Editorial du n°2 Mars-Avril 2001 

 

« Une communauté de boiteux »

 

 Par Annick WAECHTER

 

 

Le système judiciaire sanctionne les infractions à la loi, punit le fautif, ordonne dédommagement sinon réparation. L’exercice de la justice au travers de ses peines plus ou moins lourdes permet d’éviter la vengeance, les vendettas et autres représailles : œil pour œil, dent pour dent, mais pas plus. Aucune notion de pardon, on se trompe de chapelle ! Où la justice terrestre a ses limites, la juste attitude chrétienne les transcende.

 

En effet, seul Christ jusqu’à la croix, a su pardonner complètement. Il nous demande de l’imiter : pardonner à ceux qui nous ont offensés, pas seulement à ceux qui nous ont demandé pardon ! Pardonner pour être pardonnés à notre tour (Mt 6.14-15).

 

Jeune claire flamme, on me parlait du pardon en prenant l’image suivante : le péché, c’est comme une punaise qui s’enfonce dans une planche. Quand on demande pardon à Dieu, il efface ton péché en retirant la punaise, et en plus, il oublie ta faute et gomme ainsi toute trace de trou dans la planche qu’est ta vie. Quand je nous regarde, je me demande combien de punaises nous gardons enfoncées dans nos pieds, bien cachées sous nos chaussettes, un grand sourire aux lèvres… alors que nous boitons bas. Personne ne sait de quelle sorte de punaise il s’agit, si elle est grosse, enfoncée profondément, si la plaie est infectée, et de quand ça date. Personne ne sait, sauf Dieu, à quel point cela handicape la vie de l’Eglise et l’avancement de son royaume. Ça boite beaucoup, quoi qu’il en soit. Et courir pour remporter la course, à l’instar de Paul, ça n’est pas simple dans ces conditions.

 

Pardon et justice, ce n’est pas le même débat, me direz-vous. Et pourtant la justice divine ne se comprend que dans le cadre du pardon.

 

Et pourtant la justice humaine, nécessaire, ne fera jamais disparaître les racines de la rancoeur, de l’amertume.

 

Et pourtant même la peine capitale infligée au coupable ne restaurera pas la paix dans la famille de la victime.

 

 

Parce qu’il n’y a qu’une réponse à l’injustice : ne pas laisser l’offenseur en liberté conditionnelle, mais lui pardonner, pour être pardonnés.

 

Annick WAECHTER