L’onction d’huile

 

Jacques 5:14-16

 

malade

 

par François-Jean MARTIN

 

 

 

Il est nécessaire de se souvenir à l’heure de la confrontation avec la maladie et la souffrance, que nous sommes dans l’attente du Royaume de Dieu, entre les deux venues de Jésus. Le royaume de Dieu est déjà présent mais pas encore pleinement manifesté ! Les guérisons et les libérations qui accompagnent le ministère de Jésus sont autant de signes1 de l’irruption du royaume de Dieu parmi les hommes. C’est le « déjà et pas encore », une situation de tension.

 

L’Epître de Jacques parle de la mise en pratique de la foi, des actes qui doivent traduire l’amour du chrétien pour le Christ et pour ceux qui souffrent. L’Eglise doit être le lieu où la compassion du Seigneur est pleinement manifestée. Car écouter l’Ecriture, ce n’est pas l’entendre mais lui obéir et la mettre en pratique.

 

 

L’accent est mis sur la vie de la communauté, la solidarité de tous les membres du corps de Christ. Et notre texte affirme que, par le fait de son existence, une vraie communauté en Christ est une communauté de guérison.

 

 

Qui est bénéficiaire de l’onction ?

 

Il n’y a pas de diagnostic ou de liste de maladies, la gravité de la maladie du bénéficiaire de l’onction est le critère mentionné. Deux mots caractérisent son état. Le premier est la faiblesse qui accompagne toute maladie et le deuxième souligne la souffrance corporelle, la lassitude et l’impatience qui en résultent. Il faut remarquer que le malade est conscient puisque c’est lui qui fait appel aux anciens.

 

Nous sommes en présence d’un malade gravement atteint qui a pris conscience du sérieux de son état et qui réalise qu’il est devant un délai. Sa maladie pourrait le conduire au terme de ses jours. Une telle situation s’accompagne parfois d’une crise profonde, même chez un chrétien. Il est humain, il a une famille, un conjoint, des enfants, des parents. Cela est une épreuve dans laquelle il a besoin d’être aidé. Donc il s’agit d’une maladie grave handicapant la vie ou la menaçant.

 

 

Ce malade est un chrétien appartenant à une communauté locale

 

La souffrance d’un seul des membres du corps concerne toute la communauté. Paul dit la même chose dans 1 Co 12:26 « si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui… » En Christ, l’épreuve d’un seul alerte tous les autres. Quand la vie de la communauté est réelle, à l’épreuve de la maladie s’ajoute celle d’être privé d’une certaine manière de la vie communautaire.

 

Cet isolement peut être aggravé par les réactions d’inquiétude ou d’incompréhension que peuvent avoir les bien-portants vis-à-vis du malade. Ceci augmente le repli sur soi. A plus forte raison quand la situation dure et que Dieu ne semble pas répondre aux prières, le malade s’interroge et se culpabilise : « Ai-je désobéi à Dieu ? » « Suis-je responsable de ce qui m’arrive ? » Très vite, des sentiments d’auto-accusation, de honte, l’enferment encore davantage dans sa solitude.

 

Jacques invite le malade et la communauté à se souvenir et à vivre la réalité de la solidarité. Le malade est invité à refuser la solitude et le naturel repliement sur soi. Il est de sa responsabilité de faire connaître à la communauté sa situation, de faire appel à la prière de l’Eglise et à la visite des frères. Par cet appel, le malade fait savoir à la communauté qu’il la reconnaît bien comme sa famille et qu’il a le désir de recevoir au travers d’elle le secours de Dieu.

 

Cela suppose que l’Eglise est prête à répondre à cet appel et qu’un enseignement clair est donné à ce sujet dans la communauté. On ne peut pas à la fois réclamer des visites et être profondément individualiste et ne jamais avertir la communauté et les pasteurs. Ceux-ci ne sont pas des devins pour savoir ce qu’on ne veut pas leur dire mais qu’on exige qu’ils sachent.

 

 

Qui doit pratiquer l’onction ?

