Persévérer dans la communion fraternelle

 

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Par Reynald Kozycki

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« Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières. » Ac 2.42


 

 

La communion fraternelle fait partie des quatre grands piliers de la pratique chrétienne avec la lecture de la Bible, la prière et le témoignage. Elle va au-delà de simples échanges cordiaux. Elle se construit dans une relation vivante avec le Christ et avec ceux qui lui appartiennent. Tout croyant en connaît l’importance. Pourtant, de nombreux obstacles peuvent empêcher le disciple de persévérer dans cette construction.

 

 

Quelques mots de témoignage

 

J’ai un souvenir assez précis de mes premiers pas dans une église évangélique. Je rejoignais ponctuellement un groupe de chrétiens près du campus de Grenoble. Puis un soir, seul dans ma chambre universitaire, j’ai été amené à prendre conscience « dramatiquement » de mon propre péché. Ce soir-là, Dieu s’est révélé à moi dans sa sainteté et dans son amour par Jésus-Christ. Cette rencontre bouleversante m’a arraché, notamment, à ma paresse des grasses matinées du week-end.

 

Le dimanche matin qui a suivi, je décidais donc d’aller dans un lieu de culte. J’observais les personnes qui prenaient place. Le verset mentionné ci-dessus était écrit en grosses lettres sur le mur. Je le lisais et relisais. Je ressentais en même temps une joie nouvelle, celle de découvrir non seulement Dieu dans son amour et sa sainteté, mais aussi de m’associer aux personnes qui s’assemblaient pour le louer, l’adorer. Ces personnes sont devenues, dès lors, comme ma propre famille. Depuis ce jour, sans qu’on me l’explique vraiment, je n’ai pratiquement plus passé une semaine sans rencontrer d’autres croyants pour mettre en pratique ce verset.

 

 

Du « je » au « nous »

 

La foi chrétienne implique une démarche très personnelle de conversion. Les appels de Jésus visent souvent l’individu et non le groupe : « Celui qui croit en moi… », répète-t-il souvent. La prière, telle qu’il l’enseigne, est d’abord un seul-à-seul avec Dieu dans sa chambre (Mt 6.6), mais très vite elle devient invocation à Dieu comme « notre » Père. Le « je – tu » de notre relation verticale se complète obligatoirement par un « nous ».

 

Il n’est pas concevable, dans la perspective biblique de vivre sa foi seul dans son coin, tel un Robinson Crusoé. Nous sommes appelés à tisser des liens avec nos frères et soeurs en Christ, à nous édifier pour former une maison spirituelle. Nous n’avons en général pas trop de difficultés à le comprendre, surtout au début de notre expérience de foi. Mais avec les combats de la vie, les déceptions, le relâchement, les séductions de tout genre…, nous pouvons oublier l’importance de persévérer dans la communion fraternelle.

 

 

Me découvrir comme membre du « corps de Christ »

 

Comme le baptême l’exprime publiquement, notre conversion (ou notre baptême de l’Esprit) nous introduit non seulement dans une communion vivante avec le Christ, mais aussi, nous incorpore en lui avec les autres croyants : « Nous avons tous été baptisés par un seul et même Esprit pour former un seul corps… » (1 Co 12.13). Nous découvrons assez vite notre besoin les uns des autres :

« Ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres. Mais nous avons des dons différents… » (Rm 12.5-6). Les deux chapitres d’où sont tirés les textes précédents insistent fortement sur les liens qui sont désormais les nôtres dans le « corps de Christ » ; ils montrent aussi que l’Église locale est le lieu par excellence pour exercer les dons que Dieu nous a accordés.

 

 

Non à l’Église « buissonnière » ! 1

 

Pour persévérer dans la communion fraternelle, il est indispensable d’accorder une priorité à notre vie d’Église, sans négliger d’autres domaines importants comme notre vie personnelle avec Dieu ou notre famille…

 

Je me souviens d’un article que nous avions écrit avec un frère pour un bulletin d’Église. Le titre était quelque chose comme : « 52 bonnes raisons pour ne pas aller au culte cette année ». Nous énumérions les visites à la famille proche, des cousins plus éloignés, des amis de longue date, les activités sportives des enfants, les loisirs exceptionnels… Bref, il est si facile, le dimanche matin, de pratiquer l’Eglise « buissonnière », sans parler des raisons encore plus « valables » pour ne pas assister aux réunions de semaines ! Heureusement, les premiers chrétiens ont déjoué les tentations de négliger leur vie d’Église. Ils ont persévéré dans « l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières ».

 

 

Obstacles à la communion fraternelle

 

Nous l’avons tous remarqué, les relations humaines sont rarement faciles, et cela se vérifie aussi dans l’Eglise locale. Nous sommes exhortés à une grande patience dans nos relations : « Supportez-vous les uns les autres avec amour, en vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4.2-3).

 

Pourquoi est-ce si difficile ? Le péché a détérioré profondément notre personnalité. Par exemple, nous avons tendance si facilement à voir les pailles qui sont dans les yeux de nos frères et ne pas voir les poutres qui sont dans les nôtres (Mt 7.3). Combien de chrétiens ont cessé de fréquenter leur Église sous prétexte qu’il n’y avait pas assez d’amour dans leur assemblée, en oubliant qu’eux-mêmes n’ont pas toujours fait preuve de beaucoup de patience ou d’esprit de pardon dans leur relation fraternelle ?

