La femme du pasteur

 fleurs

par Bernard RUSSO

 

Voilà tout un numéro de Servir où l’on parle de ministères divers… Il y en a un dont il n’a pas été encore question : celui de « La femme du pasteur… « 

 

Bernard Russo est pasteur à Carpentras. Il y a quelques années, pour son mémoire de fin d’études, il avait questionné quelques épouses dont le mari était employé à plein temps dans une Eglise. François-Jean MARTIN en a reparlé avec lui, et puisé dans son travail quelques réflexions et quelques citations qui donnent à réfléchir.

 

 

L’épouse du…

 

On peut parler d’un serviteur de Dieu à plein temps en le nommant « pasteur », mais quand on parle de son épouse doit-on l’appeler « femme de pasteur » ou « femme du pasteur » ? Une seule petite lettre différencie deux conceptions de la place de l’épouse du responsable : la première se considérant épouse et collaboratrice dans le service pastoral, la seconde seulement comme l’épouse et, dans l’Eglise, simple paroissienne.

 

Etre femme de pasteur, est-ce un ministère dans l’Eglise ? ou autrement dit, le fait d’être la partenaire d’un serviteur de Dieu à « plein temps » dans l’Eglise, entraîne-t-il un service spécifique pour l’épouse auprès de son mari, ou dans l’Eglise ? L’épouse du pasteur a-t-elle le droit de concevoir sa place auprès de son mari comme elle l’entend ? Ou bien le ministère de son mari lui impose-t-il des normes de vie ? Et comment vit-on ce « ministère » d’épouse de pasteur ?

 

Il est difficile de parler d’appel de Dieu pour ce service, si l’épouse n’est devenue « femme du pasteur » que par son mariage… mais la vie de beaucoup d’entre elles démontre qu’elles sont à la place voulue par Dieu, que Dieu les a équipées pour un ministère apprécié par leur Eglise, nécessaire, un ministère enrichissant, et un soutien indispensable pour leur mari.

 

 

Ce qu’elle en pense…

 

On peut imaginer que l’épouse du pasteur doit être solidaire de son mari. Et qu’ainsi son ministère consistera à être pour lui une aide et un soutien. Qu’ensemble ils seront un modèle de dépendance du Seigneur… Que comme le pasteur doit avoir certaines qualités pour son service, son épouse devrait rechercher et manifester certaines de ces qualités qu’attend l’Eglise…

 

Pourtant, tout n’est pas toujours si facile !

 

Comme tout chrétien, chaque épouse de pasteur a ses dons, sa personnalité, ses aspirations, ses limites… Voici quelques témoignages divers reçus ici ou là, d’où surgissent des interrogations, peu de réponses, un sens aigu des responsabilités, mais aussi des souffrances :

 

« Je pense avoir un rôle d’encouragement, de conseil, de réflexion commune, de soutien auprès de mon mari dans ses responsabilités pastorales en tant que sa femme et sa partenaire dans le ministère. Je considère aussi que j’ai certaines tâches précises à accomplir en tant que membre de l’Eglise, dont certaines ont un rapport direct avec le ministère de mon mari. »

 

 

 

« Les qualités dont je ressens le besoin sont surtout l’écoute, la discrétion, l’hospitalité. Ce que je peux faire est en rapport avec les dons que Dieu me donne (ils sont donc différents pour chaque épouse de pasteur, ce que l’Eglise ne comprend pas toujours). »

 

 

 

« Cela vaut la peine d’être vécu, mais il y a parfois des moments difficiles à passer. »

 

La solitude revient dans plusieurs réponses :

 

« Nous avons un devoir de réserve qui isole. »

 

 

 

« La solitude pour la femme de pasteur est liée à celle de son mari. »

 

 

 

« Il y a parfois ce sentiment de solitude du fait que l’on ne peut se confier davantage à une personne qu’à une autre dans l’Eglise afin de ne pas y créer des jalousies ».

 

 

 

Et il y a l’image imposée :

 

« Je sens la difficulté de partager mes problèmes parce qu’on est sensée ne pas en avoir… N’est-on pas là pour partager ceux des autres ? N’attend-on pas de moi, de nous, que nous montrions l’exemple ? Est-ce évitable ? »

 

 

 

Et quelquefois ça fait « …mal ! On a l’impression d’un moule dans lequel il faut entrer. »

 

Il y aussi des limites, des barrières que l’on ne peut dépasser :

 

 

 

« En ce qui concerne notre situation financière, il est vrai qu’un salaire de pasteur (quand il y en a un !) peut être considéré comme ‘limite’. Nous avons vécu 7 ans avec un petit salaire et grâce aux allocations familiales. Ce n’était pas toujours évident mais Dieu a été fidèle, et nous n’avons jamais manqué de rien. Dieu a pourvu à tous nos besoins et beaucoup de nos désirs. »

 

 

 

« Nous essayons de préserver notre vie de couple. Je pense que nombre de femmes de pasteur souffrent de l’absence (sinon physique, parfois en esprit) de leur mari ‘trop pris’. »

 

 

 

« La femme du pasteur a les mêmes responsabilités familiales que d’autres et elle doit bien les assumer. Pour moi ce n’est pas tellement une vocation. Je le suis simplement par mariage. Si je suis mariée à un maçon, suis-je maçon(ne) pour autant ? C’est parfois difficile de se sentir coulée dans un moule. Je crois que je dois vivre ma vie chrétienne au meilleur possible et servir l’Eglise dans la mesure de mes capacités. Parfois il faut accepter d’être le ‘bouche trou’, mais que cela ne devienne pas une habitude. »

 

 

 

 

Des réponses ?

 

Plutôt quelques suggestions… Au sein des Eglises et des groupements, une réflexion ne devrait-elle pas se développer sur la place de la femme du pasteur dans le travail pastoral ? Des initiatives devraient être prises afin de reconnaître cette place quand la femme assume sa part de service à côté de son mari. Il faudrait donner des précisions dans le règlement intérieur de l’Eglise sur les lignes générales de ce que l’on attend de l’épouse, ne pas demander plus que ce qui est juste.

 

L’Eglise devrait donc, dans les premiers entretiens avec le nouveau couple pastoral, déterminer les fonctions de chacun (dans un cahier des charges clair) en tenant compte des besoins de l’assemblée, et en même temps des dons du couple, de leur situation de famille, de leur personnalité. Une plus grande information pourrait être donnée au cours de rencontres d’Eglise, mais aussi dans les cours de formation biblique sur le travail pastoral du couple. Ce qui permettrait une meilleure perception de la place de la femme du pasteur.

 

Ce ministère d’aide, de soutien que l’on attend de l’épouse, devrait lui délimiter une liberté d’expression et de service lui permettant de s’épanouir. Son engagement est précieux pour aider son mari à mieux vivre les difficultés du ministère.

 

Même si le travail pastoral est un ministère difficile, il n’en reste pas moins un des plus beaux. Et quand la femme du pasteur partage avec son mari les charges et les joies du ministère, ne devient-elle pas un merveilleux exemple de ce que l’Ecriture appelle le « vis-à-vis de l’homme » ? Mais que les hommes ne pensent pas que leur épouse n’a que le beau rôle et eux le monopole du fardeau ! Laissons le mot de la fin à l’une d’elles qui parlait d’expérience :

 

« Ce qu’il me faudrait : la sagesse de Salomon, la patience de Job, et la peau d’un rhinocéros ».

 

B.R.