Profite de la vie !

 fruit-disciple

 

par Jean-Pierre Bory

 

 

 Il y a un temps pour tout et un moment pour toute chose sous le soleil, … pour naître, pour mourir,… pour planter, pour arracher, … pour démolir, pour construire, … pour pleurer et pour rire, … pour embrasser, pour s’en abstenir… pour chercher et pour perdre. … Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de la peine qu’il se donne ? … Dieu a implanté au tréfonds de l’être humain le sens de l’éternité. Et pourtant l’homme est incapable de saisir l’oeuvre que Dieu accomplit du commencement à la fin. Aussi en ai-je conclu qu’il n’y a rien d’autre qui soit bon pour lui que jouir du bonheur et se donner du bon temps durant sa vie. (extraits de Eccl 3.1-12)

 

On pourrait penser que l’Ecclésiaste, dans sa réflexion sur le sens de la vie, avant Platon et Epicure, en arrive à la conclusion que le principal pour l’homme est de trouver la paix de l’âme, de ne pas chercher à comprendre les tenants et les aboutissants de toute chose, de ne pas viser un but ultime à l’existence, d’oublier le destin, de limiter ses ambitions, de se contenter des plaisirs naturels, sans excès, en compagnie d’amis fidèles…

 

D’autres sont allés plus loin dans leur quête de réponse, comme Nietzsche, par exemple, qui aspire à une liberté absolue, refuse, nie la servitude de l’existence humaine à des idéaux, à la religion ; les thèmes de la volonté de puissance, du surhomme, de l’éternel retour, font l’objet des réflexions de la dernière partie de sa vie, avant qu’il ne sombre dans dix années de démence. « L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites » écrivait plus humblement Camus, qui après la seconde guerre mondiale, en arrive à conclure à l’absurdité du destin humain (dans Les Justes, 1949).

 

Bien plus proches de nous, on peut comprendre les jeunes qui entrent dans la vie en ce début du 21e siècle sans savoir s’il vaut la peine d’entreprendre des études qui déboucheront sur une inscription à l’ANPE (voir article de F-J. Martin, p. 24 de ce numéro), ou qui naissent dans un contexte familial ou social où même ces études sont pratiquement inaccessibles. On peut comprendre aussi leur quête effrénée, et à tout prix, du plaisir, leur désespoir dans le vide qui suit l’ivresse retombée.

 

 

Vanité des vanités, tout est dérisoire

 

C’est ainsi que l’Ecclésiaste concluait après avoir tout bien considéré : L’homme ne peut comprendre ce qui se fait sous le soleil. … Et même si le sage prétend savoir, en réalité il ne peut comprendre (8.17).

 

Les premiers chapitres de l’Ecclésiaste développent une quête désespérée du bonheur, ou plutôt du sens de la vie tout simplement : Je me suis dis en moi-même : « Va donc, teste les plaisirs, et goûte à ce qui est bon ». Mais cela est dérisoire aussi. (2.1). Et il ajoute : Du rire, j’ai dit : « c’est absurde », et de la joie : « A quoi cela m’avance-t-il ? ».

 

Et pourtant l’écrivain n’était pas prisonnier d’un statut social défavorisé : il était riche, il ne connaissait pas le chômage, et avait les moyens de réaliser tous ses projets (2.10-11) ; c’était un privilégié de la vie : les possibilités intellectuelles et le temps pour réfléchir au sens de l’existence, la satisfaction de se créer des palais (2.4-6), les femmes, les arts, l’argent (2.7-8), toute une cour à ses pieds… rien ne lui manquait.

 

Mais en tout cela, il voyait aussi des limites : le temps qui passait et lui était compté, sa propre incapacité de jouir de tout ce qui s’effaçait avec les années, et surtout les incohérences du monde dans lequel il vivait : une société où les incapables et les vaniteux parvenaient au pouvoir (10.6), où les puissants corrompus s’enrichissaient sans limites et en toute impunité, où les hommes honnêtes et sages étaient écrasés par les profiteurs (ch. 4-5).

 

Et puis, en fin de compte, que lui restait-il, à lui ? A quoi lui servaient les festins qu’il ne digérait plus, les belles architectures qu’il ne voyait plus, les chanteuses qu’il n’entendait plus ? Tout ne devenait pour lui que fatigue (12.1).

 

LEcclésiaste est guetté par le désespoir et la folie (2.17,20). Il constate et affirme qu’à l’horizon humain, la vie n’a pas de sens (2.11) : tout finit dans l’oubli (9.5). Naître pour jouir de quelques plaisirs, dont on sait d’avance l’éphémère, cela n’a aucun sens (2.22 ; 3.16-22 ; 6.12). L’existence humaine est dérisoire, décevante, soumise à la fragilité. L’apôtre Paul le dit à son tour (Rm 8.20). On a vu que d’autres penseurs après eux l’ont compris aussi.

 

Tout cela ne nous est d’aucune consolation ! si l’on en reste à cette lecture du livre de l’Ecclésiaste.

 

 

Mais il y a Dieu

 

Et c’est vers lui que se tourne à plusieurs reprises l’Ecclésiaste, bien avant d’en arriver à la conclusion de son livre.

 

L’existence même de Dieu donne de la valeur et un sens à la vie :

 

  • II a donné à l’homme un esprit intelligent capable d’imaginer l’infini de Dieu (sans en comprendre la totalité). Cet esprit n’est pas soumis à la brièveté de l’existence terrestre (comme peut le penser l’homme qui ne voit pas au delà du cimetière : 2.14 ; 3.22 ; 6.6) ; l’esprit de l’homme a un avenir hors du temps terrestre (12.14).

