Le chrétien et le désert selon le Nouveau Testament

 

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Par Reynald Kozycki

 

Kozycki

 

 

Le Nouveau Testament reprend à plusieurs reprises le thème du désert, d’abord pour Jésus lors de ses 40 jours de tentation, mais aussi pour le chrétien appelé à en tirer des leçons. Nous nous arrêterons plus particulièrement sur deux textes clés : 1 Corinthiens 10 et Hébreux 3-4.

 

 

1) L’épître de Paul aux Corinthiens

 

L’apôtre répond à une question délicate posée par les Corinthiens à propos des viandes sacrifiées aux idoles (ch. 8-10). Il illustre sa démonstration par un exemple personnel (ch. 9) et par une leçon tirée de l’AT (10.1-22). Il montre que les chrétiens ont toute liberté de manger ce qu’ils veulent, à condition de respecter la conscience des plus faibles et de ne pas tomber dans l’idolâtrie. La conclusion est donnée à la fin du chapitre 10 : Agissez comme moi qui m’efforce, en toutes choses, de m’adapter à tous. Je ne considère pas ce qui me serait avantageux, mais je recherche le bien du plus grand nombre pour leur salut (BS).

 

Certains, à Corinthe, peu éclairés sur le message libérateur de l’Évangile, étaient trop scrupuleux. Pour d’autres, l’incapacité à respecter la conscience des plus faibles démontrait « une connaissance » sans amour et enflée d’orgueil (8.1), peu préoccupée à faire tout pour la gloire de Dieu (10.31). L’illustration tirée de l’expérience du désert est un avertissement solennel à ne pas se disqualifier (10.27).

 

Richesses dans le désert

 

Avant sa mise en garde, Paul rappelle les privilèges surprenants dont jouissait le peuple d’Israël dans le désert (10.1-4) :

 

ils ont été sous la nuée, c’est-à-dire, conduits par l’Esprit de Dieu ;

 

ils sont passés au travers de la mer, en rappel de la puissante délivrance du Seigneur qui a fait périr l’armée égyptienne et sauvegardé miraculeusement son peuple ;

 

ils ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, probablement pour faire un lien avec notre baptême dans l’Esprit, exprimé dans le baptême d’eau, qui nous a « placés » sous l’autorité de notre chef ;

 

ils ont tous mangé la même nourriture spirituelle et ils ont tous bu le même breuvage spirituel, ils buvaient en effet à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Inspiré par l’Esprit, Paul voit dans la manne une préfiguration du Christ. Le rocher évoquait déjà celui de qui coulent des fleuves d’eau vive.

 

Les bénédictions du peuple pendant le désert sont cependant moindres que celles que nous avons dans la Nouvelle Alliance. Dieu nous a appelés à une véritable communion avec son Fils (1.9), nous avons été incorporés en lui, qui a été fait pour nous sagesse, justice, sanctification, rédemption (1.30), nous avons été baptisés dans l’Esprit pour former un seul Corps et abreuvés par cet Esprit (12.13)

 

Mise en garde

 

Malgré toutes les bénédictions, le peuple d’Israël n’a pas été agréé par Dieu (10.5). Ce sont des exemples pour nous afin que nous n’ayons pas de mauvais désirs comme ils en ont eu. Paul relève quatre attitudes coupables du peuple dans le désert :

 

– ils ont été idolâtres (v.7). Paul pense probablement au veau d’or et à la fête honteuse qui a suivi. On peut voir un court développement de cette attitude aux versets 18-20, où le peuple, en sacrifiant à des idoles ou des faux dieux, entrait en communion avec les démons ;

 

– ils se livrèrent à l’inconduite sexuelle (v.8). Il fait peut-être un parallèle avec les rituels fréquents à Corinthe de sacrifices offerts à des idoles, accompagnés de débauche. Il rappelle à ce propos le jugement terrible de Dieu sur 23 000 personnes dans le désert ;

 

– ils provoquèrent le Seigneur (v.9). Il s’agit d’une sorte d’arrogance accompagnée de mépris de Dieu ou du Christ ;

 

– ils murmurèrent (v.10). Le livre des Nombres décrit souvent Israël en train de murmurer. Les conséquences ont été une nouvelle fois tragiques : le destructeur les fit périr.

 

Leçons solennelles

 

Tous ces événements… ont été mis par écrit pour que nous en tirions instruction, nous qui sommes parvenus aux temps de la fin (10.11 BS). L’Église vit dans une époque où les « temps sont accomplis », où le salut en Christ et les temps messianiques ont été manifestés. Nous sommes appelés à redoubler de vigilance. Ceux qui sont debout doivent prendre garde de ne pas tomber (v.12). Le danger est réel de sombrer dans l’idolâtrie, dans le culte des démons, dans la débauche, dans les murmures, mais aussi en devenant une occasion de chute pour les frères et soeurs plus faibles, pour qui le Christ est mort (8.11).

 

Puissante promesse

 

Le verset 13 nous enseigne qu’aucune épreuve ou tentation n’a été, et ne sera, au-delà de nos forces. Dieu, dans sa fidélité, prévoit toujours de donner le moyen de surmonter nos tentations.

