Adultes : superhéros ou vulnérables face à la vie ?

 

 

Par Karina Wendling

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Conseillère en relation d’aide, conseillère conjugale et familiale et membre du RESAM. Elle est engagée au sein de l’association L’Envol avec son mari (cf. lenvolhohrodberg.blogspot. com). Tous deux se forment également à la relation d’aide en couple, pour les couples.

 

 

 

 

 

 

LE SUPERHÉROS, INVULNÉRABLE

 

Le superhéros se rencontre parfois. C’est le chrétien vainqueur en toutes circonstances, qui réussit dans toutes ses entreprises. Invulnérable, il ne peut être blessé ni atteint. Vous le connaissez ? Qui n’a pas tenté d’en être un ?

 

 

Notre volontarisme ne tient pas longtemps une fois confronté à notre douloureuse réalité :

 

 

– Personnelle : dans nos relations familiales (incompréhension, distance, rejet, maladies, pertes), de couple (conflits, ruptures, infidélité), au travail, dans la société (racisme, sexisme, discriminations sociales…).

 

– Communautaire : vie d’Église imparfaite et contraire à nos attentes, désaccords et tensions au sein des équipes, conflits au sein du conseil, jugements, difficultés à accepter chacun avec sa différence.

 

À vouloir vivre la victoire, la paix et l’« amour » à tout prix (par une absence de vagues en surface), le risque est de nier la réalité des blessures pour soi et pour les autres. Notre paix et notre amour ne sont alors que des vitrines un peu défraîchies, qui ne laisseront pas dupes très longtemps les nouveaux qui nous rejoindraient ni ceux qui nous entourent…

 

Par contre, nous risquons de nous enfermer dans le déni, qui engendre des fruits bien contraires aux fruits de l’Esprit : amertume, dureté, exigences et perfectionnisme, déresponsabilisation et manipulation, abus de pouvoir. Si des personnes autour de nous sont blessées, il devient alors tentant de prendre toutes leurs réactions pour de l’hypersensibilité. Il est par conséquent difficile, voire impossible, d’éprouver de l’empathie pour elles.

 

Pour nous-mêmes, le déni peut aussi favoriser toutes sortes de maladies, notre corps exprimant la souffrance que nous n’arrivons pas à voir en nous-mêmes.

 

 

L’HUMAIN, VULNÉRABLE

 

Dans notre vie d’adultes, nous avons tous des moments où nous sommes plus vulnérables, exposés aux blessures, atteints dans notre intégrité. Nous pouvons aussi nous retrouver face à des personnes qui nous font du mal. Les psalmistes nous donnent un exemple réaliste de ce vécu.

 

superman

 

Être blessé, c’est avoir reçu une ou plusieurs blessures, c’est-à-dire lésion du corps ou atteinte morale profonde et douloureuse, offense selon le Larousse.

 

Nous pouvons avoir été blessés de bien des manières :

 

– Les blessures narcissiques : nos circonstances de vie, nos échecs, qui provoquent l’effondrement de notre idéal de soi. Il peut être très douloureux de faire face au principe de réalité dans la relation à l’autre, car elle nous révèle notre impuissance à atteindre seuls notre idéal de vie, personnelle ou communautaire.

 

– Les situations de stress : objectives (catastrophes naturelles, accident, maladies, décès, violence physique…) ou subjectives (tensions, conflits, violence verbale, jugements…).

 

– Les relations dysfonctionnelles : absence d’organisation, confusion des rôles, double contrainte, rigidité.

 

– Offenses : tort causé par autrui, qui blesse notre personne ; outrage défini par une loi, humaine ou divine (mensonge, coups, diffamation, vol…), dont nous avons été victimes. Si ton frère a péché contre toi… (Mt 18.15s) : l’offense implique une transgression de la loi divine, résumée dans les commandements. Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu et Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lc 10.27).

 

Notre vécu peut être d’autant plus pénible s’il se passe dans l’Église, car nous avons tous un idéal de vie chrétienne et d’amour fraternel. Nous nous retrouvons confrontés à la réalité du manque d’amour, du péché.

 

Notre état d’hommes et de femmes imparfaits nous rend également vulnérables. Nous pouvons servir de cible en raison de nos imperfections, étant incapables de satisfaire les autres. Les reproches et les critiques concernant notre personne peuvent nous blesser, surtout si nous sommes rarement encouragés. Le risque est alors de se sentir rejeté, incapable d’être accepté et aimé des autres.

