panneauLE TIRAILLEMENT

 

INTÉRIEUR

 

en Romains 7.7-25

 

 

Par BRUNO LICCIARDI1

lucciardi

 

L’énigme du tiraillement

 

Ce passage des Écritures commence par une question provocante de l’apôtre : La Loi est-elle péché ? Paul y répond par un non catégorique : Loin de là ! Mais pourquoi une telle question ? C’est parce qu’il vient juste d’écrire : car, lorsque nous étions dans la chair, les passions des péchés provoquées par la Loi agissaient dans nos membres, de sorte que nous portions des fruits pour la mort (7.5). Cette phrase est, de prime abord, surprenante, car elle affirme en particulier que la loi provoque les passions des péchés. Ce verbe provoquer, bien qu’il soit absent du texte grec, montre la part troublante que prend la loi chez celui qui y est soumis.

 

 

L’origine du tiraillement

 

La Loi, c’est-à-dire la Loi de Dieu (v. 22, 25), est sainte, et le commandement est saint, juste et bon (v. 12). Elle exprime la volonté morale parfaite de Dieu, ainsi que sa justice et sa sainteté. L’homme qui y obéit est béni. Elle a été donnée aux hommes pour leur bonheur et non pour leur malheur. La lecture du Psaume 119 nous en convainc largement : Heureux ceux qui sont intègres dans leur voie, qui marchent selon la voie de l’Éternel ! (v. 1s). Le psalmiste se réjouit même de la Loi de Dieu (v. 111). Et il n’est pas le seul ; Paul écrit aussi en Romains 7 : Je prends plaisir à la Loi de Dieu (v. 22).

 

Et pourtant, il y a un problème. Se soumettre à la Loi de Dieu devrait combler le fidèle. Mais, malheur, le commandement qui conduit à la vie se trouva pour moi conduire à la mort (v. 10) : c’est là, probablement, le témoignage de Paul avant sa conversion, lorsqu’il s’appelait encore Saul. Dans les versets 7-13, l’apôtre raconte son vécu avant de connaître la justification par la foi en Christ. En effet, les temps des verbes sont au passé. Il parle d’abord de sa jeune enfance, avant sa bar-mitsva : pour moi, étant autrefois sans loi (v. 9a). Puis le commandement vint (v. 9b) : à douze ans, Saul est alors soumis aux observances légales et devient fils de la loi. Alors commença en lui une lutte qu’il décrit ainsi : le péché, saisissant l’occasion, produisit en moi par le commandement – tu ne convoiteras pas – toutes sortes de convoitises (v. 8), avec comme conséquence tragique : la mort (v. 10), qui est le salaire du péché (6.23a).

 

Cependant, la Loi de Dieu n’est pas fautive. Le premier responsable est le péché. Ce n’est pas la loi qui est la cause de mort, mais le péché, comme l’affirme l’apôtre (v. 13). Dans notre passage, Paul en parle comme s’il s’agissait d’une personne. Le péché se sert du commandement divin pour s’opposer à son application dans la vie du fidèle (v. 8). Il produit la désobéissance à la Loi de Dieu. Il reprend vie (v. 9) grâce à la loi ; car sans elle, il est mort (v. 8b). Paul utilise chronologiquement les termes de mort et de vie, dans cet ordre, concernant le péché. Entendons-nous bien ! Excepté Jésus, tout être humain, depuis la Chute, naît dans l’iniquité, est conçu dans le péché (1 Jn 3.5 ; cf. Ps 51.7). Mais le péché est un peu comme un volcan qui, même s’il sommeille, est actif dans les profondeurs de la terre. Puis vient le moment de son réveil, et c’est l’éruption, avec ses nuées ardentes ou la lave dévalant ses pentes, qui provoque la mort de tout ce qui se trouve sur le passage de ces retombées volcaniques. Il en est de même du péché, particulièrement de la convoitise, source des passions et des désirs de la chair. Il est présent en chaque être humain, dès sa conception, mais en sommeil (mort). Quand vient le commandement, il se réveille (reprend vie).

