Les mécanismes psychologiques de

l’apprentissage

 

 

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Par Agnès Laucher1

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Comment définir l’apprentissage ?

Du conditionnement au traitement cognitif de l’information

 

Changement par répétition, renforcement et conditionnement

 

On a coutume de définir l’apprentissage comme l’acquisition d’un nouveau savoir-faire. Cette définition est appliquée aux phénomènes de conditionnement, aux modifications sensori-motrices, à l’acquisition de connaissances et à de nombreux phénomènes relevant de la perception, des processus intellectuels ou de la motivation. Cette approche correspond à une théorie unitaire de l’apprentissage qui repose sur des lois au centre desquelles se trouvent celles de la répétition, du renforcement, de la contiguïté des stimuli, ou des réponses et de leurs effets.

 

Modifications synaptiques

 

Les faits n’ont pas confirmé l’importance accordée à ces conceptions béhavioristes de type « stimulus-réponse ». Les approches cognitivistes avec les notions d’encodage, de stockage, de traitement et de rappel de l’information ont mis en lumière une série de phénomènes mnémoniques : la notion de mémoire est préférée à celle d’apprentissage pour la plupart des phénomènes touchant à la cognition. Les neurosciences situent l’enjeu principal de l’apprentissage autour des changements synaptiques

 

 

 

Comment apprenons-nous ?

Différents objectifs sont envisagés en vue d’un apprentissage adapté au fonctionnement cognitif

 

 

Fixer les objectifs de l’étude

 

iconePDFLa rétention et la compréhension sont améliorées lorsque les objectifs de l’étude sont présentés. Avant l’apprentissage, l’explicitation des objectifs introduit des questions qui orientent l’étude. La Parole de Dieu, elle-même, s’inscrit dans un objectif précis : présenter le projet de Dieu pour l’humanité. Des activités comme faire un résumé ou prendre des notes sont des facilitateurs pour la gestion de l’information et l’utilisation des connaissances.

 

Considérer les erreurs conceptuelles

 

Traiter les assimilations mentales erronées favorise soit un changement de paradigme chez l’apprenant, soit les moqueries ou les rejets si l’auditeur est endurci. À Athènes, lorsque Paul relate la résurrection des morts de telles réactions sont décrites (Ac 17.32-33).

 

Les neurosciences montrent que, pour adhérer à un nouveau raisonnement conceptuel, le cerveau doit d’abord considérer que sa manière d’envisager le concept n’est pas valide ou du moins, qu’il y a des arguments contre. C’est la présence de l’Esprit de Dieu, et non la force de persuasion du prédicateur, qui va permettre d’accepter les erreurs de raisonnement et de modifier les paradigmes selon la pensée de Dieu. Les contre-exemples sont susceptibles de mettre en évidence la non-validité de certains présupposés comme le fait Pierre en réfutant la circoncision pour les non- Juifs en Actes 15. L’homme spirituel perçoit les problèmes avec le regard de Dieu. Ces nouvelles informations deviendraient folies pour l’homme naturel. Dans l’Église, nous pouvons envisager la formation sur un thème précis après avoir discuté des croyances, erronées ou non, des auditeurs. Le remue-méninge s’avère utile pour recueillir les informations d’un groupe. Reprendre ses présupposés culturel, personnel, cognitif, affectif et évaluatif est une condition non seulement pour travailler les fausses croyances sur Dieu, le monde et soi, mais aussi pour une intégration plus cohérente des différents concepts bibliques lors de l’enseignement formel.

 

Utiliser des exemples

 

L’apprenant doit être convaincu de la cohérence intellectuelle des nouvelles connaissances, de leur pertinence culturelle par rapport à ses besoins personnels et de la démonstration de la crédibilité rationnelle et historique de Dieu, de Jésus-Christ et du monde, avant de décider d’intégrer de nouveaux schémas de connaissance. Pour arriver à ce genre de changement, il a été démontré qu’il est rare qu’un individu puisse construire une nouvelle notion sur la seule base de notions connues sans passer par des exemples, à moins d’être déjà expert dans le domaine envisagé. La signification d’un concept englobe donc les situations, des exemples concrets, auxquels il s’applique. L’exemple n’est pas seulement une illustration. Il est une particularisation, une démonstration, fondant le contenu abstrait. Ces exemples donnent du sens. Jésus utilisait des exemples sous forme de paraboles pour exposer des réalités spirituelles. La compréhension de l’idée générale est facilitée. Précéder les énoncés généraux par ces particularisations permet d’établir les connexions nécessaires avec les concepts existants. Les particularisations devraient conduire aux bonnes généralisations à mémoriser.

 

Intégrer les schémas sémantiques dans la mémoire

 

La mémoire est une fonction du vivant. Les connaissances antérieures en mémoire constituent un cadre assimilateur pour les informations nouvelles. L’apprentissage consiste à intégrer les informations nouvelles aux schémas de connaissance existants en les enrichissant, les réajustant ou les restructurant. De nouveaux schémas sémantiques sont créés. Lorsque Paul a prêché à Antioche (Ac 13.16-43), les connaissances historiques des auditeurs et les différents témoignages des prophètes constituaient la base de son argumentation. Pour expliquer le concept du pardon des péchés, Paul fait référence aux limites de la Loi de Moïse (Ac 13.38-39).

 

 

Quelles différences individuelles ?

 

Il s’agit de considérer dans un apprentissage l’ensemble des notions qui constituent un champ conceptuel tout en tenant compte chez les auditeurs des différences dans le contenu de leurs schémas sémantiques. Or, il ne s’agit pas seulement d’évaluer les différences au niveau des connaissances proprement dites, mais de tenir compte des différences culturelles et personnelles dans le traitement de l’information de chacun. Hannes Wiher décrit trois facteurs influant sur le traitement de l’information : la vision du monde de l’apprenant, son orientation de la conscience (honte ou culpabilité) et sa manière de s’inscrire dans le temps et l’espace.

 

 

Conclusion

 

La formation dans l’Église vise des changements cognitifs des uns et des autres afin de tendre à une connaissance plus juste de la pensée de Christ. Ce sont les bases d’un fondement solide pour un engagement cultuel et intellectuel. Selon 1 Corinthiens 2, en laissant la possibilité à l’apprenant d’utiliser sa réflexion et, en tant que formateur, en étant conscient de l’enjeu de l’herméneutique, la connaissance devient tout à la fois plus réaliste et critique. Avec la conviction que Dieu oeuvre en son temps sur les croyances et la façon de penser de chacun, en proscrivant des études les jugements et les injonctions, la liberté de chacun et l’oeuvre du Saint-Esprit vont pouvoir se déployer. Toutes ces mesures contribuent à limiter les techniques de manipulation et les abus d’autorité.

 

Le Saint-Esprit va interroger les consciences d’un point de vue cognitif, affectif et éthique. Suis-je un chrétien français ou un Français chrétien ? L’identité biblique va-t-elle prévaloir sur mon identité culturelle et personnelle ?

 

 

A.L.

 


 

NOTE

 

1. Agnès LAUCHER, après avoir exercé comme infirmière puéricultrice et professeur des écoles, s’est spécialisée dans l’accompagnement psychologique. Titulaire d’une Licence de sciences sanitaires et sociales et d’un Master de psychologie du développement et de l’éducation, elle est aujourd’hui psychologue ainsi qu’enseignante et formatrice à l’Éducation Nationale.