 

Le texte est clair, cette responsabilité revient aux pasteurs collégialement. Ceci n’oblige nullement ces derniers à posséder un don de guérison. Les listes des qualifications des pasteurs ne le signalent jamais. Donc ils ne sont pas appelés à intervenir en vertu de leurs dons, de leur compétence à discerner la volonté de Dieu, de la puissance de leur prière – bien que tout cela soit souhaitable – mais ils sont appelés au chevet du malade comme représentants de la communauté.

 

La prière que prononcent les Anciens pour le malade est avant tout celle de la communauté. Celle-ci est présente par délégation auprès du malade. Donc il ne peut s’agir d’une pratique secrète. Dans la mesure du possible la communauté doit être informée et, mieux que cela, appelée à prier tandis que les pasteurs visitent le malade.

 

 

La confession des péchés

 

Jésus refuse de se laisser emprisonner dans un lien obligatoire péché-maladie / maladie-péché. Nous voyons des situations claires dans la Bible où la maladie n’a rien à voir avec le péché : c’est le cas de Job (qui est cité ici comme exemple), de Paul, d’Epaphrodite. Jésus est l’homme de douleur, habitué à la souffrance (Esaïe 53), il a pris nos infirmités et il s’est chargé de nos maladies. Il peut donc nous comprendre (Hé 4:14-16).

 

Le jour où nous nous sommes convertis, nous n’avons pas été immunisés contre tout microbe ; nous sommes restés humains ; passibles de maladies. La maladie n’est donc pas obligatoirement à lier au péché et il ne s’agit pas tout d’abord de rechercher de culpabilité individuelle ou même communautaire. Cependant, la maladie est l’une des conséquences du péché. Et des péchés peuvent entraîner des maladies (Ps 32:3 ; 1 Co 11:28-31).

 

Dans ce texte, l’état de péché n’est entrevu que comme une éventualité : « s’il a commis des péchés ». La maladie a un sens. Conséquence du péché ou épreuve ou autre chose. Ce sens n’est pas toujours clair. Il peut rester même obscur ; Job ne reçoit pas de réponse. Mais nous pouvons rester convaincus qu’il y a une finalité en toutes choses.

 

De quels péchés pourrait-il être question ici ? Le mot qu’emploie Jacques vise, dans l’ensemble de l’épître, les péchés commis à l’égard des frères : des fautes de relations, des péchés contre « le corps » que constitue la communauté, des manquements qui ont pour effet une atteinte à la communion fraternelle. Il est des crises de santé qui sont la conséquence directe d’une faute de vie. La maladie peut aussi être un appel à la réflexion, une invite à prendre conscience de telle ou telle erreur. Ce temps d’arrêt peut permettre à quelqu’un d’opérer un redressement, de réorienter sa vie.

 

La maladie est donc complexe, on ne peut la schématiser, ignorer les nuances, car derrière le mot il y a des êtres humains, des frères et sœurs qui souffrent. La communauté peut aussi assister le malade en l’aidant à saisir la complexité de la maladie et la possibilité – parfois – de trouver un sens, ce qui est important pour le malade.

 

Les Anciens auront parfois, par une visite préalable, pu aider le frère et la sœur à la confession du péché et surtout l’aider à saisir la réalité du pardon de Dieu. Mais il n’y a pas que le malade qui est appelé à s’interroger. Le verset 16 dit : « confessez donc vos péchés, les uns aux autres, et priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris ». L’emploi de la 2ème personne du pluriel ne vise pas les Anciens seulement, mais toute la communauté (1 Co 12:26-27). Une visite permet aussi aux Anciens d’expliquer clairement le sens de l’onction et d’être au clair par rapport à toute interprétation douteuse de cette demande. Ils sont ainsi appelés à démythifier cet acte.

 

La situation de maladie offre donc au groupe tout entier des occasions de repentance qui sont à vivre en un acte de pardon et de réparation. L’Eglise peut ainsi être communauté de guérison. Certes, les Anciens sont concernés en premier. Quelle occasion d’approfondir leur unité ! Eux aussi ont parfois des difficultés, des divergences, des dissensions. Leur visite auprès du malade sera l’occasion de réajuster leurs relations. C’est la condition d’un ministère béni, d’une prière efficace (Mt 18:19).

