Histoire des C.A.E.F.

 

Histoire des C.A.E.F.

 

15ème volet

 

 

par Jean-Pierre BORY

 

 

Un siècle de vie … et maintenant ?

 

En guise de conclusion

 

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce que le Seigneur a réalisé dans ce groupe d’Eglises qui se nomme aujourd’hui « Communautés et Assemblées Evangéliques de France ». Il n’a pas été possible de mentionner toutes celles qui se réunissent ici ou là dans l’hexagone, sans parler de celles qui existent en Corse, à l’Ile de la Réunion, en Guyane, à la Martinique1.

 

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Un travail sérieux d’historien nécessiterait encore bien d’autres consultations d’archives, de recherches de lettres, de documents que possèdent les plus anciens membres de ces Eglises. Il faudrait les visiter, les interroger, rassembler tous ces souvenirs riches en anecdotes émouvantes et parfois cocasses.

 

La parution de ces modestes articles a suscité de l’intérêt, rappelé des souvenirs à certains ; plusieurs ont appris l’origine de leur propre assemblée. D’autres nous ont écrit, précisant ici un détail, apportant là une correction, racontant des faits que nous ignorions. Nous remercions chaleureusement chacun de ceux qui ont contribué à rendre possible cette évocation et pris la peine de nous écrire.

 

Quelques-uns n’ont pas apprécié ces pages rappelant un « passé poussiéreux » sans intérêt pour eux « parce qu’ils ne connaissent pas les personnes » dont ils lisaient les noms. C’est leur droit !

 

Et pourtant n’est-il pas utile de nous souvenir du chemin parcouru, si ce n’est par nous-mêmes, du moins par nos prédécesseurs ? Connaîtrions-nous le Seigneur s’ils n’avaient pas été fidèles ? Nous ne serons jamais que les enfants de ceux qui nous ont précédés, enrichis d’un héritage dont nous avons la jouissance, ou peut-être le poids aujourd’hui. Cela devrait nous donner à réfléchir.

 

Et nous inviter à faire le point.

 

 

Reconnaissance

 

Nous ne pouvons que louer le Seigneur pour tout ce qu’il a permis et béni au cours de ce siècle dans les C.A.E.F. Il a suscité des serviteurs fidèles. D’eux aussi, nous sommes débiteurs. Les débuts étaient souvent héroïques, les pionniers ont fait beaucoup avec bien peu de moyens parfois. Ils ont été des témoins, des défricheurs, des fondateurs. Nous remercions le Seigneur pour ce qu’ils nous ont laissé.

 

 

Défis

 

Aurons-nous aujourd’hui la même vision d’atteindre pour Christ ceux qui l’ignorent ? Le même dévouement, la même consécration ? Malgré les difficultés économiques que nous connaissons, la vie est plus aisée qu’autrefois, le confort, les moyens techniques sans comparaison avec ce qui existait au début de ce siècle. Nous contentons-nous d’en jouir, ou avons-nous à cœur de les utiliser pour mieux faire connaître l’Evangile ?

 

L’histoire montre comment les Eglises, dès la seconde génération, voient le niveau de leurs membres s’élever sur le plan social, matériel, dans le domaine de l’éducation (accent sur le développement intellectuel, meilleure gestion des biens matériels…). Et pour parler crûment, les Eglises ont généralement tendance à s’embourgeoiser, à se sentir bien dans leurs murs, à s’endormir dans le confort. Saurons-nous en être conscients et réagir ? Et conserver la priorité au Seigneur ?

 

 

Interrogations

 

II y a quelques années, Kevin G. Dyer, s’interrogeait : « Est-ce que les Eglises de Frères doivent mourir ?2 » tout en énumérant quelques-uns de leurs points faibles et en suggérant des pistes de réflexion.

 

Il faut reconnaître qu’en France, un certain nombre de nos assemblées ont disparu, ont fermé leur local. D’autres sont en grande difficulté aujourd’hui. Cela ne devrait-il pas nous amener à nous arrêter pour faire un bilan et prier le Seigneur de nous aider à regarder si nous sommes sur une mauvaise voie (Ps 139.24) ?

 

 

 

Options personnelles

 

Où en suis-je dans ma propre vie ? Quelles sont mes priorités ? Mes choix de carrière ? La gestion de mon temps, de mon salaire ? A quoi est-ce que je consacre mes qualifications personnelles ?

 

Car l’Eglise dont je fais partie n’est pas que l’affaire des anciens ou du missionnaire. J’en suis une composante. Si elle piétine, s’endort et m’ennuie, j’en porte une part de responsabilité.

