Le péché dans le sermon sur la montagne

 

 

Par Reynald Kozycki

 

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La question du « péché » est omniprésente dans l’histoire et dans notre société actuelle, même si les mots employés sont un peu différents de ceux de la Bible. On parle de pouvoir d’assujettissement ou de conquête, de manipulation, de mensonge, d’escroquerie, de pornographie, de narcissisme, d’orgueil, d’intrigue, d’addictions, d’agressivité, de violence, de guerre, de terrorisme…

 

 

 

 

Contexte du sermon

 

L’Évangile selon Matthieu introduit le Nouveau Testament. Il décrit de nombreux accomplissements de prophéties, notamment par la généalogie de Jésus, par sa naissance miraculeuse, par le sens même de son nom qui se traduit, selon l’ange : Celui qui nous sauve de nos péchés… La haine du monde s’exprime de manière violente dans l’attitude d’Hérode au chapitre 2. Le message de Jean-Baptiste (chapitre 3) annonce l’accomplissement du Royaume de Dieu, à la fois dans le jugement qui se prépare et dans le salut qu’apportera le messie. Il reprend l’ambiguïté de l’annonce très fréquente des prophètes du Jour de l’Éternel. Puis Jésus commence son ministère en reprenant le même thème du Royaume, accomplissant de nombreuses délivrances (4.23-25).

 

 

Au coeur du sermon

 

Les chapitres 5 à 7, appelés aussi « Sermon sur la montagne » à cause de leur introduction, présentent une longue prédication de Jésus, ou, plutôt, une synthèse inspirée par l’Esprit, d’enseignements divers, regroupés sous quelques thèmes. Il serait présomptueux d’en faire un résumé. Je vous propose néanmoins de tenter de faire ressortir quelques aspects de ces chapitres, en relation avec le « péché ».

 

Pour des raisons pédagogiques, on peut axer ce « sermon » autour du verset : Car, je vous le dis, si votre justice (ou votre façon de vivre la foi) ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux (5.20). Comme plusieurs, je considèrerai ces trois chapitres comme un développement du message résumé au chapitre précédent : Dès lors Jésus commença à proclamer : Changez radicalement (ou repentez-vous), car le règne des cieux s’est approché ! (4.17 NBS)

 

Ce sermon n’est pas un traité sur la grâce, mais plutôt un descriptif des conditions d’accueil du règne des cieux, ou de la vie céleste à travers le roi. Il est vrai que la première béatitude donne une clé sur l’importance de la grâce reçue avec humilité : Heureux ceux qui sont conscients de leur pauvreté spirituelle, car c’est à eux que le royaume des cieux est réservé (5.3, Parole vivante).

 

La première section de ce sermon (5.1-16) n’aborde pas le péché de manière directe, mais le fait par un renversement des valeurs habituelles de ce monde, ou de la piété de son temps, pour mieux faire ressortir les valeurs quasi opposées que le Maître attend du disciple.

 

 

Jésus et la Loi

 

La 2e section (5.17-48) aborde le rapport de Jésus à la Loi. Il ne vient pas l’abolir, mais l’accomplir et lui donner tout son sens. Il relève notamment 6 dérives dans les interprétations rabbiniques courantes qui minimisent l’impact de la Loi dans les relations sociales (5.21-48). Jésus touche au coeur du péché dans sa réinterprétation des textes. Plus qu’un prophète, il affirme : Vous avez entendu dire, mais, moi, je vous dis. Jésus démasque les péchés, non seulement dans les actes, mais avant tout dans le coeur. Il traite du mépris de son prochain (21-26), de l’adultère (27-30), de répudiation (31- 32), du serment et du mensonge (33-37), de la vengeance (38-42), de la haine des ennemis (43-48). Le choix des péchés se focalise volontairement sur la 2e Table de la Loi, qu’il résume ailleurs par : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (22.39).

 

 

Dieu ou Mamon

 

La section suivante (chapitre 6) est consacrée à la 1re Table de la Loi, aimer Dieu de tout son coeur. Il montre que la justice des pharisiens ne se préoccupe que du regard des hommes, et derrière les apparences, davantage de « Mamon » que de Dieu. Négliger ou mépriser la gloire de Dieu dans trois exercices de piété (6.1-18), ou dans la question de nos biens matériels (19-34) est, pour Jésus, incompatible avec une vraie piété. Notre justice peut dépasser celle des pharisiens si nous sommes disposés à nous préoccuper davantage du règne de Dieu et de ce qui est juste à ses yeux (6.33).

 

 

Sens dévoilé du sermon

 

Au chapitre 7, Jésus revient dans un premier temps sur l’esprit de jugement nous plaçant au-dessus des autres, et la foi authentique dans la prière (1-12). On peut voir dans la fin du chapitre, une conclusion en plusieurs étapes. Les versets 13-14 reprennent le thème fréquent des deux voies (Dt 30, Ps 1…), en exhortant puissamment à faire le bon choix. La repentance est sous-entendue, mais aussi l’urgence à prendre plaisir à la Parole de Dieu (comme le Ps 1), déclinée par la méfiance face aux faux prophètes (7.15-20), la préparation au grand jour du Jugement (21-27) qui s’établira sur le critère de notre accueil des Paroles du Roi.

 

 

Conclusion

 

Pour résumer, notre justice doit impérativement dépasser celles des pharisiens concernant l’amour pour notre prochain et l’amour pour Dieu. Nous disions que la grâce apparait en filigrane dès la première béatitude, mais se développera dans les chapitres suivants, en particulier, dans les 10 miracles des chapitres 8 et 9. Vouloir vivre cette piété du sermon sur la Montagne nous place face à notre incapacité totale, face à notre impureté. Comme le lépreux (8.1- 3), nous supplierons le Seigneur d’avoir piété de nous. Il ne nous repoussera pas, nous « touchera », quitte à enfreindre toutes les règles de pureté. Si l’humilité et la foi sont présentes, il nous purifiera aussi.