Eduquer. Une nécessité selon l’Ecriture

 

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par Jean-Pierre Bory

 

 

La Bible n’est pas un manuel d’éducation des enfants, et pourtant elle ne fait qu’enseigner, former, avertir, corriger… Il faudrait avoir l’esprit bien mal tourné pour ne pas reconnaître que dans ce domaine aussi l’Ecriture a quelque chose à nous dire. Nous nous bornerons ici à suggérer quelques pistes à explorer.

 

L’éducation n’est pas l’affaire d’un jour

 

Après avoir choisi à Ur-en-Chaldée le premier patriarche d’Israël, Dieu va prendre son temps pour former son peuple. Au rythme des caravanes, quelques semaines auraient suffi pour conduire Abram de Chaldée en Canaan ; mais Dieu prendra des années, avec une longue étape à Charan, puis trois générations successives, pour qu’enfin naissent les 12 pères des tribus. Et d’Egypte en Canaan, la formation et l’éducation du peuple prendront plus de 40 ans.

 

 

La naissance est l’affaire d’un jour, mais en Israël, on estimait que la croissance et l’évolution de l’enfant jusqu’à sa pleine maturité d’adulte prenaient 30 ans : c’est à cet âge-là que les Israélites pouvaient accéder aux fonctions de responsabilité dans le domaine du culte (Nb 4.35). L’éducation est une affaire de patience.

 

 

Les parents sont responsables de l’éducation de leurs enfants

 

La sanction prise contre Eli est exemplaire : il a négligé l’éducation de ses fils. Ceux-ci devenus grands, Eli essaie vainement de leur parler, ils n’écoutent pas et Eli n’a plus d’autorité sur eux. Il en paie le prix pour n’avoir pas formé ses fils dans leur jeunesse quand ils auraient accepté la parole du père, quand le père aurait pu sévir si cela avait été nécessaire (1 S 2.23-25 et 3.13).

 

C’est l’affaire des deux parents d’enseigner de bonnes règles de vie à leur enfant et de se faire respecter (Pr 1.4 et 8-9).

 

Paul rappelle à Timothée qu’il fut marqué pour la vie par l’enseignement pieux reçu de sa mère et de sa grand-mère (2 Tm 1.5). Et même dans la Nouvelle Alliance, c’est encore la responsabilité des pères d’éduquer (Hb 12.9-10).

 

C’est une démission facile de la part des parents de rejeter sur les instituteurs la responsabilité d’éduquer leurs propres enfants. Si le maître est sévère, exigeant, s’il enseigne de sages principes éthiques et civiques, et que les parents n’ont pas appris le respect de l’autorité à leur enfant avant l’entrée en classe, la tâche de l’instituteur démarre avec un lourd handicap. Et si les parents, à la maison, ne confirment pas et n’appuient pas l’enseignement reçu en classe, par leur propre enseignement et leur propre exemple, le rôle éducatif de l’école sera réduit à néant.

 

« On a beau envisager toutes sortes de recours et de palliatifs en salle de classe, rien ne remplacera l’engagement des parents1. »

 

 

L’autorité et la correction2

 

Un père sans autorité, un père absent, laisse libre champ au développement anarchique de la personnalité chez l’enfant (cf. les fils d’Eli cités plus haut). Au contraire, l’enfant qui a au-dessus de lui une autorité qui le protège et le guide, jouit d’un sentiment de sécurité propice à un développement équilibré de son être intérieur : l’enfant a besoin d’avoir des limites, des marges à ne pas dépasser (Es 48.17-18; Ps 119.9).

 

pere-filsPlus important encore, l’attitude juste et responsable d’un père humain, inscrira en son fils le respect de Dieu (Hb 12.9b).

 

Le châtiment est parfois nécessaire (Hb 12.9 ; le châtiment éducatif est un des principes que Dieu lui-même applique 2 S 7.14 ; Hb 12.10) ; ce n’est pas un manque d’amour, mais plutôt le signe d’un amour intelligent, qui voit plus loin, qui prépare l’avenir de son enfant, qui forme en lui une personnalité capable de réfréner ses pulsions premières et de parvenir à la maîtrise de soi (Pr 13.14, 18, 24). La conception de « l’enfant roi » n’est pas celle que l’on trouve dans l’Ecriture.

