Au commencement

 

Comment comprendre les premiers chapitres de la Genèse ?

 

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par Henry Bryant

 

 

 

Le problème est à la foi épineux et passionnant : comment comprendre les récits de la Genèse concernant les origines à la lumière des informations scientifiques modernes qui semblent présenter un modèle tout différent ? Le chrétien averti essaie de respecter deux grands principes.

 

D’un côté, il accepte l’affirmation de son Maître que tout, dans la Bible jusqu’au moindre iota et trait de lettre, est révélation de Dieu, fiable dans tout ce qu’elle enseigne.

 

De l’autre, il est convaincu que toute parole de Dieu, comprise correctement, va s’accorder parfaitement avec les réalités scientifiques. Alors, pour expliquer les différences entre le modèle scientifique de nos origines et celui que la Bible semble présenter, le croyant peut voir deux explications possibles : ou bien il n’a pas compris correctement le message de la Bible, ou bien le modèle scientifique, qui ne tient pas compte de Dieu, est à revoir.

 

 Ces deux pistes de recherche ont abouti globalement à deux manières de lire la Genèse et deux perceptions de nos origines, qui jouissent d’une certaine popularité en Occident aujourd’hui.

 

 

1. L’interprétation littéraire

 

a) Description

 

serv3« Pour l’interprétation littéraire, la forme de la semaine attribuée à l’oeuvre de la création est un arrangement artistique, un sobre anthropomorphisme qu’il ne faut pas prendre à la lettre1. » Autrement dit, les six jours de la Genèse ne sont pas nécessairement littéraux ni chronologiques, mais représentent un schéma pour décrire la création finie, utilisant l’idée de la semaine pour mettre en valeur le principe du sabbat (cf. Ex 20.11 ; 31.17 ; Hé 4.4).

 

Le récit du jardin est à prendre symboliquement : l’arbre de vie est une figure de la grâce. Salomon utilise cette même image pour la Sagesse (Pr 3.19) en grande partie : l’arbre de la connaissance du bien et du mal est plutôt un symbole de l’épreuve que représente la connaissance ; la côte prise de l’homme fait penser que la femme est à côté de l’homme ; la confrontation avec le serpent et l’acte de manger le fruit symbolisent la révolte de l’homme contre Dieu.

 

b) L’argumentation

 

C’est dans le livre Révélation des Origines de Henri Blocher, que nous trouvons la présentation la plus claire de cette position. Il met en valeur, entre autres choses, la symétrie du premier chapitre pour suggérer une description artistique plutôt que chronologique. Il montre l’importance de l’image dans les Ecritures et affirme qu’une lecture littérale de ces passages ne la respecte pas et comporte quelques problèmes d’interprétation.

 

Le grand avantage de cette position est d’éliminer la plupart des points de conflit entre la science actuelle et la Bible. Si ces récits sont à prendre plus ou moins symboliquement, le chrétien ne sera plus troublé, ni par les questions de l’âge de la terre ou de l’humanité, ni par celles de l’évolution, qui devient simplement le moyen que Dieu utilise pour la création de la vie. D’autres auteurs partagent dans une certaine mesure cette position : Daniel Vernet, Hugh Ross et Jean Humbert.

 

 

2. L’interprétation « littérale » des premiers chapitres de la Genèse

 

a) Description

 

L’univers, tel que nous le connaissons aujourd’hui, porte les marques de trois grands événements du passé – une création originelle faite en six jours, la chute avec ses conséquences universelles, et le déluge mondial. Tout en respectant les images et les figures de style, on peut accepter la lecture la plus simple du texte et la réalité historique du récit du jardin d’Eden, de la chute, et de la longévité des hommes avant le déluge.

 

b) L’argumentation

 

Le modèle scientifique actuel, bâti sur la thèse transformiste, exige des milliards d’années et interprète les données selon ce paradigme. Par contre, les événements de la création, actes uniques de Dieu, ne peuvent pas s’expliquer entièrement par les processus que l’on peut observer aujourd’hui.

 

Par exemple, la Genèse nous informe que Dieu aurait rempli en peu de temps la terre d’une multitude d’espèces, chacune avec la possibilité d’évoluer au sein des limites bien déterminées des espèces. L’association, The Creation Research Society, composée de scientifiques américains font activement de la recherche selon cette perspective. En France les livres de John Whitcomb, Edgar Andrews, et Monty White développent cette interprétation.

 

c) Les points forts et les points faibles

 

De manière générale, le point fort de l’interprétation littérale, c’est l’attachement au sens le plus « normal » de la Genèse, tandis que sa faiblesse est de rejeter plusieurs des conclusions et des thèses scientifiques basées sur l’observation et de ne pas tenir compte du genre littéraire du premier chapitre de la Genèse. Ce problème est redoutable.

