Le magistrat,

 

un serviteur de Dieu ?

 

Par Robert Souza

 

Qu’évoquent pour nous les mots juge et magistrat ? On pense à tribunal, verdict, peine, justice, acquittement ou condamnation

 

 

 

 

 

 

Pour l’apôtre Paul, magistrat évoque d’abord autorité au service de Dieu pour notre bien : « Les chefs, en effet, ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais le bien, et tu auras son approbation, car elle est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains, car ce n’est pas pour rien qu’elle porte l’épée : elle est en effet au service de Dieu pour faire justice, pour la colère, contre celui qui pratique le mal. C’est pourquoi il est nécessaire d’être soumis – non seulement à cause de la colère, mais encore par motif de conscience. » Romains 13.3-5

 

Les versions Segond et Semeur emploient le mot magistrat dans ce contexte. D’autres traductions récentes préfèrent s’en tenir à autorité (sens habituel du mot grec utilisé). Mais il serait difficile de contester le fait que l’apôtre Paul fait référence ici à l’autorité judiciaire. Pour comprendre ce que Paul entend par au service de Dieu pour faire justice, nous devons nous tourner d’abord vers la mise en oeuvre de ce principe en Israël et donc vers les textes qui régissaient la vie judiciaire à partir de l’époque de Moïse.

 

 

Les affaires judiciaires en Israël

 

Submergé par les litiges qu’on lui demandait de juger, Moïse délègue le travail de juge de paix à soixante-dix anciens1. Plus tard, c’est le roi qui deviendra le dernier recours du justiciable, mais plusieurs textes suggèrent que les affaires courantes continuent à être jugées par les anciens qui se réunissent à la porte de chaque ville2. Les qualités exigées de ces juges sont l’équité, l’impartialité et le souci de la réparation. L’équité doit se manifester par un engagement à justifier les innocents, à les acquitter, bien évidemment, mais aussi à rétablir leur honneur. En même temps, le respect de l’équité implique de sanctionner le coupable. Lorsque des hommes qui ont un litige comparaissent pour être jugés, on acquittera l’innocent et on condamnera le coupable3.

 

L’impartialité s’appuie d’abord sur l’incorruptibilité. Le juge n’accepte ni présents ni « renvois d’ascenseur » pour favoriser les puissants4. Mais l’impartialité exige aussi le refus de tout sentimentalisme qui inclinerait à être plus clément pour les moins fortunés : Tu ne favoriseras pas le pauvre dans son procès5. On établit comme juges des personnes qui manifestent de la sagesse et de l’intelligence (indispensables à la recherche de la vérité) et qui sont respectées par leurs pairs6.

 

Mais la disposition de coeur la plus importante pour dispenser la justice en Israël est sans aucun doute la crainte de l’Éternel qui sous-tend et nourrit toutes les autres qualités recherchées.

 

Dans la pratique, les abus seront nombreux et souvent dénoncés par les prophètes : Écoutez… magistrats de la maison d’Israël, vous qui avez l’équité en abomination et qui tordez toute droiture…7

 

 

Les affaires judiciaires dans le Nouveau Testament

 

Dans les évangiles et le livre des Actes, nous trouvons des reportages qui décrivent le déroulement de différents procès : Jésus face au sanhédrin, à Pilate ou à Hérode ; les apôtres ou Étienne devant le sanhédrin ; Paul et ses démêlées avec les magistrats de Philippes, sa comparution devant Félix ou Festus.

 

La lecture de ces comptes rendus nous laisse avec la très forte impression que toutes ces instances judiciaires fonctionnent de façon terriblement imparfaite. Les faux témoignages ne sont pas rares, les entorses au droit sont nombreuses et des innocents sont condamnés ! Par ailleurs, le livre de l’Apocalypse met en scène des autorités devenues tyranniques, qui renient leur vocation première et donc le service de Dieu pour le bien de tous8.

 

Lorsque nous abordons les recommandations de Romains 13, nous ne devons surtout pas imaginer que Paul idéalise les tribunaux ou les magistrats de son époque. Il connaît aussi bien ce que les juges devraient être que ce qu’ils sont en réalité.

 

 

Les autorités judiciaires et nous
 

La vie en société ne peut fonctionner sans ordre et donc sans autorités. S’il fallait des juges au sein de la théocratie d’Israël, ils sont d’autant plus indispensables dans une société multiculturelle où les dieux sont légion ! Paul n’hésite donc pas à recommander aux chrétiens la soumission aux autorités – y compris judiciaires – sans lesquelles nous ne pourrions pas jouir d’un minimum d’ordre et d’un État de droit, même approximatif.

 

Certes, l’obéissance à Dieu aura toujours la priorité9. Si l’autorité judiciaire veut exiger de nous la désobéissance à Dieu, nous n’obéirons pas à cette autorité ! Mais nous nous soumettrons sans esprit de rébellion à la peine qu’elle pourra nous infliger en conséquence10.

 

Prenons donc conscience du fait que le magistrat fait partie de ceux qui occupent une position d’autorité et pour lesquels nous sommes exhortés à faire des requêtes, des prières, des supplications et des actions de grâce… afin que nous menions une vie paisible et tranquille, en toute piété et en toute dignité11. Nos magistrats subissent des pressions, ils sont soumis à des tentations – et submergés par de trop nombreux dossiers. Il est facile de les critiquer. La Parole de Dieu nous incite à prier pour ceux qui sont (qu’ils le veuillent ou non) au service de Dieu pour faire justice.

 

« Seigneur, que nos juges – ceux qui te craignent et ceux qui ne te craignent pas – soient équitables, impartiaux, honnêtes, sages et intelligents, pour rechercher la vérité et rendre la justice, autant que cela soit possible ! Amen ! »

 

R.S.


 

NOTES

 

 

 

1. Exode 18.13-26

 

2. Par exemple : 2 Chroniques 19.4-11 ; Ruth 4.1-12.

 

3. Deutéronome 25.1

 

4. Ex 23.6-8 ; Lv 19.15 ; Dt 1.17 ; 16.19

 

5. Exode 23.3

 

6. Deutéronome 1.13

 

7. Michée 3.9

 

8. On pense aux souffrances de l’église de Smyrne et à la bête du ch. 13 qui fait la guerre aux saints.

 

9. Actes 4.19 ; 5.29

 

10. 1 Pierre 4.12-19

 

11. 1 Timothée 2.1-4udre