 

 

L’onction elle-même

 

C’est un geste simple effectué par les Anciens. On évitera tout ce qui donnerait une impression de rite magique (signe de croix, etc.).

 

L’onction d’huile était utilisée dans l’Ancien Testament de façon religieuse ou profane. C’était un acte de toilette (l’huile était parfumée) pour la tête, pour la peau, aussi pour signaler sa joie, pour honorer un hôte. En tant que geste religieux, elle indiquait une mise à part pour le service des objets de culte et des personnes : sacrificateurs, rois, prophètes. En même temps que l’on marquait ainsi la mise à part, l’Esprit de Dieu leur conférait les qualifications et dons nécessaires pour l’exercice de leur fonction.

 

Le Nouveau Testament utilise 5 verbes différents pour « oindre ». L’un d’entre eux (Aleiphô) est utilisé à 8 reprises pour des pratiques profanes mais aussi pour les 2 textes où l’onction est pratiquée en faveur des malades (Mc 6:13 et Jc 5:14).

 

Il est difficile de savoir si l’usage mentionné par ces textes est profane ou religieux, ou les deux. Certains y voient une pratique médicale, l’huile étant utilisée comme un médicament pour apaiser la douleur (Lc 10:34)2 . En effet, rien dans la parole ne rejette l’emploi de médicaments, ou le recours à la médecine. Luc lui-même était médecin.

 

L’huile est aussi dans la Parole le symbole du Saint-Esprit. Peut-être, comme le pain et le vin de la Cène et l’eau du baptême, peut-on voir là un signe qui symbolise l’action du Saint-Esprit ? C’est un geste, un signe matériel qui concrétise notre foi et la soutient. Mais l’accent est mis sur la prière, c’est elle qui est importante. Alors qu’une seule mention est faite de l’onction d’huile, Jacques revient sur le thème de la prière à quatre reprises en utilisant chaque fois une expression différente. De plus le verbe qui exprime l’action d’oindre est au participe, ce qui signifie que ce geste accompagne la prière et pas l’inverse.

 

 

La prière de la foi

 

Hommes en prièreC’est à la prière que sont faites les promesses : la prière de la foi sauvera le malade (v. 15), la prière fervente du juste a une grande efficacité (v. 16b), priez les uns pour les autres afin que vous soyez guéris (v. 16a).

 

Mais alors pourquoi l’onction ? La prière à elle seule ne suffit-elle pas ? Certes la prière peut suffire mais Jacques est préoccupé d’une parole qui s’incarne, qui passe aux actes. Il veut permettre une démarche communautaire, collégiale. Ce processus contraint l’Eglise, les anciens et le malade à se sentir concernés, impliqués, à se positionner. Cela encouragera le malade qui réalisera qu’on n’en reste pas aux paroles.

 

 

Pour terminer, nous soulignerons quelques effets de l’onction.

 

Il lui sera pardonné, le pardon en réponse à sa repentance et à la confession de ses péchés.

 

La prière de la foi sauvera le malade. La prière sauve : il semble bien qu’ici comme dans de nombreux endroits il soit question du salut du corps donc de guérison.

 

Le Seigneur le relèvera. Là encore plusieurs sens possibles mais on sent bien qu’il s’agit de conséquences du précédent, de la guérison.

 

Cependant nous sommes dans ce temps où l’action du Saint-Esprit anticipe celle de l’avènement du Christ. Ce sont le gage (Ep 1:14), les prémices (Ja 1:18), les arrhes (2 Co 1:22,5:5) de la guérison totale lors du retour du Seigneur.

 

Pratiquement, cela signifie qu’au point de vue physique et moral, les effets de l’onction peuvent se traduire différemment.

 

Dieu peut accorder une guérison miraculeuse et immédiate, signe du Royaume de Dieu.

 

L’état de santé progresse lentement et la guérison intervient après le temps de la persévérance, de la patience et certainement pour nous du traitement médical. Cette guérison n’en reste pas moins l’effet de la grâce de Dieu.

 

La troisième possibilité est qu’il n’y ait pas d’amélioration jusqu’à la fin. La promesse de délivrance subsiste mais ne se réalise que dans l’au-delà.

