Temoignage

 

Mission ou démission ?

 feuillage

 

 Témoignage de Michel Sanz 1

 

 

Lors de ma conversion, j’ai été submergé par cette conviction : je ne suis rien, je ne mérite rien, je ne vaux rien.


Mais le Père a-t-il donné ce qu’il avait de plus cher, le Fils s’est-il soumis au poids de la colère divine, le Saint-Esprit habite-t-il en moi, uniquement pour me convaincre de ma nullité ? Bien sûr que non, car nous avons été rachetés à un grand prix, et aux yeux de celui qui l’a fait nous sommes justifiés et nous valons beaucoup.


Avec le « rien » que nous sommes, Dieu peut faire de grandes choses pour sa gloire.

 

 

Un arrière-plan difficile

 

Je me suis donné à Christ il y a sept ans, à l’âge de 23 ans, après avoir vécu cinq années dans un groupe punk à Marseille. J’y ai méprisé le travail et l’argent : j’étais un artiste qui ne travaillait pas pour l’argent, et cette conception m’a suivi après ma conversion. Après trois ans de vie chrétienne, marié et père d’une fillette de trois mois, je ne travaillais pas encore, mais je me démenais comme un forcené pour l’assemblée, envisageant même de servir le Seigneur « à plein temps ». C’étaient les séquelles de mes idées marginales.

 

J’ai tout de même fini par demander au Seigneur : « Puisque je suis à ton service, que veux-tu que je fasse ? » Et il m’a donné la réponse : « Laissez-vous transformer par le renouvellement de l’intelligence » (Rm 12.2).

 

 

L’expérience du brisement

 

C’est ainsi que je suis entré dans une vie normale, ou presque. Un responsable de l’assemblée, David Goold, m’avait donné un vieux fourgon et je vendais des croissants de porte en porte, dans les cités au nord de Marseille.

 

En réalité, je continuais à servir le Seigneur à mon idée, et les croissants n’étaient qu’un prétexte. Un nombre appréciable de clients m’achetaient chaque semaine plusieurs paquets de croissants ou de pains au chocolat. J’avais fait imprimer des petits versets bibliques pour mettre dans les sacs, et avec dix versets on avait droit à un sac gratuit. De cette façon, le témoignage allait croissant, mais pas le bénéfice. Cela me rapportait 1500 francs par mois ; alors on peut imaginer les problèmes de la maison avec ce revenu.

 

Après un an de patience, ma femme a craqué : nous allions avoir un deuxième enfant et j’étais toujours aussi inconscient : elle envisageait le divorce.

 

Divorcer ? mais il n’en est pas question !

 

Alors, change !

 

 

La conversion de mon travail

 

– J’ai cessé ce travail à mon compte, et contacté le fabricant de croissants pour lui céder les clients. Il s’est inquiété de mes projets :

 

– Qu’allez-vous faire maintenant ?

 

– Je ne sais pas, je vais chercher un travail normal.

 

– Ecoutez, j’ai besoin d’un chauffeur-livreur.

 

– Pour quand ?

 

– De suite !

 

Ainsi, le jour même où je cessai de vendre des croissants, le Seigneur me donnait un vrai travail à la fabrique. La première année fut aussi dure que la précédente. Je gagnais 3900 francs.

 

 

Progression

 

Au bout d’une année, le patron me confia le « surgelé ». Ma mission consistait à emballer la marchandise et à organiser le service en même temps. C’était un peu comme si le présentateur de TV devait réparer une caméra tout en récitant son papier.

 

J’ai donc mis de l’ordre, classé la marchandise et aménagé une place pour chaque produit. J’ai nettoyé les murs, balayé le sol, parfumé au citron, tout en emballant la marchandise et en dirigeant le service.

 

Je crois avoir ainsi une idée de la vie chrétienne, dans laquelle on ne craint pas les tâches les plus humbles, et on ne se satisfait pas du désordre ni de la saleté. L’objectif était de glorifier mon Dieu.

 

Quelque temps plus tard, il me confiait le magasin. C’était aussi repoussant qu’au « surgelé ». Toutes les fournitures livrées étaient entassées n’importe où. J’entrepris donc la réorganisation totale, tout en faisant tourner le service. J’ai été alors nommé au poste d’acheteur (cadre assimilé).

 

 

Les fruits du témoignage

 

Le Seigneur m’a aussi utilisé pour donner du travail à une dizaine de frères ; quand une place était vacante, le patron disait :

 

– Qui se ressemble s’assemble ; Michel, vous ne connaîtriez pas quelqu’un qui veuille travailler ?

 

Il ne consultait même pas l’A.N.P.E. ou les petites annonces ! Mais quand un frère était embauché, je lui donnais ce conseil :

 

– Commence par assurer le boulot, et après seulement tu pourras témoigner.

 

Après quelques départs, nous sommes restés cinq frères, bien implantés dans l’entreprise et nous avons obtenu une salle pour prier ensemble. Il y a un an, nous avons eu la joie de voir se convertir notre directeur de production. Il s’est fait baptiser quelques mois plus tard.

 

 

Conclusion

 

J’ai ainsi expérimenté la possibilité d’être missionnaire chaque jour dans une vie tout à fait normale. Le Seigneur n’a pas seulement besoin de spécialistes, de missionnaires à plein temps, mais aussi de gens comme nous. Notre corps aussi a besoin de tous ses membres.

 

Si tu penses que tu n’es rien, tu as raison. Mais vois-tu, avec le Seigneur tu vaux quelque chose, n’est-ce pas ? J’ai préféré la mission à la démission.

C’est formidable !

 

M.S.

 


NOTE

 

1. : Témoignage de Michel Sanz lors des réunions missionnaires CAEF à Montluel en novembre 1990.