 

 

Étincelles parfois

 

Dans nos relations d’Église, nous expérimentons la justesse de ce proverbe : « Le fer aiguise le fer, ainsi un homme aiguise la personnalité de son prochain » (Pr 27.17). Dans ce choc de fer contre fer -et aussi de frère contre frère ! -il y a parfois des étincelles. Le Nouveau Testament est très réaliste. Paul écrit aux Galates, trop habités d’une foi charnelle, qu’il faut faire attention à ne pas se dévorer les uns les autres (Ga 5.15). L’orgueil, l’esprit de rébellion, le zèle amer et toutes les « oeuvres de la chair »2 rendent la communion fraternelle parfois impossible. Mais heureusement, là où l’amour de Dieu veut être vécu, là où son pardon est mis en pratique, là où la vie de son Esprit peut produire son fruit, les relations fraternelles deviennent des sources d’encouragement et de bénédictions.

 

 

Quelques pistes pour avancer

 

Parmi les très nombreuses exhortations bibliques dans le domaine de la communion fraternelle, je propose de conclure par sept principes qui m’ont aidé au fil des années à persévérer :

 

  • En me rappelant la dette immense que j’avais devant Dieu et qui a été remise, je découvre aussi la force de pardonner à ceux m’ont offensé (Mt 18.23-35) ;

 

  • En me rappelant l’accueil extraordinaire que le Seigneur m’a fait alors que j’étais, par nature, ennemi de Dieu, je découvre la force d’accueillir mes frères et soeurs comme  Christ m’a accueilli (Rm 15.7 ; Rm 5.10) ;

 

  • En comprenant ma valeur aux yeux de Dieu, lui qui a donné son Fils pour moi, je comprends aussi que chacun de mes frères et soeurs est un bien-aimé de Dieu : « Ne cause pas, par ton aliment, la perte de celui pour lequel Christ est mort » (Rm 14.15) ;

 


NOTES

 

1. A. Kuen dans sa traduction « Parole vivante » propose, en note du texte « N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns » (Hé 10.25) les traductions possibles suivantes :

« Déserter ou négliger nos assemblées, leur tourner le dos, cesser d’y assister ; ou, plus familièrement : faire l’église buissonnière. »

 

2. Ga 5.19ss; Jc 3.14ss


  •  A l’exemple de Jésus qui a été « doux et humble de coeur », je veux me méfier comme de la peste de mes tendances orgueilleuses, notamment en apprenant à respecter ceux qui ont des avis divergents, sur des points, somme toute, secondaires, et rechercher ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle (Rm 14.1-19) ;

 

  • En désirant dépendre davantage du Christ, comme le sarment du cep, j’apprends à garder ses commandements, et notamment celui d’aimer mes frères et soeurs comme Christ nous a aimés (Jn 15.4-12) ;

 

  • Dieu est lumière et m’appelle à marcher dans sa lumière (1 Jn 1.5-7). Plus concrètement, cela suppose, en particulier, une certaine transparence de ma part dans mes relations fraternelles. D’abord, en apprenant à reconnaître mes torts, à accepter -voire rechercher les remarques de mes proches qui ont le courage de me dire ce qui ne va pas, et ensuite, à oser parler en face, avec amour et respect, à ceux qui m’auraient offensé. « Si ton frère a péché, va et reprends-le seul à seul » (Mt 18.15), et non : « va le répéter derrière son dos » ;

 

  • Nous avons une tendance fâcheuse à faire de notre local d’Église une sorte de bocal dans lequel nous finissons toujours par nous enfermer et nous faire du tort réciproquement. En nous ouvrant davantage à l’extérieur par le témoignage de notre foi comme « ambassadeurs du Christ », nous nous préserverons de nombreuses difficultés (2 Co 5.17-20).

 

Négliger la communion fraternelle, c’est rejeter une partie fondamentale de l’enseignement de la Bible. Comme une braise retirée de son foyer s’éteint beaucoup plus vite, ainsi le chrétien qui néglige la communion fraternelle s’éteint progressivement dans sa foi. « Supportez-vous les uns les autres et faites-vous grâce réciproquement ; si quelqu’un a à se plaindre d’un autre, comme le Christ vous a fait grâce, vous aussi, faites de même. Mais par-dessus tout, revêtez-vous de l’amour qui est le lien de la perfection. Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos coeurs » (Col 3.13-15). Amen !

 

R.K.

 


 

Quelques questions de réflexion en groupe :

 

 

Lire Ac 2.37-42 et Col 3.13-15 (et éventuellement l’article ci-dessus) :

 

Question 1 : Racontez en quelques mots vos premiers contacts avec une Église locale et votre découverte du « corps de Christ ».

 

Question 2 : Qu’est-ce qui peut nous aider à mettre une priorité à persévérer dans la communion fraternelle ?

 

Question 3 : Qu’est-ce qui vous parait le plus difficile dans nos relations fraternelles ?

 

Question 4 : Comment la Bible nous invite-t-elle à régler nos différends dans l’Église ?

 

Question 5 : Parmi les 7 principes énumérés dans l’article ci-dessus (qui sont loin d’être exhaustifs), lequel vous semble le plus important ? Pourquoi ?