Temoignage

 

Témoignages sur la violence

 

 

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J’ai été agressée… mais j’ai pardonné

 

 

dialogue-2Emma, peux-tu nous dire quelques grandes lignes de ta vie ?

 

Je me suis tournée vers le Seigneur pendant la guerre, par le témoignage de mon employeur chrétien. Après la guerre, je me suis jointe au groupe de chrétiens de « La Bonne Nouvelle » de Strasbourg qui se réunissait à Barr.

 

J’ai exercé comme agent d’entretien à la lingerie du lycée technique de jeunes filles de Strasbourg et plus tard au collège de Barr.

 

J’ai servi le Seigneur, de longues années durant, comme cuisinière des camps et colonies de l’association de jeunesse « Joie de Vivre » des Eglises « La Bonne Nouvelle ».

 

dialogue-2Tu as subi une agression en pleine rue. Peux-tu nous raconter les faits ?

 

Il y a 2 ans, au mois d’octobre 2003, un vendredi, alors que j’allais faire des achats à Barr, j’avais laissé ma voiture sur un parking et je m’en allais à pied lorsque, sans que je m’en rende compte, un jeune homme s’est approché de moi et, en m’arrachant mon sac à main, m’a projetée à terre et s’est enfui. J’ai crié « Non ! Non ! ».

 

Comme c’était en face de la caserne des pompiers, plusieurs d’entre eux ont été alertés par mes cris. Alors que deux d’entre eux accouraient pour me relever, deux autres ont poursuivi le jeune homme et l’ont rattrapé et maîtrisé. Ils ont aussi récupéré mon sac à main.

 

J’étais blessée, mes lunettes m’avaient entaillé la joue et je saignais abondamment. Le médecin qui a été appelé m’a soignée, puis les pompiers m’ont accompagnée, en emmenant aussi mon agresseur, pour faire une déposition à la gendarmerie.

 

Mon agresseur était un jeune homme de 22 ans environ. A peine étions nous parvenus à la gendarmerie, la maman du jeune homme, adjointe au maire d’un petit village de la région, est arrivée, puis son père. Ils ont manifesté leur désarroi et leur consternation devant ce qui s’était passé. Ils ont fait état qu’ils n’avaient plus de relations avec leur fils depuis plusieurs années.

 

Les gendarmes ayant proposé à la maman de voir son fils, je lui dis : « Dites-lui que je lui pardonne ! »

 

Un peu plus tard, moi-même étant introduite dans le bureau où le jeune homme était interrogé, je l’ai questionné : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » II me répondit : « Avec mon copain, nous voulions de l’argent pour aller acheter de la drogue à Strasbourg ». Je n’avais en fait que dix euros dans mon sac à main !

 

Après quoi j’ai fait ma déposition et les gendarmes m’ont raccompagnée à la maison et se sont occupés de ma petite-nièce que j’aurais du prendre à la sortie de l’école.

 

Dans la soirée, j’ai téléphoné à l’un des pasteurs de mon Eglise pour raconter ma mésaventure. Celui-ci est venu me visiter le lendemain matin et, alors qu’il était là, les parents du jeune homme sont arrivés pour prendre de mes nouvelles. Cela a été l’occasion d’un échange entre le pasteur et eux sur les difficultés qu’ils vivaient ; leur fils avait quitté le foyer et coupé les relations avec eux. Cela a gagné leur confiance et ils ont vidé leur coeur à propos de leur fils.

 

L’un des gendarmes, habitant le village, est venu pour me prévenir que le mardi il faudrait me présenter au Tribunal pour le jugement de cette affaire.

 

Je me suis fait accompagner par mon pasteur. Mon agresseur a été condamné à 10 mois de prison ferme ainsi que des dommages et intérêt. La maman du jeune homme était là, en pleurs. Le complice a été condamné également.

 

dialogue-2Où en sont les choses aujourd’hui ?

 

D’une part, les parents ont cherché à garder le contact avec moi. Ils me visitaient presque chaque semaine. Cela m’a donné l’occasion de leur témoigner de ma foi. Ils m’ont assez rapidement demandé une Bible et je leur ai aussi procuré le « Lecteur » de la Ligue pour la Lecture de la Bible. Plus tard ils m’ont demandé le calendrier « Vivre Aujourd’hui ». La découverte de la Parole de Dieu était nouvelle pour eux qui sont catholiques.

