conférences sur l’évangélisation qui à divers niveaux (ecclésiastique, national, régional, ou même international comme ceux de Berlin et de Lausanne, sans parler des deux congrès pour évangélistes à Amsterdam avec l’association Billy Graham) ont sensibilisé et contribué a la croissance de l’activité missionnaire.

 

d) les moyens techniques :

  • près de 10000 nouveaux livres d’évangélisation, ou traitant d’évangélisation ou de mission, sont publiés chaque année en diverses langues !

  • les films, la radio, les cassettes…

 

e) le développement de stratégies cohérentes et réalistes s’étalant sur 20 ou 30 années pour atteindre des peuplades, ethnies ou pays.


4) une occasion d’écouter quelques études de cas très variés et qui nous renseignaient sur des travaux actuellement en cours pour atteindre les ethnies, les pays, les continents et le monde.

 

a) L’une des études les plus saisissantes fut celle présentée par M. Ron Cline sur l’utilisation des médias et notamment de la radio. Il a relaté avec beaucoup d’humour et de réalisme la difficile décision des principales oeuvres radiophoniques de collaborer ensemble pour que chaque habitant du monde puisse écouter convenablement le message dans une langue qu’il comprenne.

 

Or Trans World Radio (TWR), Radio Elwa, la Far East Broadcasting Association (FEBA) et Radio Quito ont effectivement décidé de collaborer pour mettre ensemble leurs ressources ; ne pas faire double emploi, mais réfléchir à qui doit s’attaquer à tel ou tel travail, etc… un bel exemple !

 

b) Par ailleurs le cas des Philippines a été cité. En 1974 les responsables de 75 unions d’Eglises et Missions se sont réunis alors qu’à l’époque il y avait 4000 Eglises dans le pays ! Ils ont établi comme objectif d’avoir 50 000 Eglises en l’an 2000 pour que sur cet archipel de plus de 700 îles chacun puisse finalement avoir accès à une Eglise. En 1980 plus de 500 responsables se sont réunis à nouveau et ont confirmé cet objectif en ajoutant celui de voir 2000 missionnaires de plus engagés dans la tâche dans les mêmes délais.

 

En 1988 une consultation pour évaluer le progrès a constaté que depuis 1975 le taux de croissance de l’Eglise avait doublé – de 5 % à 10 % par an — et que tout prêtait à croire que l’objectif serait atteint. A la fin de 1984 il y avait déjà 10 000 Eglises avec en plus 5000 autres en formation !

 

5) Un temps où on nous a obligés à réfléchir par continent ou par pays à nos objectifs pour l’évangélisation de notre secteur, et où il est apparu indispensable de promouvoir la coopération à divers niveaux pour l’évangélisation, tout en respectant la légitime autonomie des Eglises avec leurs diversités et leurs options théologiques.

 

Tout en appréciant cette consultation il y avait, à mon sens, quelques faiblesses dues, le plus souvent, à une tendance à des généralisations dangereuses (selon les graphiques établis par David Barret auteur de la World Christian Encyclopedia, la France, puisqu’elle est christianisée, se trouve dans le monde évangélisé !) ; une simplification à l’égard des problèmes importants à surmonter pour que l’Evangile pénètre d’autres pays en tenant compte des sensibilités culturelles.

 

Toujours est-il que cette consultation est effectivement une étape importante dans la réflexion missiologique et va être abordée dans une séance plénière du Congrès International sur l’Evangélisation du Monde qui doit avoir lieu à Manille du 11 au 20 juillet prochain.

 

L’un des principaux organisateurs de cette consultation, Thomas Wang, qui est le directeur international du Comité de Lausanne et du congrès de Manille a déclaré :

 

« Le prochain chapitre de l’histoire de l’Eglise est à écrire. Son contenu dépendra de ce que nous ferons ou omettrons de faire. Or l’obstacle principal à l’évangélisation du monde ce ne sont ni les finances, ni les structures, ni les moyens, mais notre égoïsme, notre tendance a bâtir nos propres empires, notre orgueil et nos préjugés. Il est temps, grand temps de régler nos problèmes, de nous regarder en face, de discuter et de nous mettre en 4ème vitesse ! »

 

Si jamais un jour on doit écrire une histoire de l’économie mondiale, il est incontestable que la période que nous vivons sera décrite comme celle où le développement le plus important était la création de sociétés multinationales. Pénétrer les marchés internationaux serait une impossibilité autrement.

 

Les « leaders » de ces sociétés passent beaucoup de temps à réfléchir comment créer des structures qui permettent une collaboration heureuse, fructueuse et cela sans trahir les lois juridiques et fiscales des pays concernés.

 

Dans d’autres domaines tel l’Organisation Mondiale pour la Santé (avec le slogan « l’eau potable pour tous pour l’an 2000 ») ou l’Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation (avec comme slogan « pour chacun la nourriture adéquate pour l’an 2000 ») on recherche la collaboration des meilleurs penseurs et stratèges…

 

Si notre « marché » est le monde, il nous faut investir du temps et de l’énergie dans une réflexion qui nous permettra d’aboutir aux objectifs du Seigneur pour le monde.

 

Ephésiens 3.20-21 : « Or, à celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l’Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles ! Amen ! »

 

M.E.