Réflexions sur l’occultisme

 crash

 

 par François-Jean Martin

 

 

 

 

Plusieurs lecteurs ont souhaité que Servir aborde plus largement des questions de théologie pratique. L’attitude à tenir face aux multiples manifestations de l’occultisme en est une. Et la rédaction a demandé à F.-J. Martin de résumer le contenu de notre foi sur ce point.

 

Je souhaite commencer cet article en proclamant clairement ce que je crois parce que Dieu le dit sans ambiguïté dans sa Parole1.

 


 

I. Ce que je crois

 

1. Satan ou la réalité du mal

 

Je crois en l’existence du diable, esprit malfaisant, déchu, et à ses cohortes de serviteurs les démons.

 

Je crois qu’il ne s’agit pas seulement d’une force, mais d’une existence personnelle.

 

Je crois qu’il est l’adversaire (sens du mot satan en hébreu) de Dieu, de ses plans, des chrétiens, des êtres humains et de la création en général, en tant qu’oeuvres divines.

 

Je crois que le diable2 est une créature de Dieu, car la Bible nous dit : « Toutes choses ont été créées par Christ, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, souverainetés, principautés, pouvoirs » (Col 2.15). Les êtres démoniaques sont certainement compris dans cette liste car, dans la même épître, l’apôtre Paul déclare que le Christ « a dépouillé les principautés et les pouvoirs et en a triomphé par la croix », ce qui ne peut s’appliquer qu’aux esprits du mal. Ils n’existent donc pas de toute éternité comme Dieu.

 

Je crois que Satan et ses démons n’ont pas été créés mauvais, car tout ce que « Dieu avait fait, était très bon » (Gn 1.31) et que le mal ne peut avoir son origine en Dieu ; mais que ces êtres ont chuté3.

 

Je crois que Satan est un esprit (Ep 2.2) et qu’il est grotesque de lui prêter des représentations folkloriques. Il me semble qu’il est plus souvent présent au départ sous des aspects plaisants, qui attirent, qui trompent, qui mentent. N’est-il pas le père du mensonge (Jn 8.44) ?

 

2. La victoire du Christ

 

Je crois que Satan est un être puissant, mais pas tout-puissant. Il est le prince de ce monde, mais il ne peut aller au-delà des bornes que Dieu lui a assignées et auxquelles il est tenu d’obéir. Nul n’échappe à la souveraineté de Dieu (Jb 1.12 ; 2.6). Ainsi, il se présente devant Dieu, avec les autres créatures, il répond aux questions, il obéit aux limites et aux ordres de Dieu et de Jésus sur terre (Jb 1.2 ; Mt 6.10-11).

 

Je crois qu’il est l’adversaire des oeuvres de Dieu, des hommes et surtout des croyants. Il les accuse devant Dieu (Jb 1 et 2 ; 1 P 5.8). Cependant nous n’avons pas à craindre, car en Jésus-Christ nous avons un avocat, auprès du Père (1 Jn 2.1-2), qui a remporté la victoire une fois pour toutes sur la croix (Gn 3.15 ; Col 2.15), et à notre tour, nous participons au défilé de triomphe (2 Co 2.14) et nous pouvons en Christ vaincre le diable (Ap 12.11).

 

Je crois que la victoire du Christ est déjà acquise, qu’elle est certaine, et que l’avenir du diable et des démons est l’enfer où ils seront jetés (Mt 25.41 ; Ap 20.10) à la fin des temps «non pas pour en être le sinistre souverain et y tourmenter les autres, mais pour y être lui-même tourmenté aux siècles des siècles4 ».

 

3. La délivrance

 

Je crois qu’un des aspects de l’action des démons est celui des démonisations, on parle souvent de possessions. Un ou des démons font leur demeure dans un être vivant et le dominent pour son malheur, ils le détruisent, le poussent à s’autodétruire. Ils assujettissent l’homme, et portent atteinte à sa dignité, à tout ce qui est image de Dieu en lui. Mais ils ne peuvent empêcher la délivrance que Dieu peut opérer en cet homme. Jésus-Christ a libéré de nombreux possédés et a communiqué ce pouvoir à ses disciples (Luc 10.17-19) et il le fait encore. Le possédé manifeste surtout une hostilité fanatique envers le Christ, sa parole et sa croix. C’est d’ailleurs un signe qui permet de discerner la possession.