 

 

L’équilibre

 

equilibreTrop gâter un enfant (par faiblesse, en cédant à ses caprices pour avoir la paix ; par amour, mais un amour à courte vue hélas) ne produit rien de bon pour l’enfant devenu adolescent : tout lui est dû, il devient plein de suffisance, exigeant, critique à l’égard de ses parents ; il en arrive à les accuser de pingrerie, de manque d’amour quand ses réclamations ne sont plus satisfaites parce qu’elles sont excessives ou déraisonnables… C’est la vie, qui par la suite apprendra au jeune homme inévitablement et avec douleur, l’humilité, la patience, l’obéissance, la considération de l’autre. L’exemple de Joseph, le préféré de Jacob, à qui son père faisait faire les vêtements les plus coû-teux est éloquent (Gn 37.3).

 

L’excès inverse n’est pas meilleur. On a mentionné l’amour partial, la faiblesse, le manque d’autorité du père, mais une sévérité dure, intransigeante, les châtiments injustifiés sont tout aussi préjudiciables à l’enfant (Col 3.20-21). Une sévérité impitoyable ne peut donner à l’enfant l’image d’un Père céleste juste et plein d’amour, et ne fera que le pousser plus tard à la révolte ou au contraire le brisera intérieurement, le rendra timoré (Col 2.21).

 

 

L’éducation commence dès la tendre enfance

 

C’est dans la jeunesse que l’enfant doit commencer à apprendre qu’il existe une autorité représentée par ses parents. Et qu’au-dessus des parents, il y a un Dieu qui sauve (Ex 13.14) et qui a établi des règles que l’on ne doit pas transgresser (Dt 6.20). C’est dans les premières années que se forment le caractère, la personnalité de l’enfant ; l’éducation reçue dans la première jeunesse le marque pour toute sa vie (Pr 22.6). Paul lui-même fut «dès sa jeunesse» enseigné dans la crainte de Dieu (Ac 26.4).

 

L’enfant ne naît pas bon : lorsqu’un mignon et délicieux bébé arrive dans ce monde, la tendance à faire des choses déraisonnables est ancrée dans son coeur (Pr 22.15a). De belles exhortations, de sages raisonnements passeront au-dessus de la tête j d’un bambin de 2 ans, le bâton de la correction est nécessaire (Pr22.15b).

 

Certes ce discours est peu moderne, quand de grandes écoles pédagogiques mettent en avant la nécessité de laisser l’enfant développer spontanément sa personnalité, l’affermir en exerçant ses choix librement. Mais ne nous laissons pas berner : tous ne sont pas d’accord heureusement sur ce point (voir plus loin l’article d’Emilie LANEZ qui cite nombre de psychologues qui reconnaissent la nécessité de la fermeté). Plutôt que de se lamenter sans cesse sur la délinquance grandissante chez les ados, ne faudrait-il pas apprendre aux parents à être de vrais parents ? (voir la citation de Frédérique ANDREANI p.6)3.

 

La sévérité contre les « sauvageons », l’enfermement des jeunes délinquants dans ces « centres fermés » décrétés aujourd’hui par le gouvernement, ne sont que des palliatifs. On ne résoudra le problème de la violence des adolescents et des jeunes qu’en le prenant à la source : lorsque les parents accepteront de jouer leur rôle d’autorité formatrice et de référence envers leurs enfants dès leur petite enfance. Un enseignant jésuite disait : « Laissez-nous vos enfants jusqu’à l’âge de 7 ans, ils resteront ensuite de bons catholiques ».

 

Si les parents des « petite garçons » cités en 2 R 2.23-24 leur avaient appris, à la maison, dès leur premier âge, à ne pas se moquer d’un adulte, fut-il laid ou chauve, ces enfants n’auraient pas perdu la vie.

 

L’enseignement des commandements de Dieu, de la loi de Christ, doit se faire dès la première jeunesse (Pr 1.4 et 8-9).

