Aimer, accueillir, accompagner

 mains2_2009

 

par Jean-Philippe BONNETOT1

 

 

 

 

 

L’équipe des collaborateurs au Bercail, Maison Evangélique d’Enfants à Caractère Familial à Guebwiller, est composée de douze personnes faisant partie du personnel de l’institution.

 

 

Lors d’une récente retraite spirituelle avec les membres du Conseil d’Administration, elle s’est appliquée à rechercher un mot d’ordre pour la poursuite de son action auprès d’enfants dont les familles sont en difficulté.

 

 

Nous partagerons avec vous quelques-unes de ses conclusions.

 

Le mot d’ordre reçu se compose de trois verbes : aimer, accueillir, accompagner. Le verbe, en français, peut désigner aussi bien un état qu’une action. Dans le cas présent et s’agissant d’action éducative, il convient d’abord « d’être » pour pouvoir ensuite « faire ». La Bible dit : « C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle » (Lc 6.45)

 

 

« Aimer » …

 

ce verbe est probablement celui qui caractérise le plus l’homme. Or ce dont on parle le plus, ce qui est le plus visible, le plus fréquent, le plus annoncé, c’est la carence, le mal d’amour. Pourtant il y a aussi l’amour qui donne, qui se donne.

 

Aimer émane d’abord d’un choix

 

II s’agit de refuser l’indifférence ; refuser d’y céder mais aussi s’engager aux côtés de ceux qui ont trop souffert. C’est accepter de soutenir, de répondre au regard d’angoisse de l’enfant qui n’ose plus croire à l’affection et à la confiance. C’est aussi choisir de se laisser atteindre par ce que l’autre éprouve : colère, révolte, haine, méchanceté, rejet, détresse, quête envahissante d’affection… C’est choisir de ne pas rejeter, à notre tour, ce que cela nous fait vivre ; de ne pas renvoyer ou bousculer l’enfant ; de ne pas le laisser seul face à ses sentiments… Cela pourrait aussi s’appeler la miséricorde (1 Co 13).

 

Aimer représente un choix pédagogique qui va privilégier un mode de vie et des valeurs directement inspirés de l’enseignement de l’Evangile. C’est croire qu’il est possible de transmettre des valeurs comme la vérité, l’honnêteté, le respect de l’autre, le sens du devoir, de la responsabilité (Dt 6). C’est croire aussi qu’il est possible de montrer toute la puissance de vie et de guérison qui est contenue dans la pratique du pardon reçu et donné (2 Co 5.7).

 

Aimer représente une volonté

 

Il s’agit de mettre en œuvre l’amour au travers de nos attitudes, de nos réponses. L’amour est volontaire dans ce qu’il contient l’ambition en faveur de celui qui est aimé. Il est animé du souci de se mobiliser, de le mobiliser pour lui-même, de le protéger. C’est l’amour qui nous pousse à agir sur l’environnement en faveur de celui qui nous est confié, à agir sur sa personne en vue de sa croissance. C’est aussi l’amour qui nous invite à choisir pour but de le conduire vers la maturité, vers l’accomplissement qui le rendra capable d’aimer à son tour (2 Tm 2.2).

 

 

Accueillir…

 

ou le deuxième guide de notre approche pédagogique. Le versant le plus connu de ce verbe prend corps dans le concept d’hospitalité (Mt 10.40-42). De même que dans le chapitre précédent, notre approche consistera à conjuguer ce verbe sur les deux facettes du choix et de la volonté.

 

Accueillir est un choix

 

C’est refuser de laisser un enfant seul face à lui-même, face aux circonstances familiales et sociales qui auront été jugées suffisamment préjudiciables pour qu’une décision d’intervention soit prononcée. C’est refuser la rupture, refuser que le lien se casse. « Refuser que le lien d’origine se casse » devient alors : tendre la main aux familles en difficulté. C’est reconstituer une histoire personnelle, aider l’enfant à se situer dans les circonstances de sa vie.

 

« Refuser qu’au quotidien le lien se casse » revient à lutter contre toute distance relationnelle qui pourrait s’établir entre l’enfant et nous. C’est faire le pas du pardon, aller à la recherche de la relation que l’enfant rejette pour un temps ou par habitude. C’est refuser, envers et contre tout, la rupture de la relation. Ne pas renoncer ni abandonner, parce que l’on a choisi qu’il en soit ainsi.

 

Accueillir, c’est le choix d’une approche pédagogique telle que la Bible nous la propose. C’est considérer que l’enseignement de l’amour du prochain est particulièrement adapté concernant l’enfant en difficulté. C’est croire que l’amour enseigné et inspiré par Jésus-Christ est véritablement efficace lorsqu’il s’agit de panser un être blessé ou meurtri (Mt 5.4, 6).

 

Accueillir est une volonté

 

Cette volonté nous dicte de nous tourner à nouveau vers l’autre, que ce soit celui qui arrive, ou celui qui revient. Cette volonté nous rend disponible, au-delà de nos états intérieurs et de nos sentiments.

 

Cette volonté nous fait renoncer à nos désirs pour nous consacrer en priorité aux besoins de l’autre.

 

 

Accompagner

 

Le troisième mot de notre titre pourrait représenter avant tout le refus de la routine et la volonté de se rappeler que l’on a choisi d’être là et donc de mobiliser sa volonté pour rester attentif à l’enfant. C’est aussi remettre en cause la perception que l’on a de lui, lui accorder le droit d’évoluer et rester vigilant pour ne pas l’enfermer dans une caricature ou un rôle, un personnage.

 

Accompagner l’enfant, c’est voir tous les progrès qu’il est ou sera capable de faire.

 

C’est voir en lui un bénéficiaire de la grâce divine qui restaure, guérit, met en liberté (Rm 8.2), qui anoblit l’être humain pour en faire un fils ou une fille de Roi.

 

Conforme à l’enseignement biblique, accompagner caractérise une attitude pédagogique. Elle repose sur le fait que l’enfant doit être formé, enseigné, éduqué (Dt 4.9, Ep 6.4). Il y a donc, dans l’accompagnement, une volonté précise : transmettre la connaissance intellectuelle, la pratique des actes de la vie courante, les « savoir-faire » et les « savoir-être ». Transmettre se complète par préparer, armer : rendre l’enfant capable d’affronter la vie et la société avec la capacité de faire des choix et de les tenir.

 

Enfin, accompagner se réalise dans « affermir »,

 

faire du jeune homme ou de la jeune fille un être accompli « propre à toute bonne œuvre » c’est-à-dire avec des choix de vie établis et une ligne de conduite déterminée.

 

N’avons-nous pas été aimés, accueillis par le Père et le Fils, ne sommes-nous pas nous-mêmes accompagnés par l’Esprit ?

 

C’est la prise de conscience de ces réalités, c’est la présence et l’action de Christ en chacun de nous qui rend ce modèle pédagogique vivant et pertinent depuis bientôt cinquante ans au Bercail.

 

J.Ph. B.

 


NOTE

 

1 Jean-Philippe et Edith Bonnetot sont directeurs depuis un an du BERCAIL qui fête ses 50 ans cette année (voir article suivant dans ce même numéro de SERVIR)