 

Je crois que chasser les démons n’est pas une bagatelle et qu’il ne faut pas se lancer à la légère dans des tentatives d’exorcisme. Cependant même si nous croyons que Dieu qualifie des chrétiens à ce service et leur donne le discernement nécessaire, je crois que tout ancien (ou pasteur) peut être amené à le faire si le Seigneur met devant lui un tel cas.

 

Qu’il sache que Jésus nous donne autorité sur ces questions et qu’il a vaincu pour nous. Cependant, il faut veiller à ne pas le faire seul. Un tel combat spirituel peut être long et demande du temps dans le jeûne et la prière. On associera avec profit à cette démarche le conseil des anciens ou de diacres et même parfois l’église entière.

 

Je crois cependant qu’un chrétien, c’est-à-dire un être humain né de nouveau ne peut être la victime d’une possession véritable, puisque la place en lui est déjà occupée par le Saint-Esprit. On ne peut appartenir à deux maîtres. On ne peut participer à deux communions, celle des démons et celle du Christ.

 

Cette affirmation est biblique et toute expérience quelle qu’elle soit, surtout en face du père du mensonge, ne peut contredire la parole. Comment expliquer alors certaines situations ? Je ne prétends pas tout comprendre, mais m’appuyant sur ce qui est sûr, la Parole, je ne vois que deux solutions :

 

– Il y a possession, et alors ces personnes ne sont pas converties même si elles manifestent des signes religieux non négligeables (Mt 7.21 -27 ; 25.1-12).

 

– Il y a eu conversion, mais alors il n’y a pas possession ; ce qui n’empêche pas la réalité de l’oppression. Satan reste un lion rugissant qui rôde autour de nous cherchant à nous dévorer (1 P 5.8). Le Seigneur Jésus-Christ, par Paul, nous pousse à tenir ferme contre le diable et à nous revêtir de toutes les armes de Dieu (Ep 6.10-17). En effet, c’est un combat spirituel que nous avons à vivre (Ep 6.12). Et dans ce cas nous avons aussi besoin de délivrance et en Jésus nous pouvons l’obtenir. « Soumettez-vous à Dieu, résistez au diable et il fuira loin de vous » (Je 4.7).

 

 

II. Quelques réactions à des actualités

 

II découle, de ces quelques vérités bibliques, un certain nombre de considérations sur des courants qui traversent le monde évangélique ces dernières années. Le diable existe, ouvrez votre journal, la radio, votre poste de télévision, sortez dans la rue et vous le rencontrerez, vous le verrez à l’oeuvre.

 

1. Diable, y es-tu ?

 

Nous vivons comme sur bien d’autres sujets l’éternel mouvement de balancier. Après l’impact du rationalisme, qui niait tout ce que l’homme ne pouvait expliquer par sa raison, et qui a vu, même en théologie, nier la notion de miracle ou l’existence du diable ; on voit à présent, dans la société en général, après l’écroulement de tous les idéaux rationnels, le retour et le « triomphe » de l’irrationnel et du paganisme.

 

Cette fin de millénaire encourage dans ce sens. En réaction, avec la première attitude de rejet, marquée par les modes du présent siècle et à cause du réel regain de l’occultisme, on voit se multiplier dans les églises toutes sortes de pratiques et d’ouvrages qui amènent les chrétiens à ne se préoccuper plus que de cela.

 

Dans les deux cas l’Adversaire atteint son but ; dans le premier cas il fait croire qu’il n’existe pas, dans le second il amène les gens à ne s’occuper que de lui, y compris des chrétiens qui semblent le voir sous la moindre pierre qui les fait chuter et sous chacun des traits de caractère de leur personne. Ainsi on voit poindre une foule d’ouvrages parlant du diable ; l’ayant comme sujet, certains sont de véritables traités gnostiques décrivant les différents cercles démonologiques dans le menu détail.

 

Tout cela est malsain, donne au diable une place qu’il n’a pas à occuper, et pousse la curiosité malsaine des gens vers l’occultisme même si c’est de façon indirecte.

 

La réalité de la victoire du Christ est ainsi occultée. Ces frères et soeurs ont-ils oublié la réalité de la grâce et de la victoire du Christ ? La culpabilité et la crainte semblent les écraser. Christ est ma victoire et ma vie ! Qu’aurais-je donc à craindre ?

 

2. Sus au diable !

 

On voit aussi se développer des doctrines enseignant que des centaines de démons habitent dans la plupart des chrétiens (nés de nouveau). Nous redisons que cela n’est pas biblique. Il s’en suit des pratiques de délivrances curieuses. Ainsi sont organisées des réunions régulières de « nettoyage » réservées aux chrétiens où l’on chasse des dizaines de démons.