 

D’autre part, le jeune homme m’a écrit depuis la prison et m’a dit qu’il regrettait son acte. En effet, je demandais à chaque fois à ses parents de le saluer de ma part quand ils le visitaient en prison. C’était la première fois qu’il agressait quelqu’un. J’ai appris que, dans la prison, il y avait un calendrier « Vivre Aujourd’hui » dans sa cellule.

 

Actuellement, suite à sa bonne conduite, le jeune homme est sorti de prison 2 mois plus tôt. Il a repris son emploi de cuisinier de collectivité. Le contact entre les parents et leur fils a été rétabli.

 

dialogue-2Quelles sont tes réflexions en repensant à ces événements ?

 

J’ai rapidement eu un sentiment de pardon envers ce jeune homme. Je prie régulièrement pour lui et ses parents1 en demandant que la Parole de Dieu fasse son oeuvre. Je suis très reconnaissante que ce jeune homme m’ait demandé pardon.

 

Vivre une agression est une expérience traumatisante… je suis devenue plus méfiante lorsque je suis dans la rue et je serre bien mon sac à main.

 

L’audience au tribunal est quelque chose d’impressionnant lorsqu’on n’y a jamais assisté. Plusieurs autres cas étaient jugés en même temps, avec les accusés menottes, les juges, les avocats, etc. …

 

L’important, dans cet événement est que ce jeune homme reconnaisse ses torts et trouve le salut en Jésus-Christ. Je me réjouis de ce qu’il ait repris une vie régulière et un travail.

 

dialogue-2Et s’il t’arrivait de rencontrer ton agresseur ?

 

Je l’embrasserais !

 

dialogue-2As-tu une parole de la Bible qui te vient en rapport avec ce que tu as vécu ?

 

Nous ne sommes pas dignes de la bonté du Seigneur ! Ce sont les paroles d’un cantique qui me viennent à l’esprit : « Compte les bienfaits de Dieu, mets les tous devant tes yeux2 ! Tu verras, en adorant, combien le nombre en est grand ! »

 

Propos recueillis par Marcel Reutenauer


Notes

 

1. NDLR : La compassion de Emma est réelle : elle nomme ces personnes par leurs prénoms !

 

2. Ps 103.2

 

 

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J’aimais faire mal et faire du mal1

 

dialogue-2Antonio, quels souvenirs gardes-tu de ta jeunesse et de ton adolescence ?

 

Je n’aime pas parler de mon passé. Malgré ma joie d’être chrétien j’ai de la peine, car des blessures sont encore ouvertes, et personne de mon entourage ne s’est encore tourné vers le Seigneur.

 

Ma famille est arrivée en France en mars 1970. Je suis l’aîné de quatre enfants. Nous avons été élevés dans un quartier difficile du Havre. Personne dans ma famille n’était chrétien. Ma mère se disait catholique par tradition, mon père était farouchement opposé à ceux qui croyaient en Dieu. Nous, les enfants, nous étions comme lui.

 

Je garde de ma jeunesse des souvenirs tristes, principalement en rapport avec la pauvreté et la violence. Mais j’ai aussi de bons souvenirs en rapport avec le courage et la volonté.

 

Durant ma jeunesse, j’ai été quelqu’un de très violent. J’aimais faire mal et faire du mal. La violence verbale et physique ont toujours été à proximité de moi, j’étais parmi « les meneurs ».

 

dialogue-2Quand et comment est-ce que tu as entendu l’Evangile ?

 

A cette période, j’allais très souvent à la patinoire, où j’ai rencontré celle qui aujourd’hui est mon épouse, Gaëlle. J’y allais avec ma bande, elle y était seule, bénévole secouriste. Nous nous sommes fréquentés, et rapidement nous avons constaté combien nous étions différents, dans le langage, dans le caractère, dans le fonctionnement général dirons-nous…

 

C’est donc Gaëlle qui la première m’a parlé de Jésus. Mais quand je lui ai dit de choisir entre moi et Jésus, elle m’a dit, « Je t’aime, mais je choisis Jésus ». Je ne pouvais pas comprendre que l’on puisse préférer quelqu’un qu’on ne voit pas à quelqu’un qu’on voit et qu’on aime, et nous nous sommes séparés. Ce choc m’a tellement interpellé que j’ai commencé à lire les différents traités que Gaëlle m’avait donnés.

 

dialogue-2Quand tu es devenu chrétien, des changements se sont-ils produits tout de suite ?