 

  • Dieu a créé la beauté des choses (3.11) et c’est lui qui donne à l’homme la possibilité d’en jouir (2.24-25 ; 3.13 ; 5.17-19). Joie et bonheur sont légitimes : Dieu prend plaisir au bien-être de l’homme (9.7-9 ; 11.9-10). Le chrétien est exhorté à se réjouir avec ceux qui se réjouissent, et non pas à porter figure sombre tout au long de son existence !

 

  • Si aujourd’hui, la vie semble n’avoir aucun sens, si le mal semble avoir l’avantage sur le bien impunément, ce n’est pas du fait de l’absence de Dieu mais bien de l’homme qui a recherché bien des complications comme le dit l’Ecclésiaste avec euphémisme en 7.29 : en réalité les hommes sont motivés par la rivalité (4.4), la cupidité (5.9), ils sont portés à faire beaucoup de mal (8.11), à pourrir la création pourtant magnifique dans laquelle Dieu a placé l’homme.

 

Ce n’est pas impunément que l’homme se conduit de façon méchante : déjà sur terre, Dieu est attentif à ceux qui font le bien et ils bénéficient de sa bonté (8.12). Certes dans ce monde marqué par le péché, l’injustice règne et parfois atteint même les hommes de bien ; mais à leur malheur aussi Dieu est attentif (7.14 ; 8.14). Et un jour viendra où tout homme devra rendre compte de ses actes, visibles ou cachés, car Dieu est juste (3.17 ; 11.9b ; 12.14).

 

C’est pourquoi tout le livre est ponctué d’avertissements à révérer Dieu, à s’efforcer de pratiquer le bien : 3.14 ; 4.17 ; 5.6 ; 7.2b ; 7.13 ; 8.12 ; 11.9b ; 12.1 ; 12.14. Celui qui réfléchit plus loin que le bout de sa petite existence ne peut pas ne pas chercher Dieu dans cet infini dont il a conscience, qu’il le nie ou non. Et Dieu se révèle à qui le cherche sincèrement : L’Eternel est plein de bonté pour ceux : qui ont confiance en lui, pour ceux qui se tournent vers lui (Lam 3.25).

 

 

Conclusion de l’Ecclésiaste

 

La jeunesse est le moment où l’on choisit les grandes options pour son avenir. Un temps où la maladie et les vicissitudes de la vie n’ont pas encore submergé l’homme d’amertume et de révolte contre Dieu. Le temps où il est encore possible de faire de bons choix, et il n’y en a qu’un qui vaille la peine : Choisir Dieu ! Rechercher sa volonté et en tenir compte avant que ne se rompe le fil d’argent, que ne se brise la coupe d’or, que la poulie brisée ne tombe dans le puits, que la poussière ne retourne à la terre, et que l’esprit ne remonte à Dieu qui l’a donné (Eccl 12.6-7) : en effet, qu’est-ce que l’espace dérisoire d’une vie terrestre face à l’éternité ? Ce serait bien la pire des stupidités que de gaspiller ce temps limité et de perdre une vie éternelle en présence de Dieu !

 

 

J.-P B.

 

 

Quelques étapes de l’enfance et de l’adolescence à l’époque biblique

 Enfants

Le sevrage était marqué par une célébration familiale. Dépasser l’âge du nourrisson était une cause de réjouissance dans ces temps au niveau médical et hygiénique précaire.

Puis l’enfant grandissait. A la maison, les parents lui apprenaient les premières leçons et les premières prières. Les fêtes annuelles étaient une occasion spéciale d’enseignement.

L’école n’existait pas pour la plupart des enfants jusqu’à ce que les rabbins, à la synagogue, prennent le rôle d’enseignants deux ou trois siècles avant Jésus-Christ. Leur instruction était essentiellement religieuse et morale, basée sur la Torah, les cinq premiers livres de la Bible, avec probablement des rudiments de calcul et de littérature. L’éducation à la synagogue se faisait vers six ans, pour les garçons ; en revanche les filles devaient s’en passer. Très vite, les enfants prenaient le chemin du travail pour aider les parents.

L’enfant de l’époque était comparativement plus attaché physiquement à sa maison que beaucoup d’enfants occidentaux de nos jours. Les jeux, le travail, l’éducation et les activités de la famille étaient étroitement intégrés à la maison.

A douze ans, les garçons passaient par la cérémonie appelée « Bar Mitzvah » (ce n’est qu’au 19e siècle qu’une cérémonie équivalente fut inventée pour les filles, la Bath Mitzvah). Un ancien écrit rabbinique « Aboth » décrit les étapes suivantes de la vie : A 5 ans on est apte à comprendre les Ecrits bibliques, à 10 ans la Mishna, à 13 ans les commandements, à 15 ans le Talmud, à 18 ans à se marier, à 20 ans à répondre à un appel, à 30 ans à exercer l’autorité, à 40 ans à avoir le discernement, à 50 ans le conseil, à 60 ans à être un aîné, à 70 ans à avoir les cheveux gris, à 80 ans une force spéciale, à 90 ans un dos courbé et à 100 ans on est déjà mort et on a cessé d’être de ce monde.

 

R.K.

Au 2e siècle le Rabbin Eléazar ben Siméon enseignait qu’un père était responsable des actes de son fils jusqu’à l’âge de 13 ans. Après cet âge, le garçon était considéré comme un membre responsable d’Israël et pouvait faire des voeux, devenir un membre de la synagogue et pouvait être considéré comme légalement responsable1.

 


Note

1. : J. A. Thompson, Handbook of life in Bible Times (IVR 1986), pages 83-85, traduit et adapté par IK.