 

Je ne vois cela nulle part dans la Parole, je n’y lis pas de séances d’exorcisme collectives et je ne peux que m’insurger contre de telles pratiques. Même si elles ne sont pas conçues et présentées ainsi par leurs responsables (dont le zèle et la foi envers le Christ ne sont pas ici mises en doute), elles rappellent par trop de fausses compréhensions de la sanctification. Cette dernière reste un combat, et même si on peut, comme Naaman, souhaiter être délivré par des invocations et des agitations de mains (2 R 5.11), elle reste un effort à vivre journalièrement pour laisser l’Esprit de Dieu agir en nous.

 

Point n’est besoin de voir le diable sous tous nos travers de caractère (colère, emportement, manque de maîtrise de soi, impudicité). Il est cependant évident qu’il peut en profiter pour nous oppresser, que ces travers sont des portes d’accès dans notre cuirasse et que nous avons besoin d’en être libérés ; et c’est justement là le but de la sanctification.

 

L’Ecriture n’encourage pas la spéculation philosophique sur ce sujet, elle s’en tient toujours aux besoins pratiques de l’humanité, attirant l’attention sur la responsabilité de l’homme. Le chrétien d’aujourd’hui serait sage d’agir de même.

 

3. Ont-ils fréquenté le diable ?

 

L’introspection familiale à la recherche des péchés des ancêtres, pour être libéré soi-même du pouvoir de l’Adversaire, est une autre pratique malsaine.

 

a) La faute à qui ?

 

Nous affirmons, là encore, que cette pratique n’est pas biblique et que chaque être humain est responsable pour lui-même (Ez18). « Je suis vivant ! » dit le Seigneur l’Eternel (affirmation forte), vous n’aurez plus lieu de dire le proverbe en Israël : « Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants en ont été agacées » (nous aurions dit : les parents boivent et les enfants trinquent)… « l’âme qui pèche, c’est celle qui mourra, le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils ».

 

Le résultat de telles recherches est malsain et mon expérience est que cela précipite les gens dans des culpabilisations qui, elles, sont du diable, et qui les entraînent à se croire maudits, perdus, et poussent les personnes fragiles à la dépression et au suicide. Voilà où est vraiment l’oeuvre du diable ; l’Esprit ne peut pousser les hommes à ces extrémités.

 

b) Jusqu’à la 3ème et 4ème génération

 

On cite toujours à propos de ces doctrines, les versets 5 et 6 du chapitre 20 de l’Exode qui disent : « Dieu punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, comme il fait miséricorde jusqu’à la millième génération à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements ».

 

Passons sur le texte d‘Ezéchiel qui souligne que dans la nouvelle alliance on ne dira plus cela, pour nous intéresser au sens du texte de l’Exode. Ce texte, mis dans le cadre de l’obéissance aux 10 commandements, met en exergue une vérité profonde, c’est la différence entre la portée de la malédiction – conséquence de la désobéissance – et celle de la bénédiction – conséquence de l’obéissance. Il n’y a, entre les deux, aucune commune mesure : là où le péché a abondé, la grâce a surabondé.

 

Voilà la leçon première de ce passage, et ne pas y voir cela c’est passer à côté de l’essentiel. Et pour mieux souligner cet aspect, si l’on veut lire le texte littéralement, il faut le lire entièrement : et prises littéralement, mille générations dépassent largement le temps qui sépare notre époque de celle d’Adam.

 

c) Hérédité et responsabilité

 

Nous ne pouvons dire cela fort et haut, et ne pas voir la réalité de la solidarité humaine et plus encore familiale. Il n’est pas surprenant que les fautes commises par un homme, aient des conséquences sur son entourage et sa progéniture. Cependant cela ne signifie pas que Dieu nous tienne pour responsables des fautes d’autrui… « Nous pouvons supporter les conséquences des fautes que d’autres, en particulier nos ancêtres, ont commises, mais Dieu ne saurait nous tenir pour coupables pour des péchés qui ne sont pas les nôtres. Il faut faire une nette distinction entre l’hérédité, en vertu de laquelle la conduite de nos pères rejaillit sur nous et la responsabilité qui résulte uniquement de notre conduite personnelle5 ».

 

En fait, même la réalité du pardon donné par Dieu, suite à la repentance et à la confession, ne délivre pas obligatoirement sans exception de toutes les conséquences fâcheuses des fautes passées. Ainsi, David reçoit un plein pardon de son crime, mais il doit en supporter le châtiment sur le plan terrestre (1 S 12). Mais la réalité du châtiment ne compromettait pas la réalité du pardon.