 

L’apôtre Paul bâtit son raisonnement à partir du dernier des dix commandements (Ex 20.17). La première partie du Décalogue contient quatre commandements qui rappellent le respect dû à Dieu et à tout ce qui lui appartient : sa personne, son culte, son nom, son jour. La seconde partie développe le respect pour la vie du prochain, Enfin, le dernier commandement montre que ce respect doit régler non seulement la conduite extérieure, mais encore les sentiments du coeur. C’est pourquoi le dixième commandement est, plus que les neuf autres, exigeant dans son application. Il pose à tout homme de redoutables problèmes, même si ce dernier se garde de blasphémer, de tuer ou de voler. Et c’est surtout à cause de cela que Paul a connu en lui une lutte spirituelle difficile.

 

Mais ce commandement n’est pas la seule raison de ce dur combat spirituel. Dans les versets 14-25 de notre texte, l’apôtre évoque l’impuissance de la nature humaine, c’est-à-dire de la chair. En effet, il affirme être charnel, vendu au péché (v. 14). Il écrit aussi : ce qui est bon, je le sais, n’habite pas en moi, c’est-à- dire dans ma chair (v. 18). Notons que c’est surprenant de la part de quelqu’un qui a reçu l’Esprit. La difficulté de cette section augmente quand on constate en plus que les temps des verbes sont maintenant au présent, témoignant ainsi d’une réalité durable.

 

 

tiraillement

Qui est tiraillé ?

 

Aussi s’est-on demandé de qui l’apôtre parle. Est-ce de lui-même ? Ou est-ce de l’homme en général, cherchant à avoir une bonne conscience tout en vivant les conséquences de la Chute ? Ou est-ce du Juif sous la Loi ? Ou encore est-ce d’un croyant authentique, mais qui ne connaît pas encore la vie de victoire par l’Esprit, ou qui la néglige ? Il nous paraît plus logique d’y voir une personne qui veut plaire à Dieu en tentant de satisfaire aux exigences de la Loi. Ce texte s’appliquerait en particulier au chrétien n’ayant pas ou mal saisi le « régime nouveau de l’Esprit » (7.6 ; 8.2).

 

 

La réponse à ce tiraillement

 

Quoi qu’il en soit, Paul n’évoque plus ici une expérience personnelle passée : la lutte intérieure entre le bien et le mal est réelle (v. 21-23). Il veut faire le bien, car il aime la Loi de Dieu. Mais cette volonté ne produit pas l’obéissance désirée, car le péché, se servant de la chair qui lui est soumise, lui emboîte aussitôt le pas et tue dans l’oeuf l’intention de l’apôtre. « Au moment où celui qui parle s’élance pour suivre la Loi de Dieu qui l’attire, il contemple un adversaire armé qui s’avance à sa rencontre pour lui barrer le chemin. » Paul se retrouve ainsi par la chair esclave de la loi du péché (v. 25b). D’où son appel au secours (v. 24). Mais, bonne nouvelle, un libérateur existe : c’est Jésus-Christ notre Seigneur ! (v. 25a)

 

L’apôtre Paul explique donc dans notre texte que la loi et la chair sont des agents serviles du péché contre la volonté du croyant d’accomplir la Loi de Dieu et de faire le bien. Mais, d’une part, le chrétien a été mis à mort en ce qui concerne la Loi (7.4). Et, d’autre part, Dieu a condamné le péché dans la chair (8.3). C’est dans la mort de Christ que se trouvent la délivrance et la victoire du chrétien. Et c’est aussi grâce au don de l’Esprit de Dieu que le croyant peut faire le bien. C’est un thème que l’apôtre Paul développe dans le chapitre suivant.2

 

B.L.


 

NOTES

 

1. Enseignant en lycée et ancien de l’Église CAEF de Moulins

 

2. Pour aller plus loin, voir par exemple, La Bible Annotée (AT1), le Commentaire de l’Épître aux Romains de Frédéric Godet, Romains, Commentaire biblique de Brad Dickson et l’Épître de Paul aux Romains, Tome 1, de Samuel Bénétreau.