 

De plus, dans notre culture française, nous sommes doués pour la critique, peut-être moins pour une vraie autocritique. Nous pouvons avoir tendance à examiner et à relever en premier ce qui ne va pas, ce qui est mauvais. Ou bien nous restons silencieux par peur des conséquences. Ce que le Seigneur nous appelle à vivre est quelque peu différent : Examinez toutes choses et retenez ce qui est bon (1 Th 5.21). Ce qu’il nous demande implique, d’une part, que nous relevions ce qui est bon et que nous le signifions ; d’autre part, que nous ne retenions pas ce qui est mauvais, et ce, sans fermer les yeux.

 

Ouvrir les yeux sur la situation et sur nousmêmes est fondamental. Cela nous aidera à sortir de la confusion et à prendre les mesures nécessaires à notre guérison, devenir acteur et non rester victime.

D’autre part, si nous ne soignons pas nos blessures, nous pouvons devenir une cible facile pour les attaques de l’ennemi, qui n’a pas de scrupules pour appuyer là où ça fait mal.

Comment donc soigner ses blessures, être solide sans devenir insensible ?

 

 

LIBRE EN CHRIST : SENSIBLE ET SOLIDE

 

Vivre libre en Christ implique un processus de transformation dans la vérité et la réconciliation avec Dieu, avec soi-même et avec les autres. J’ai choisi de décrire ce processus en 4 étapes1.

 

1. Affronter la réalité de la situation et de mon état profond : prendre ma part de responsabilité

 

Laisser Dieu faire la lumière sur l’état de notre coeur, par son regard plein d’amour, est la première étape de la guérison. Sonde-moi, Éternel, éprouve-moi et examine mon coeur et mes pensées (Ps 26.2).

Il nous est difficile d’affronter nos blessures sans faire face à notre propre culpabilité. En effet, même si nous ne sommes pas responsables de la situation, nous restons responsables des sentiments qui naissent dans notre coeur. Nous pouvons, comme le psalmiste, demander à Dieu de nous aider à faire le tri. Pour cela, nous devons être prêts à prendre notre part de responsabilité devant Dieu.

 

2. Traverser le deuil

 

Laisser parler notre coeur permet d’exprimer la colère face à l’injustice et la tristesse face à tout ce que nous avons perdu.

Dieu a promis de recueillir nos larmes dans son outre (Ps 56.9) et de nous donner la consolation. Une fois notre vécu profond déposé au pied de la croix, nous pouvons abandonner la lutte contre la situation et nous en remettre à Dieu. 

 

3. Se réconcilier avec la réalité

 

Nous pouvons accepter la situation quand nous décidons de prendre Dieu au mot quant à sa promesse en Romains 8.28 : Dieu fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment, de ceux qui ont été appelés conformément au plan divin. C’est son oeuvre rédemptrice à la croix et sa victoire sur le mal qui permettent la transformation de la situation et de notre coeur.

 

4. Vivre le pardon et le changement Nous pouvons alors nous approprier son pardon pour nous-mêmes et déposer à ses pieds la dette de notre prochain. Cela ne veut pas dire que l’autre est pardonné devant Dieu, il devra rendre compte à Dieu de son péché et chercher auprès de lui son pardon. Dieu seul peut effacer sa faute. Par contre, nous pouvons libérer le chemin de la grâce de Dieu dans notre coeur et dans le sien.

 

De même, nous aussi, en nous déchargeant sur lui de nos soucis (1 P 5.7), de nos blessures et de nos reproches à l’égard de celui ou celle qui nous a blessés, nous pouvons avancer libres dans une réalité transformée où l’amertume laisse la place à la joie.

Être blessés est inévitable sur cette terre. Seulement, en Christ, nous pouvons avancer dans la liberté qu’offre le pardon de Dieu, dans la vérité face à soi-même, face aux autres et face à Dieu, grâce à son regard d’amour.

 

Références bibliographiques :

– Le pardon et l’oubli, Jacques Buchhold, Éditions Sator, 1989.

– Makarios ou en route vers le bonheur, Manfred Engeli, Dossier Vivre, Éditions Je Sème, 2007.

– Les crises de la Foi, Louis Schweitzer – Linda Oyer, Dossier Vivre, Éditions Excelsis Je Sème, 2011.

 


NOTE

 

1. Divers aspects du processus sont aussi développés dans d’autres articles.