 

Il n’y a donc pas lieu de chercher anxieusement si l’on a eu parmi ses parents, grands-parents, et arrière grands-parents des gens qui ont touché à l’occultisme. Si nous l’apprenons, nous nous devons de ne pas agir de la même manière, mais nous n’avons pas besoin de nous en humilier, comme si nous en étions personnellement coupables.

 

Evitons aussi les enquêtes indiscrètes qui n’aident en rien, l’amour a tendance à couvrir les péchés plutôt qu’à les publier (Pr 10.12). N’oublions jamais que le sang de l’Agneau sans défaut et sans tache, Jésus-Christ, nous rachète parfaitement de la vaine manière de vivre que nous avons héritée de nos pères (1 P 1.18-19).

 

Si une chose que nous avons apprise sur nos ascendants nous inquiète, nous trouble ou nous horrifie, remettons-la à Dieu, non que nous en soyons coupables, mais pour nous délivrer de ce que peut produire en nous ce type de connaissance.

 

Conclusion

 

Je crois au besoin de prendre au sérieux la Parole de Dieu qui publie la réalité de Satan et des démons, et la réalité de la victoire de Christ sur eux à la croix dont nous jouissons.

 

Je crois au besoin de délivrance et au besoin de retrouver le ministère de chasser les démons.

 

Je crois que les anciens doivent veiller à enseigner clairement sur ce sujet et à discerner les esprits, à les éprouver (les coeurs pour nouveaux convertis et pour les candidats au baptême devraient toujours permettre d’aborder ce sujet, avec eux).

 

Je crois que l’occultisme est un péché, une abomination devant Dieu (Dt 18.9-12), c’est-à-dire quelque chose d’abominable, provoquant chez Dieu un sentiment d’horreur, de répulsion et devant être évité à tout prix.

 

Mais ce terme n’est pas réservé à l’occultisme, il désigne aussi d’autres péchés, comme l’idolâtrie (Dt 7.25-26), l’homosexualité (Lv 18.22), la prostitution (1 R 14.24), la malhonnêteté commerciale (Dt 25.15-16 ; Pr 11.1), le coeur hautain (Pr 16.5) ou pervers (Pr 11.20), la confusion sexuelle (travestis, Dt 22.5), la prière sans obéissance (Pr 28.9), la religiosité hypocrite (Pr 15.8), le mariage avec les inconvertis (Ml 2.11).

 

Sans vouloir minimiser l’occultisme nous remarquons que « la désobéissance est aussi coupable que la divination (l’occultisme) et la résistance ne l’est pas moins que l’idolâtrie » (1 S 15.23).

 

Essayons de rester équilibrés dans toute cette confusion, cela n’est possible qu’en restant sur la base de la Parole et rien que la Parole. Puisse le Seigneur nous éclairer sur ce qui existe ou qui va venir encore.

 

F-J.M.

 


 NOTES

 

1. Cet article n’étant pas un traité de démonologie, il réduit les références à l’essentiel. Ceux qui désirent approfondir le sujet consulteront avec profit :

Le Nouveau Dictionnaire Biblique (articles sur le diable, le mal, le serpent, Ed. Emmaüs).

Le Précis de Doctrine chrétienne de J.-M. Nicole (1983, Ed. de l’Institut biblique de Nogent, pp. 95 ss.).

Frères, je ne veux pas que vous ignoriez, de TC. Hammond (1977, Ed. Farel).

Il existe, hélas, à l’heure actuelle toute une foule de livres sur le diable et les délivrances qui suscitent un intérêt malsain pour celui qui n’en mérite aucun, et qui sont fondés sur des expériences souvent douteuses et non sur la Parole de Dieu.

 

2. Les traducteurs juifs de la Septante, version grec-que de l’Ancien Testament, au 3e siècle avant J.-C., ont traduit le mot satan, par diabolos, qui signifie calomniateur, accusateur.

 

3. Le mystère de l’origine du mal reste total. Dieu n’ayant pas jugé nécessaire de nous en dire plus sur ce sujet. Cependant certains exégètes voient des allusions à ce sujet dans les textes d’Esaïe 14 et d’Ezéchiel 28, car certains des termes ne peuvent s’employer pour des hommes. Dans ce cas, le diable serait tombé par orgueil.

 

4. J.-M. Nicole, op. cit., p. 98.

 

5. J.-M. Nicole, « Réflexions sur les péchés d’occultisme », Ichthus n° 25/juillet-août 1972.