Editorial du n°3 Mai-juin 1991 

 

Compassion

 

Par Jean-Pierre BORY

 

Nous vivons une ère de progrès dans tous les domaines : les femmes stériles enfantent, de son satellite l’homme embrasse la terre d’un coup d’oeil et en fait le tour en quelques heures, un PDG de  son bureau de Londres, en cinq minutes vend à New York l’entreprise qu’il vient d’acheter à Tokyo.

 

Nous vivons aussi l’ère des plus grandes et insoutenables souffrances de l’histoire humaine. On a  parié de la Roumanie, de l’Arménie et de la famine au Sahel (René Léonian et Georges Ertz nous disent l’aide rendue possible par votre générosité). 

 

C’est pour des raisons climatiques qu’en bordure du Sahara, des enfants meurent, qu’au Bangladesh plus de cent mille personnes ont péri. Mais infiniment plus scandaleuses sont la mort et la souffrance de millions d’autres à cause de la cupidité, de l’orgueil, de l’indifférence des hommes eux-mêmes. Nos écrans reflètent le drame des petits enfants kurdes : 200, 300 morts par jour. 

 

Mais se souvient-on que dans certaines régions non musulmanes du sud du Soudan, la mortalité infantile est de 100% à cause des misères causées par la guerre et la répression ? Sait-on vraiment qu’en 1991, 200 millions d’enfants travaillent comme esclaves dans le monde ? et 100 autres millions sont soumis de force à des travaux pénibles et à la prostitution ?1 Ces chiffres dépassent ce  que nous pouvons nous représenter.

 

Notre conscience nous amène-t-elle encore à sentir notre responsabilité collective dans de tels drames ? En est-on simplement ému, ou bien même s’y habitue-t-on ? Ces scandales prennent unetelle ampleur que nous croyons peut-être être désarmés ; et cela se passe si loin de nous que cela en  devient abstrait (pourtant plusieurs pays de notre Europe sont coupables dans ce domaine).

 

Dans notre bien-être et nos privilèges, sommes-nous de ceux qui croyons posséder (lire « On donnera à celui qui a… »), ou de ceux qui doivent reprendre pied dans la réalité (« Mission ou démission ? »). Pour secourir, l’Eglise peut se mettre à l’ouvrage et « prendre la truelle » en main  encore aujourd’hui, et en toutes circonstances « il reste la prière » (R-R. Grosvenor) : c’est ce que rappelait autrefois Jérémie, témoin de la détresse d’Israël : Lève tes mains vers Lui, Pour la vie de tes enfants Qui défaillent de faim, A tous les coins de rue. (Lam 2.19)  Et en tout premier lieu, dit l’apôtre Paul, j’exhorte à faire des requêtes, prières, intercessions, actions de grâces, pour tous les hommes. (1 Tm 2.1).   

 

Jean-Pierre BORY

 


NOTE

 

1. Chiffres donnés par l’UNICEF, et rapportés dans le dossier accablant « Les enfants esclaves » publié dans le Nouvel Observateur n° 23 du 1er mai 1991.