 

 

Le respect de la personne de l’enfant

 

Cependant la Bible ne confond pas autorité et autoritarisme. Dieu laisse dès le jardin d’Eden une possibilité de choix à Adam et Eve. Au jeune peuple d’Israël, tout en lui montrant la voie à suivre, il laisse le choix entre deux possibilités : suivre ou ne pas suivre les consignes reçues (Dt 30.19). Paul donne d’abondants enseignements et exhortations à ses « enfants » spirituels, mais son objectif est de les faire mûrir, grandir dans la foi, de les rendre capables d’effectuer des choix libres et justes. Il respecte leur liberté (Paul se borne à suggérer avec grand tact à Philémon de libérer Onésime).

 

Il est vrai que les exemples ci-dessus concernent des adultes sur le plan humain, mais la Bible elle-même fait une analogie entre les principes qui s’appliquent à de jeunes croyants et à de jeunes enfants (1 Pi 2.2 ; 1 Co 3.1-2).

 

 

L’exemple de notre Père céleste

 

L’exemple de notre Père céleste devrait nous guider : Celui qui ne tolère pas l’injustice chez ses enfants, qui ne laisse pas les fautes impunies, c’est aussi Celui qui a aimé les pécheurs les plus pervertis au point de donner son propre Fils pour les sauver. Puis à l’égard de ses enfants nouveau-nés en Christ, il reste le parfait pédagogue, avertissant, corrigeant et punissant parfois (1 Co 11.32), mais pardonnant toujours à ceux qui se repentent et reconnaissent leurs fautes (1 Jn 1.9). Il pardonne, mais exige aussi le changement de conduite (Jn8.11).

 

La conscience d’un petit enfant, formée dès son jeune âge à distinguer le bien du mal, sera pour lui une protection et un guide vers le Sauveur.

 

J.-P B.

 


NOTES

 

Citations tirées de : Le Point, du vendredi 14 décembre 2001, n°1526, article : «L’enfant roi», par Emilie lanez. (relevées par A. waechter)

 

1. E. Denimal, Le Christianisme au XXe siècle du 11 mars 2000, p. 3.

 

2. « Corriger (du latin corrigere : redresser) signifie rectifier ce qui dévie ou se déforme, rendre plus exact ce qui est flou et imprécis, ramener à la mesure, à de justes proportions ce qui est excessif, voire outrancier. C’est encore, selon le dictionnaire, soumettre à la règle tout ce qui s’en écarte et améliorer, en supprimant les fautes, ce qui est imparfait. Qu’y a-t-il à redire à cela ? » André Adoul, Nos enfants, « Il n’y a pas d’autorité sans amour. Editions LLB, 1979, p.86. ;

 

3. En couverture, l’Express du 11.6.98 titrait : «Parents-enfants : l’autorité plébiscitée». De nombreux auteurs sont cités, et même le groupe NTM qui chantait cette injonction aux pères : «A l’aube de l’an 2000/Laisse pas traîner ton fils/Si tu ne veux pas qu’il glisse/Qu’il te ramène du vice.»

 

 

L’Ecole des parents

 

« En Angleterre, gérer les rapports avec ses enfants s’apprend désormais en cours du soir. Tout un business ! […] Apparues au début des années 90, les quelques mille classes parentales offertes sur le marché [anglais] couvrent aujourd’hui des thèmes tels qu’Affronter les crises de colère, Régler la rivalité entre frères et soeurs, Développer la confiance en soi des enfants ou encore Apprendre aux petits à manger sain. Un business grandissant. […]

Depuis mars 2000, les magistrats [anglais] peuvent obliger les parents d’enfants ayant eu des démêlés avec la loi à suivre des classes parentales. L’objectif n’est pas d’offrir un manuel sur l’art d’être un bon parent, mais de créer des outils de communication entre parents et enfants. […] Les classes parentales démontrent à qui en doutait encore que le cercle familial n’enseigne plus naturellement les rôles parentaux. Distendues, éclatées, divisées, les familles cherchent désormais auprès des professionnels un apprentissage de substitution.»

Frédérique Andréani Citations tirées d’un article paru dans Le Point du vendredi 25 janvier 2002, n°1532.