 

 

Orientation de l’Eglise

 

Quelle est notre vision pour la croissance de notre Eglise ? Avons-nous réfléchi comment atteindre par l’Evangile les quartiers environnants ? Comment parvenir à créer une nouvelle Eglise dans l’agglomération voisine ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller personnellement, à renoncer à certains avantages légitimes, pour parvenir communautairement aux objectifs envisagés ?

 

 

Bilan

 

Dans la colonne de l’actif

 

Les « Frères » , parmi d’autres, ont remis en honneur la recherche d’une véritable unité spirituelle avec les autres croyants, quelle que soit leur étiquette ecclésiastique. Ils ont aussi redécouvert la pluralité des ministères dans l’Eglise locale, la collégialité dans la direction de l’assemblée. Reprenant les accents de Calvin, ils ont proclamé avec force leur foi en l’Ecriture, en son inspiration plénière.

 

Ils se sont élevés contre une critique libérale et destructrice du message évangélique du salut. Ils sont demeurés fidèles année après année, prêchant l’évangile de villes en villages, créant de nouvelles Eglises, y consacrant leur vie. Elles ont fidèlement soutenu le travail missionnaire, au Tchad en particulier.

 

Du côté du passif

 

L’accent sur la fidélité a conduit parfois à l’étroitesse d’esprit, à la critique et à la séparation d’avec d’autres croyants, à des divisions à propos de points secondaires par rapport aux fondements de la foi.

 

Cet accent sur la fidélité et la simplicité de la foi, en réaction contre l’enseignement libéral des facultés de théologie, a malheureusement entraîné le rejet des études, de la formation théologique et biblique (en oubliant que les premières assemblées en Grande-Bretagne, en Suisse, et bon nombre d’autres par la suite, ont été créées par des pasteurs, des universitaires bien formés dans la connaissance théologique…).

 

La fidélité aux enseignements des anciens a trop souvent dérivé vers une orthodoxie figée qui a induit la méfiance vis-à-vis des « jeunes » (parfois déjà quinquagénaires…) qui souhaitaient prendre quelque initiative. Ou pire, elle a voilé la vision d’un témoignage dynamique, elle a effacé le contenu de la mission qu’a confiée le Christ à ses disciples (récemment un frère responsable constatait avec tristesse que le développement de son Eglise passait par la reproduction biologique, plutôt que par l’évangélisation).

 

L’accent sur la pluralité des ministères a amené à la non reconnaissance des ministères dans certaines assemblées, au refus de nommer des anciens, au refus du ministère pastoral, alors que, paradoxalement, bon nombre de nos assemblées ont été conduites (ou le sont encore) par un homme seul, souvent qualifié, parfois peu capable, mais dont la parole prédomine, ne permettant pas à d’autres ministères de se manifester dans la communauté.

 

L’accent sur la souveraineté et la liberté de l’Esprit a conduit au rejet de statuts, de règles de fonctionnement pour la direction de l’Eglise, laissant les personnalités les plus fortes s’imposer sans contrôle (quand ce n’est pas la rivalité des chefs…).

 

 

Les résultats

 

Le bilan est-il négatif ? Le long paragraphe ci-dessus pourrait le laisser entendre. Mais il faut aussi se souvenir des Eglises qui se renouvellent aujourd’hui, de celles qui essaiment, de l’engagement fidèle dans la prière et la libéralité de nombreux frères et sœurs, des multiples jeunes ouvriers soutenus dans l’oeuvre missionnaire, dans des ministères ecclésiaux, dans des œuvres évangéliques…

 

Et surtout de la fidélité du Seigneur, qui malgré nos faiblesses, nos lacunes, a permis à nos assemblées de se développer, de s’affermir.

 

Le bilan peut être positif, et le devenir de plus en plus, si nous savons garder les yeux fixés sur le Christ, acceptant le rôle et l’attitude de disciples, attendant tout du Maître, prêts à tout donner pour le Maître.

 

Qu’il nous fasse la grâce de le servir en l’attendant, et d’être tous trouvés fidèles lors de son prochain retour (Mt 24.46 ; 1 Co 4.2) !

 

J-P. B.

 


 NOTES

 

1. Pour la Martinique, voir Servir n°2 de mars-avril 1997, p.10-13.

 

2. Kevin G. Dyer, Must Brethren Churches die ? (Exeter : Partnership Edit. 1991), 79p.