Temoignage

 

« SEULE, MAIS… »

 secheresse

par Dany GOUNON

 

 

Je peux dire que pendant ma vie au Tchad, je n’ai pas éprouvé la solitude, pour une raison simple : je n’étais jamais seule. Les toutes premières années – celles où l’on vient de quitter parents, pays, amis, habitudes – « parachutées » avec Christiane Bouttet dans un village de brousse à 500 km d’une ville, ces années auraient pu être difficiles, surtout lorsque l’une de nous était en congé en France. Elles ne le furent pas. Accueillies comme nous l’avons été par la famille Metz, notre privilège fut grand et absolument exceptionnel.

 

Les années passant, les temps changèrent. Troubles dans le pays, installation forcée à la capitale, guerres, ce fut une autre vie mais toujours « africaine ». Une maison en Afrique, c’est une porte toujours ouverte, au propre comme au figuré ; une table où il y a toujours plus de convives que prévu ; beaucoup de visites, de gens à aimer, à écouter, à servir… Une vie pas forcément trépidante, plutôt une vie partagée. J’en étais heureuse, comblée même je peux dire, par tant d’amitiés, de contacts, avec des soucis et des joies, comme partout. La solitude n’eut simplement pas le temps d’exister.

 

Je ne suis pas restée célibataire par choix. Le mariage m’a toujours semblé désirable et j’aurais aimé me marier. Pourtant je crois que Dieu a ainsi voulu ma vie et je l’ai acceptée. Sortir de sa volonté eut été pire que tout.

 

Par contre je me rappelle très nettement que c’est après 35 ans que la pensée du mariage a commencé à m’habiter, pourtant j’aurais pu me marier plusieurs années auparavant. Pour nous, femmes célibataires, 35-40 ans semble une date charnière. À partir de là, il faudra un jour regarder les choses en face, reconnaître nos besoins et pouvoir dire : « Seigneur, ce sera comme tu veux ; je l’accepte. » Il faudra le dire et s’y tenir. Il y aura parfois des vagues mais le fond restera calme. « Je peux tout par Christ qui me fortifie. » C’est en lui que je peux, comme le dit l’apôtre Paul, « rester attachée au Seigneur sans tiraillements ».

 

Seule une communion profonde « en Christ » permet à chacun de vivre son « état » en glorifiant Dieu. Mais je dois aller au bout de mon histoire personnelle. Je suis rentrée en France à 59 ans, appelée auprès de Maman. Ce n’était pas un retour préparé, planifié, mais une nécessité immédiate. Dieu m’y a fait entrer, presque de force, dans sa sagesse et sa grâce et je lui en suis infiniment reconnaissante.

 

Depuis le départ de Maman, je m’investis dans du bénévolat. Et j’en suis heureuse. Pourtant ce sera dans ces années-là que, tout à coup, j’ai éprouvé un vrai sentiment de solitude. Pour la première fois de ma vie, je rentrai dans un lieu vide de gens ; je m’asseyais à une table sans personne en face de moi. J’ai souvent dit à Dieu : « Seigneur, tu sais que je n’ai pas envie d’être seule ! » et je le lui répète encore, parfois ! Pourtant j’ai accepté, il n’y a pas de problème.

 

N’empêche ! L’équilibre, la paix intérieure, c’est Christ qui les donne lorsque nous les puisons en lui. C’est l’oeuvre de la grâce. J’en ai besoin chaque jour.

 

D.G.