 

Ainsi comprise, la pratique de l’onction des malades, quels que soient les effets immédiats et visibles, ne peut être qu’une bénédiction à la fois pour le malade, sa famille, et pour la communauté et son collège d’Anciens.

 

Puissions-nous accepter dans la reconnaissance et la soumission finale la délivrance préparée par le Seigneur, que celle-ci ait lieu ici-bas ou dans son royaume. C’est ainsi que « maintenant comme toujours Christ sera glorifié dans notre corps avec une pleine assurance soit par notre vie, soit par notre mort, car Christ est notre vie et la mort un gain » (Ph 1:20).

 

 

 

F-J.M.

 

 


 NOTES

 

1. C’est le mot employé dans l’Evangile de Jean pour « miracle ».

 

2. On peut faire un rapprochement avec l’épisode où, sur l’ordre d’Esaïe, une masse de figues est appliquée sur l’ulcère du roi Ezéchias. Et pourtant Dieu dit : « Je te guérirai, le troisième jour ». 2 Rois 20:5

 

 

Témoignages

 

 

Pourquoi j’ai demandé l’onction d’huile ?

 

Christophe LEVI-ALVARES, kinésithérapeute, a reçu une onction d’huile à deux reprises alors qu’il fréquentait l’assemblée CAEF de la rue Germain à Grenoble. Il explique :

 

« La première onction d’huile se situait en 1989. J’étais marié depuis 4 mois quand on a découvert un cancer. J’ai fait le pas de suivre un traitement médical. Quand j’ai compris la gravité, j’ai rapidement demandé l’onction d’huile aux anciens sur la base des versets Jacques 5 :14-15. Je me suis posé la question : Pourquoi ce cancer ? Je n’ai pas vu de raison.

 

Je n’ai pas eu la conviction d’être guéri tout de suite. C’est à la naissance de notre troisième enfant que j’étais certain d’être guéri. Et là, je ne redoutais pas les résultats d’un examen de sang. J’ai reçu une deuxième onction d’huile alors que j’étais affecté par une mononucléose et un C.M.V. (Cyto Mégalo Virus). J’avais des coups de fatigue la journée, et quand je rentrais j’étais obligé de m’allonger et je dormais. Je n’ai pas eu la conviction de demander l’onction d’huile immédiatement. Je pense qu’il faut avoir une conviction. Je me disais : Le Seigneur veut me dire quelque chose. Mais quoi ? Cela a duré six mois.

 

En parallèle à cette situation, j’avais commencé une activité où j’étais responsable associatif. Nous nous occupions des logements du personnel. Je me positionnais contre la direction, mais je manquais de respect. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Et puis, j’ai dû lâcher les rênes de l’association : j’étais trop fatigué. Un moment, je me suis dit : // faut l’onction d’huile. Il y a eu une confession intérieure au niveau de mon attitude de cœur, de mon amertume et de ma résistance à l’égard de la direction. La guérison a été immédiate. Le jour même de l’onction, j’ai travaillé jusqu’à 5 heures du matin dans notre nouvel appartement et après, je n’ai plus ressenti ces fatigues.

Le Seigneur a utilisé ces fatigues pour m’arrêter. Cela m’a permis d’envisager dans la suite mon rôle de partenaire social avec une meilleure attitude. »

 

 

 

 

« Lorsque j’attendais un enfant, j’ai été atteinte de paratyphoïde, accompagnée d’une phlébite. J’étais tellement malade que je croyais en mourir. Le médecin était très pessimiste, et il a fini par nous dire : « Sauvons la maman, mais je ne crois pas pouvoir sauver le bébé ». Dans cette situation j’ai eu la conviction d’appeler les Anciens de mon église, et de leur demander de prier pour moi et le bébé en faisant l’onction d’huile, selon ce que j’avais lu en Jacques 5.14.

 

Les Anciens sont venus à la maison et ils ont prié en appliquant sur mon front un coton imbibé d’huile. Le soir même la fièvre a commencé à baisser et la guérison complète est venue petit à petit. De plus, le Seigneur a sauvé notre bébé, qui est né en bonne santé. »