 

C’est plus de six mois plus tard, tout seul dans ma chambre, que j’ai accepté le Seigneur. J’avais ouvert le Nouveau Testament et je suis « tombé » sur ce verset : Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra (Mt 6.6). C’était incroyable, presque effrayant… Puis, je lisais ce passage de 2 Tm 1.7 : Car ce n’est pas un esprit de timidité que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de sagesse.

 

Quel combat…, difficile à résumer, il y aurait tellement à dire. Aux yeux de mes amis et de ma famille, j’avais perdu…, elle avait gagné. En réalité, nous avions gagné ce combat avec l’aide de Dieu.

 

Le premier changement visible a été une forme d’isolement, car j’ai aussitôt été rejeté par ma famille et par mes amis. Ce fut très douloureux et difficile à surmonter.

 

J’ai aussi rompu avec le milieu dans lequel je vivais au quotidien, et j’ai changé radicalement de comportement. Le changement le plus net (pour moi) a été celui de l’amour pour les autres. Moi qui avais toujours distribué de la violence physique ou verbale, je ne voyais plus les autres de la même façon. J’avais (et j’ai encore) envie d’aider particulièrement ceux qui souffrent de leurs différences vis à vis des autres.

 

D’autres changements ont eu lieu dans le temps. J’ai pu reprendre et finir mes études universitaires alors que j’avais été exclu du collège en 5è et mis dans une école « pour les fortes têtes », en attente de la vie active.

 

D’autres changements devraient encore venir… d’après ma femme !

 

dialogue-2Comment est-ce que les chrétiens que tu as côtoyés ont pu t’aider ?

 

La plupart doutaient de ma sincérité. Avec le recul, c’est compréhensible, mais c’est difficile à accepter lorsqu’on se tourne vers le Seigneur. Par contre quelques autres ont été de véritables soutiens. Grâce à leurs encouragements et leurs prières, j’ai surmonté ces difficultés.

 

Tu as connu un milieu très différent de celui où tu évolues maintenant. Il y a évidemment des passerelles, puisque tu en as traversé : comment l’Eglise peut-elle en trouver, ou en construire ?

 

Je ne sais pas quoi dire, il n’existe pas de recette miracle. Notre attitude et nos paroles touchent profondément, en bien ou en mal, les personnes qui nous entourent, surtout quand elles sont de milieux très différents du nôtre. Nous devons installer la confiance, mais sans trahir la réalité et les commandements de la parole de Dieu. Parfois on voudrait les « arranger à notre sauce » en fonction du moment…

 

Dans mon expérience, ces paroles d’autres chrétiens m’ont beaucoup encouragé :

 

– « Parfois pour bien construire, il est nécessaire de démolir » (D.R)

 

– « Quand le Seigneur est avec nous, nous sommes du côté de la majorité » (FF)

 

Propos recueillis par Allan Kitt

 


 Note

 

1.  par Antonio Da Silva, ancien de l’Eglise « La Bonne Nouvelle » au Havre.

 

 

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Faire face à un passé douloureux1

 

dialogue-2Steffie, avec du recul et sans entrer les détails, qu’est-ce qui, dans ton passé douloureux, a laissé le plus de marques en toi ?

 

Ce qui a été le plus douloureux pour moi c’est l’humiliation constante, le fait d’être considérée comme rien, de n’avoir aucune valeur, d’être incapable de faire quelque chose de bien, d’être tellement mauvaise que finalement j’en arrivais à penser que mon entourage avait raison de me traiter comme cela…

 

dialogue-2Qu’est-ce que l’Evangile t’a apporté de particulier par rapport à ton passé douloureux ?

 

Le Seigneur a changé ma vie et la perception que j’avais de moi. Désormais, j’ai du prix à ses yeux ; il m’aime telle que je suis. Quand j’ai compris qu’il a été jusqu’à mourir injustement pour moi, par amour, alors mon coeur s’est attaché à lui. Maintenant je n’ai plus à avoir peur, je suis en sécurité, et mon avenir est entre ses mains.

 

Il me l’a promis. « Fortifie-toi et prends courage ! Ne t’effraie point et ne t’épouvante point, car l’Eternel, ton Dieu, est avec toi dans tout ce que tu entreprendras » (Jos 1.8-10)

 

Propos recueillis par Reynald Kozycki.


Note

 

1.  Propos de Steffie, 22 ans, élève infirmière. Membre de l’Eglise de Palaiseau