Le dialogue ?dialogue1

 

Oui, … mais !

 

 

De nos jours, on peut parler librement de l’unité ! Un grand progrès ! Mais peut-on oser le dialogue, voire la collaboration, sans risquer, selon certains, d’ouvrir des pistes dangereuses vers des compromissions qui trahiraient la «saine doctrine» du Christ ? Et peut-on d’autre part exprimer son désaccord, refuser certaines collaborations, confesser sa foi et dire qu’il n’existe qu’une vérité sans être taxé d’esprit étroit, de fondamentaliste, de trahir le corps universel du Christ ?

 

 

Des sujets de reconnaissance

 

On peut se réjouir de voir les Eglises évangéliques, et parmi elles les CAEF, retrouver leurs liens avec l’histoire de l’Eglise, reprendre conscience que leurs racines plongent dans la Réforme et se reconnaître dans la famille protestante. En effet, on trouve dans les écrits des Réformateurs des valeurs fondamentales auxquelles nous sommes attachés : celle de l’affirmation de la pleine autorité de l’Ecriture seule (sola scriptura), de la foi seule (sola fide), de la grâce seule (sola gratia), tout cela en Christ Jésus et pour la seule gloire de Dieu (soli deo gloria), et aussi celle d’une Eglise toujours se réformant (ecclesia semper reformanda).

 

Dans ce sens, on peut se réjouir de la création du Conseil National des Evangéliques en France, un lieu privilégié de dialogue national entre Eglises évangéliques, auquel participe l’Entente Evangélique des CAEF.

 

 

Une attitude de prudence

 

Tout cela est vrai, mais ne peut cacher un certain nombre de faiblesses : les membres de nos Eglises lisent de moins en moins la Bible, leur herméneutique est parfois loin d’être rigoureuse, nos Assemblées souffrent  d’un manque de responsables formés et disponibles. Nos Eglises restent fragiles, elles sont tentées par des dérives proposant une lecture «nouvelle» de l’Evangile (Col 2.4, 8 et 20 à 23), la recherche d’une délivrance sans effort, une spiritualité assise sur l’expérience davantage que sur la Parole.

 

On ne soulignera jamais assez l’importance d’un attachement ferme et déterminé aux vérités bibliques fondamentales.

 

On doit être vigilant vis-à-vis de diverses pratiques qui s’installent dans les Eglises. Est-on suffisamment préparé à aborder certains dialogues et à envisager certaines collaborations ? Mesuret- on le risque de confusion doctrinale à plus long terme ? Est-ce que les responsables sont suffisamment armés théologiquement ?

 

 

Le besoin d’unité

 

Les réactions de minoritaire, les craintes du rejet et de l’accusation de sectaire, ne sont-elles pas des pièges ? Elles accroissent le besoin de reconnaissance, de respectabilité, le désir d’avoir pignon sur rue. Pourtant ces besoins rejoignent le désir de se montrer fraternels et ouverts. Cela s’appuie sur une affirmation de notre foi : l’unité du corps de Christ qui dépasse les étiquettes ecclésiastiques et doit pouvoir être vécue pratiquement dans les relations fraternelles et dans la communion.

 

La question qui se pose est donc de savoir comment et jusqu’où il est possible et juste de manifester cette unité.

 

Le séparatisme qui a marqué l’histoire de nos Assemblées ne devrait pas, dans un mouvement de balancier, nous entraîner à minimiser ou à gommer la nécessité de certaines distinctions ou séparations. Nos Eglises ont-elles fondamentalement besoin d’un certificat de respectabilité de la part du «monde» (Jn 15.18-20) ?

 

 

Le dialogue, mais à quel prix ?

 

dialogue-2L’unité ne peut être comprise et être vécue dissociée des autres qualités de l’Eglise, en particulier la vérité et l’amour (Ep 4.2-3 et 15).