 

Ceux qui acceptent cette vue tentent de montrer que le modèle biblique de la création s’accorde avec des faits scientifiques, même s’ils n’acceptent pas les conclusions qu’on en tire. Ils réussissent plus ou moins bien. Leurs critiques concernant la thèse du transformisme sont très convaincantes, et sont confirmées même par bon nombre de scientifiques non-croyants2. Les postulats concernant l’âge de l’univers et de la terre sont moins probants.

 

Le point fort de l’interprétation littéraire réside dans son acceptation du modèle scientifique des origines. Par contre, son point faible est son approche du texte biblique : problème redoutable ! Que comprend de la Genèse un lecteur qui aborde le texte sans a priori ? Peut-on dire que pendant des siècles, les premiers chapitres de la Genèse, de par leur langage symbolique. ont peint un faux portrait de nos origines ?

 

C’est principalement pour cette raison que je préfère la lecture la plus simple du texte, malgré les quelques problèmes que je n’ai pas encore résolus. Car je trouve de nombreuses difficultés importantes inhérentes à une lecture littéraire, entre autres :

 

tables-loi1. Dans les dix commandements, le sabbat est à respecter parce qu’« en six jours l’Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu… » (Ex 20.11) On peut débattre de la longueur du jour ; peut-on y voir réellement une description artistique et non temporelle ?

 

2. Comment concevoir une création très bonne avant la chute (Gn 1.31), qui serait remplie de la violence et d’une lutte pour la survie du plus apte ? Paul nous dit que c’est uniquement après la chute que la création « a été soumise à la vanité » (Rm 8.19-22). Avant cette révolte, tous les animaux étaient herbivores (Gn 1.29-30).

 

3. Le récit du déluge affirme à plusieurs reprises que toute la terre et toutes les hautes montagnes ont été recouvertes d’eau, qu’il a fallu que Noé construise une arche et y vive pendant environ un an. Si cela est vrai, alors le modèle scientifique de nos jours ne peut pas l’être.

 

4. Le Seigneur Jésus et les apôtres attestent la véracité historique de ces événements : Mt 19, Mt 24, 2 Co 11, Hé 11, etc.

 

Le débat reste ouvert ! Malgré les différences considérables dans les modèles que je viens de présenter et mes préférences, il convient de faire deux constatations importantes.

 

  • Premièrement, une vérité fondamentale réunit toutes les perspectives chrétiennes sur nos origines : notre univers et la vie portent les marques incontestables d’une conception intelligente. L’écrivain René Barjavel, tout en refusant le message de la Bible, exprime avec clarté ce que, de plus en plus de scientifiques reconnaissent aujourd’hui : l’examen de notre univers, « sans parti pris, impose à notre logique la conclusion qu’il est le fruit d’une intelligence inventive et d’une volonté planificatrice3. »

 

L’apôtre Paul écrit que l’homme qui rejette son Créateur est inexcusable puisque les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages (Rm 1.20-21).

 

  • Deuxièmement, force est de constater que nous ne sommes pas en mesure aujourd’hui de dire dogmatiquement comment Dieu a pu opérer dans le lointain passé. Des chrétiens soucieux de la vérité, solidement attachés à la Parole de Dieu, et possédant une bonne connaissance scientifique, soutiennent les deux positions. Montrons alors aux chrétiens qui détiennent l’une ou l’autre de ces perspectives le respect et la considération qui leur est due dans le Seigneur.

 

H. B.

Beaucoup de personnes disposées à croire sont troublées par l’affirmation maintes fois répétée que le récit biblique de la Création est contraire à la science. J’ai tenu, à la fois comme homme de science et comme chrétien, à venir affirmer le contraire, ayant acquis la certitude réfléchie que la Bible, loin d’être en contradiction avec la vraie science, celle des faits, et non des théories, est, au contraire, en avance sur elle. […]

 

Quoique les termes employés dans le texte sacré soient partout très simples et compréhensibles par tous, ils ont été manifestement choisis de telle sorte qu’ils acquièrent une véritable valeur scientifique pour un naturaliste attentif. Ce choix est même si frappant, il montre une science si exacte de la nature des choses et des êtres qu’il révèle le véritable auteur de ces récits : c’est le même que l’auteur de la Création elle-même.

 

Henri Devaux, biophysicien français (dans Les trois premiers chapitres de la Genèse, 1952, p.3-5)

 

 


 

NOTES

 

1. Henri Blocher, Révélation des Origines, Presses Bibliques Universitaires, Lausanne, Suisse, 1979, page 43-44

 

2. Par exemple, Michel Behe, Darain’s Black Box et Michael Denton, Evolution : une théorie en crise

 

3. René Barjavel, La faim du tigre, Éditions Denoël, 1966, page 107. Voir aussi la recension du livre Le Chiffre de la vie de Grégory Bénichou, p 7