 

Paul fait de notre parcours terrestre une traversée dans le désert, lieu de tentations par excellence. Les graves désobéissances du peuple d’Israël sont une leçon, lui qui n’a pas mesuré tous les privilèges qui étaient les siens par la présence glorieuse du Seigneur. Leur disqualification et les jugements tombés sur eux sont des avertissements retentissants pour nous stimuler à prendre au sérieux notre vie chrétienne.

 

 

2) L’épître aux Hébreux1 Contexte

 

L’auteur montre, dès le début de l’épître, la supériorité de la nouvelle alliance sur l’ancienne. Dieu a parlé autrefois par les prophètes, mais, désormais, c’est directement par le Fils qu’il parle. Ce Fils a été intronisé à la droite du Père, bien au-dessus des anges. Si la parole de la première alliance a été solennelle, à combien plus forte raison cette parole définitive du Fils. Le chapitre 2 se penche sur sa pleine humanité, son abaissement indispensable pour l’accomplissement d’un glorieux salut. Jésus est présenté comme le moyen unique de médiation entre Dieu et les hommes, en tant que souverain sacrificateur compatissant, fidèle, ayant accompli l’expiation de nos péchés. Il est désormais puissant pour nous secourir dans nos tentations (2.17- 18). Le chapitre 3 appelle à considérer avec attention ce Fils glorieux établi sur sa maison, le nouveau peuple de Dieu, comme Moïse l’avait été, mais avec un statut qui le dépasse de beaucoup.

 

Leçons du désert

 

En Hébreux 3.7 commence un commentaire du Psaume 95 qui s’achève en 4.12. Cette section insiste sur le fait de ne pas endurcir son coeur à l’écoute de la Parole de Dieu. Israël a échoué dans sa traversée du désert, notamment au jour de la révolte lorsqu’ils ont tenté Dieu. Le Seigneur jura qu’ils n’entreraient pas dans son repos. Le chapitre 4 reprend le thème du repos pour nous inviter aujourd’hui, dans la foi et l’obéissance, à entrer dans ce « nouvel espace » préparé pour le peuple de Dieu, ce nouveau culte de sabbat. Le repos de Dieu désigne probablement la plénitude du salut dévoilée en Christ, salut qui nous introduit au-delà du voile, dans le véritable sanctuaire de Dieu, dans une communion authentique avec lui, dans la montagne de Sion, la Jérusalem céleste2

 

L’auteur rappelle les privilèges d’Israël dans le désert :

 

– ils avaient entendu la voix de Dieu luimême et sont sortis sous la conduite de Moïse (3.16) ;

 

– ils ont reçu la promesse d’entrer dans le repos de Dieu (4.6).

 

Mais ils n’ont pas pris au sérieux les promesses de Dieu :

 

– ils ont tenté Dieu (3.9) ;

 

– ils ont endurci leur coeur (3.17) ;

 

– ils péchèrent, désobéirent, se révoltèrent… (3.16-18).

 

Leur attitude est résumée par ce verset : Aussi voyons-nous qu’ils ne purent y entrer (dans ce repos) à cause de leur incrédulité (3.19).

 

La vie chrétienne se déroule dans une tension entre le déjà et le pas encore. Le déjà se manifeste par une grâce reçue dès aujourd’hui, fruit de l’oeuvre parfaite accomplie par le Christ qui nous accorde la sanctification une fois pour toutes (10.14) et fait de nous des « frères saints » (3.1) ; des « participants de Christ », à son héritage, à sa vie, à son salut (3.14)… Mais la vie chrétienne est aussi une marche dans le désert. Nous ne sommes pas encore arrivés à destination, nous devons exercer la vigilance envers nous-mêmes et envers nos frères et soeurs pour ne pas nous laisser endurcir par la séduction du péché (3.12-13). Nous devons chercher la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur (12.14). Cette tension ressort dans la conclusion de la section (3.7 à 4.12). Nous sommes invités aujourd’hui dans les déserts de nos tentations et des pressions du mal à nous empresser d’entrer dans le repos de Dieu, parce que la Parole de Dieu est efficace et puissante.

 

 

Conclusion

 

De ces deux textes clés abordant le désert de la vie chrétienne, nous découvrons que Dieu nous prépare des lieux de bénédictions sous sa conduite, par l’action puissante de sa Parole. Le désert nous rappelle que notre marche est parsemée de dangers dans les différentes tentations de la vie, mais… le Seigneur est fidèle, il ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces. L’entrée dans le repos et la communion avec lui sont à notre portée à cause de sa compassion pour nous et de la victoire éclatante de Jésus élevé à la droite du Père.

 

R.K.

 

Questions pour l’étude en groupe

 

Question 1 : Qu’est-ce qu’évoque pour vous le désert ?

 

Question 2 : Lire 1 Corinthiens 10.1-22 et l’article précédent. Résumez les bénédictions dont jouissait le peuple dans le désert.

 

Question 3 : Pour quelles raisons le peuple dériva-t-il à ce point ?

 

Question 4 : Quelles leçons Paul tire-t-il de ces errances ?

 

Question 5 : Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?


 

NOTES

 

1. Sans en faire une étude détaillée, nous relèverons quelques idées fortes des chapitres 3 et 4.

 

2. Voir par exemple Hé 4.3 ; 4.9-11 ; 6.19 ; 7.19 ; 9.24 ; 10.19-22 ; 12.22…