 

L’unité souvent recherchée aujourd’hui est-elle une unité conforme à l’esprit de l’Ecriture ? Il existe un langage ambigu et d’apparence orthodoxe dans le libéralisme théologique.1 «Chacun a son image de Jésus, sa compréhension du salut, de la croix, de la résurrection, du retour de Christ, sa doctrine de l’Ecriture et sa façon de la lire, et toutes ces images et compréhensions peuvent aller jusqu’à être contradictoires, si l’on prend la peine de vérifier en allant au fond des choses.»2 «Une réflexion théologique sans fausse complaisance, qui n’a pas peur de nommer les différences, est le premier service que l’on puisse rendre à la recherche de dialogue… »3

 

De nombreux frères et soeurs ne sont pas conscients de ce besoin de réflexion et avancent dans certains dialogues sans en mesurer les conséquences. D’autres s’accommodent du pluralisme, se figurant que leur présence entraînera un changement dans les autres mouvements. D’autres encore se réjouissent de ces différences qui seraient «enrichissantes ». Ne se font-ils pas des illusions ? Car si le pluralisme peut admettre en son sein l’orthodoxie comme une vérité parmi les autres, un chemin parmi les autres, il n’en va pas de même pour l’orthodoxie, par rapport au pluralisme.

 

Il est nécessaire que les évangéliques soient sages et prudents dans les dialogues qu’ils entreprennent. Qu’ils n’occultent pas les points fondamentaux de la foi, uniquement pour sauvegarder un dialogue !

 

L’histoire montre que les unions d’Eglises ayant choisi la voie du libéralisme sont aujourd’hui des Eglises où l’appel à la nouvelle naissance, à la conscience de la nature pécheresse de l’homme et à la nécessité d’une foi vivante en Jésus-Christ seul Seigneur et Sauveur a disparu des prédications.

 

 

Un seul chemin

 

Nombreux sont nos contemporains qui considèrent que toutes les confessions chrétiennes, «au fond, c’est la même chose : n’avons-nous pas le même Dieu ?» Une telle position peut amener la confusion dans la discussion avec les autres religions monothéistes ; les musulmans n’ont-ils pas lancé l’idée d’une relation privilégiée entre «les religions du Livre», celles qui se réfèrent à l’Ancien Testament : musulmane, juive et chrétienne ?

 

Nous voulons dire ici : oui nous croyons avec les autres confessions chrétiennes au même Dieu, comme le dit le symbole des Apôtres que nous acceptons tous. Mais nous affirmons avec force : non, toutes les confessions de foi ne se valent pas. Non, il n’y a pas plusieurs vérités mais une seule. Non, nous n’acceptons pas le pluralisme de la théologie moderniste et du mode de penser de la société actuelle.

 

Nous croyons qu’il existe une vérité biblique objective qui permet de distinguer la vérité de l’erreur.

 

 

Alors, le dialogue ?

 

Oui à un dialogue qui permet une meilleure connaissance réciproque, à un échange d’informations dans le respect des personnes.

 

Oui au dialogue qui ouvre la voie à une communication entre personnes, Eglises, confessions diverses, mais à certaines conditions.

 

Oui à un dialogue qui permet de retrouver une unité spirituelle avec des frères en Christ dont on était séparé.

 

Non à un dialogue qui fait l’impasse sur les points fondamentaux de la foi biblique.

 

Il faut être toujours prêt à l’écoute, au dialogue, à se laisser questionner et réformer par l’Esprit illuminant la Parole de Dieu. Etre prêt à écouter des autres croyances en sachant discerner ce qui juste de ce qui ne l’est pas dans le respect de la personne. Mais il faut se souvenir que la limite du tolérable ne s’écarte jamais de l’oeuvre de Jésus- Christ seul Seigneur et Sauveur, de l’affirmation des grandes vérités bibliques que les premiers Réformateurs ont redécouvertes dans la Bible.

 

Commission Théologique des CAEF


NOTES

 

1. Principes d’interprétation du texte.

 

2. Cf. Paul WELLS, «Epilogue 1943-1993 ; si Lecerf revenait» (La Revue Réformée n° 180/1-2 janvier 1994 Tome XLV), p. 80.

 

3. Paul WELLS, ibid. p. 80.

 

4. J.-P. BORY et F.-J. MARTIN : «CAEF – FPF», (Servir en L’attendant, n°1 Janvier-Février 1994), p.16