interview

 

La paléoanthropologie

 

 

Par Alain Lombet – Propos recueillis par Reynald Kosycki

 

dialogue3Pouvez-vous nous dire en quelques mots les différents domaines de recherche dans lesquels vous avez travaillé ?

 

Je suis biochimiste et chercheur en pharmacologie, spécialiste des questions de bioéthique et passionné de géologie et de paléontologie depuis ma jeunesse. Après une thèse portant sur l’action des toxines sur le système nerveux, je me suis orienté vers la recherche de médicaments pouvant soigner diverses maladies d’origine nerveuse ou cardiaque. Je travaille actuellement sur certaines pathologies cardio-pulmonaires.

 

dialogue3Nous savons que vous suivez de près l’actualité paléoanthropologique par intérêt et pour les conférences que vous donnez. Comment décririez-vous, en simplifiant, les découvertes récentes sur l’origine de l’homme selon les données scientifiques communément admises ?

 

L’actualité cinématographique avec le film « Ao, le dernier Néandertal » de Jacques MALATÈRE, nous plonge au coeur de la question des origines de l’homme et de ses différentes espèces. Le film nous montre que plusieurs espèces humaines ont coexisté dans un passé « proche » pour la géologie de -43 000 à – 30 000 ans : l’homme de Néandertal (Homo neanderthalensis) et l’homme moderne, l’homme de Cro-Magnon (Homo sapiens). Ce film est basé sur les dernières découvertes et fouilles des paléontologues de divers pays. D’autres découvertes récentes en Indonésie indiquent qu’à cette même époque une autre espèce humaine (Homo floresiensis) vivait aussi dans cette partie du monde.

 

Dans un passé plus lointain, d’autres espèces plus anciennes du genre Homo sont apparues, il y a 2 à 3 millions d’années (H. ergaster, H. habilis, H. erectus dont dériverait H. floresiensis, H. antecessor, H. heidelbergensis dont dériverait H. neanderthalensis). Elles se sont toutes éteintes.

 

En effet, aujourd’hui, il n’existe qu’une seule espèce humaine – Homo sapiens – qui vit et recouvre la terre entière. Cette espèce qui est la nôtre est née en Afrique, il y a 150 000 à 200 000 ans. Les études de génétique des populations et les récentes analyses de biologie moléculaire par séquençage de l’ADN des gènes mitochondriaux – lignée féminine – et des gènes du chromosome Y – lignée masculine – concordent pour indiquer qu’Homo sapiens tire son origine unique d’un homme et d’une femme ayant vécu il y a 150 000 à 200 000 ans.

 

La dispersion d’Homo sapiens s’est alors faite à partir de ce continent et a atteint son apogée entre –50 000 et –35 000 ans en Europe. C’est à ce moment qu’Homo sapiens rencontre Homo neanderthalensis. Mais il semble, d’après le séquençage du génome d’Homo neanderthalensis, qu’il n’y a eu que très peu de croisements avec Homo sapiens malgré une coexistence pendant environ 12 000 ans. Bien que possédant 99,7 % de gènes en commun, on ne trouve trace que de seulement 2 à 4 % de mélange possible entre les 2 espèces ; ce qui montre une très faible probabilité d’hybridation entre ces 2 espèces distinctes.

 

Puis brusquement vers –30 000 ans, Homo neanderthalensis disparaît de la surface de la Terre sans que l’on sache aujourd’hui pour quelle raison. C’est donc Homo sapiens seul qui va conquérir et remplir toute la planète.

 

Une seconde dispersion suivra les mêmes voies terrestres à partir du Moyen-Orient vers l’Europe au néolithique (-12 000 à -6 000 ans) au moment de la sédentarisation avec l’apparition de l’agriculture et de l’élevage. La terre va alors se remplir de plus en plus (6,5 milliards d’Homo sapiens aujourd’hui).

 

dialogue3Nous connaissons aussi votre attachement à la Bible. Comment situeriezvous Adam dans l’histoire de l’homme ?

 

Le chapitre 1 du livre de la Genèse nous indique la création de l’homme au 6e jour et Dieu lui ordonne alors de remplir la terre et de l’assujettir. Le parallèle peut être fait avec la première dispersion du paléolithique récent, vue précédemment. Genèse 2 vient ensuite avec une reprise plus détaillée de la création de l’homme avec Adam et Ève, « Homo theologicus » créé à l’image de Dieu, insufflé de son Esprit et en relation avec son créateur. Il est à noter (Gn 4.2) que leurs enfants Caïn et Abel sont respectivement cultivateur et berger-éleveur. Nous voilà en pleine période néolithique. Je situerais donc Adam à cette époque (-12 000 à -6 000). Dieu a choisi parmi les hommes (Homo sapiens) un homme particulier Adam pour être son « porte- Parole » auprès des autres hommes.

 

Un courant « néo-évangélique » commence à nier l’historicité d’Adam. Quelle est votre position sur ce point ? Pensez-vous que la « chute » soit un fait historique ?

 

La chute rapportée en Genèse 3 a eu lieu dans l’histoire d’Adam. Comme il est lui-même un homme qui a vécu dans l’histoire de l’humanité qui est la nôtre, on peut donc affirmer que la chute est un fait historique. Ainsi, par désir effréné d’autonomie, Adam va rejeter la grâce de connaître son créateur et de rentrer dans le plan que Dieu a conçu pour l’humanité (l’homme est une créature hétéronome1). C’est la mort spirituelle qui le prive de la vie éternelle et le jette hors du jardin d’Éden, lieu de la présence de Dieu.

 

Dieu se choisit alors un peuple – Israël – parmi les autres peuples pour porter sa Parole au monde, mais ce peuple rejettera aussi cette mission. Alors Dieu envoie son Fils afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle.

 

Ainsi son plan se réalise au travers de l’Église, le peuple des hommes qui ont choisi de rester hétéronomes sous la grâce de Dieu.

 

Propos recueillis parReynald Kozycki


NOTE

 

1. Ndlr : Qui obéit à des lois extérieures, qui n’est pas autonome.